V2

Publié le par Mémoires de Guerre

Les missiles V2 (ou fusées A4) sont les premiers missiles balistiques opérationnels et les véritables « prototypes » des premiers lanceurs de l'ère spatiale. Ces armes développées par l'Allemagne nazie dès 1938 et utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale ont provoqué la mort de milliers de personnes, non seulement sur les objectifs visés, mais plus encore parmi la main-d'œuvre concentrationnaire chargée de les construire dans des conditions épouvantables.

V2

Historique

En dépit de son caractère novateur, l'effet du V2 fut principalement psychologique ; comparés au bombardement classique (dit « sur zone »), ces premiers missiles balistiques, imprécis et fabriqués en nombre relativement limité, dotés d'une faible charge utile, ne jouèrent qu'un rôle marginal sur le plan stratégique ou tactique. Un unique bombardier lourd conventionnel coûtait beaucoup moins cher pour une capacité destructrice et une précision très supérieures, et était réutilisable. Mais le V2 allait ouvrir la voie aux armes modernes qui sont devenues dans le dernier tiers du XXe siècle le support principal de la dissuasion nucléaire et de la frappe dite « chirurgicale ». Les V2 furent conçus à la station expérimentale de Peenemünde sous la direction technique de l'ingénieur allemand Wernher von Braun. La lettre V, utilisée habituellement au sens de « Versuch » (« prototype ») signifie ici « Vergeltung », c'est-à-dire « représailles » ou « Vergeltungswaffe » « arme de représailles ». En effet, les V2 furent lancés en réponse aux bombardements alliés. Le V2 aurait pu être utilisé en 1944 en Sicile pour contrer la menace américaine. La mission a été annulée à cause du nombre de soldats italiens sur la zone.

Après l'échec des deux premiers tirs des 13 juin et 16 août 1942, le premier vol réussi d'un V2 (encore baptisé A 4 à cette période) eut lieu le 3 octobre 1942. En cette journée, alors que la situation devenait critique pour le programme, un 4e prototype modifié dans l'urgence parcourut une distance de 1926 km, effectuant une parabole dont l'apogée culminera à 85 km d'altitude. « Cette journée constituera, sans doute un tournant décisif dans l'évolution de la technique. Non seulement notre fusée a pénétré dans l'espace, mais, pour la première fois nous nous sommes servis de celui-ci pour relier deux points terrestres. La preuve est faite que la fusée à réaction est un moyen de navigation dans l'espace. De même que l'eau, la terre et l'air, l'espace infini deviendra le théâtre de liaisons intercontinentales et, en tant que tel, acquerra une importance politique. Le 3 octobre 1942 est le début d'une ère nouvelle dans les transports : celle de la navigation spatiale ! Tant que durera la guerre, le devoir nous commande d'accélérer la mise au point de la fusée en tant qu'arme de combat. » — Walter Dornberger, allocution à Peenemünde, 3 octobre 1942

Les V2 furent les premiers objets fabriqués par l'Homme à franchir la ligne de Kármán située à 100 km d'altitude et à atteindre l'espace. Durant la guerre l'altitude maximale atteinte fut de 174,6 km le 20 juin 1944. Cependant les V2 n'ont jamais été capable d'atteindre une orbite terrestre. Cette réussite n'en reste pas moins un exploit, obtenu 40 ans seulement après les premiers vols d'un « plus lourd que l'air », c'est-à-dire un aéronef n'étant pas un ballon. L'allocution de Dornberger était prophétique puisque les acquis du programme V2 allaient permettre quelques années plus tard le développement de l'industrie spatiale américaine et soviétique, et l'exploration de la Lune. Les V2 étaient fabriqués en série dans l'usine souterraine de Dora Mittelwerke et testés à Blizna. À partir de 1944, les V2 furent opérationnels en tant que missiles balistiques, mais ils n'apportèrent pas la supériorité escomptée par les Allemands dans la Seconde Guerre mondiale, du fait de leur imprécision (plusieurs kilomètres) et de leur relativement faible effet destructeur (seulement 750 kg d'explosif classique). En revanche, compte tenu de sa vitesse et de son altitude de vol, le V2 n'était vulnérable que pendant quelques secondes, lors de son décollage. Aucun ne put être intercepté.

Un premier tir avait été prévu le 6 septembre 1944, depuis le plateau des Tailles au lieu-dit Petites-Tailles dans l'Est de la Belgique, non loin de Saint-Vith, mais des ennuis techniques et l'avance des Alliés qui avaient franchi la Meuse contraignirent les Allemands à se rapprocher de leur frontière. Le premier V2 fut donc tiré le 8 septembre 1944 depuis Gouvy en Belgique en direction de Paris. En 5 minutes, il atteignit Maisons-Alfort, en banlieue parisienne, où il fit six morts et 36 blessés : « Paris venait d'avoir le redoutable privilège d'être la première cible d'un engin balistique militaire ». Plus tard le même jour, alors que la veille Duncan Sandys, président du « comité de lutte contre la bombe volante » britannique avait déclaré lors d'une conférence de presse que « exception faite de quelques derniers coups possibles, la bataille de Londres est terminée », le premier V2 tiré sur Londres tombait à Chiswick. Il faudra deux mois et deux cent explosions sur son sol avant que le gouvernement britannique ne communique sur l'attaque des V2 en cours. Le secret était d'autant plus facile à garder que contrairement aux V1 qui avaient un ronronnement caractéristique évoquant le moteur d'une motocyclette, les missiles arrivaient à une vitesse de Mach 3,5, supérieure à celle du son, c'est-à-dire dans un silence total. Les explosions pouvaient être imputées à toutes sortes de causes. Lors de la chute du premier V2 sur Londres, personne ne comprit sur le moment qu'il s'agissait d'une bombe. On crut à l'explosion d'un immeuble due au gaz jusqu'à la découverte des débris de la tuyère.

En tout, 4 000 engins furent construits pour être lancés vers le Royaume-Uni et Londres, dans des conditions très dures pour les prisonniers affectés à ces travaux forcés (usine souterraine de Dora). Les V2 tuèrent deux fois plus de déportés en Allemagne que de civils au Royaume-Uni. Mis très tard en service, les V2 furent lancés depuis des sites que l'avance des troupes alliées imposa de déplacer plusieurs fois : aux Pays-Bas à partir de la région de Middelburg et surtout La Haye (permettant d'atteindre Londres) puis Rijs (région du Norfolk), Hellendorn et Dalsfem (vers la Belgique) ; en Belgique et en Rhénanie, des lancements eurent lieu depuis Saint-Vith et Mertzig vers Paris, puis des alentours de Coblence (Euskirchen et Hachenburg) vers le nord de la France et la Belgique. Les dernières batteries furent installées dans la région de Münster, visant Anvers et Liège. Malgré les dégâts infligés aux infrastructures de fabrication et de lancement, 1 560 V2 furent lancés entre le 8 septembre et la fin de 1944, principalement vers Londres (450) et Anvers (920) (où 561 personnes furent tuées le 16 décembre 1944 par un V2 tombé sur le cinéma Rex), mais aussi vers Norwich (40), Liège (25), Paris (20) ainsi que vers Lille, Tourcoing, Arras, Maastricht, Hasselt, etc. Les tirs de 1 500 autres V2 se poursuivirent jusqu'au 27 mars 1945, principalement depuis La Haye, et toujours vers Londres — cible civile principale des Allemands — et Anvers, ainsi que vers quelques cibles militaires. Les dernières fusées furent tirées vers le Kent. Au total la région de Londres reçut 1 350 V2 et celle d'Anvers plus de 1 600, les victimes étant surtout civiles.

Caractéristiques techniques du V2

  • 1 Ogive
  • 2 commandes gyroscopiques
  • 3 guidage et radio commande
  • 4 réservoir d'alcool
  • 5 fuselage
  • 6 réservoir d'oxygène liquide
  • 7 réservoir de peroxyde d'hydrogène
  • 8 bouteille d'azote pressurisé
  • 9 chambre de réaction du peroxyde d'hydrogène
  • 10 turbine et système de pompe
  • 11 buse de combustion alcool/oxygène
  • 12 châssis moteur
  • 13 chambre de combustion et venturi
  • 14 4 plans de stabilisation
  • 15 Arrivées d'alcool
  • 16 4 gouvernails internes
  • 17 4 gouvernails externes
  • Nombre de pièces : 22 000 pièces
  • Poids au lancement : 12 508 kg
  • Moteur-fusée à propergols liquides, alcool méthylique (méthanol) (3 810 kg), oxygène liquide (4 910 kg)
  • Autres fluides : eau oxygénée (130 kg) ; permanganate de sodium (16 kg) ; azote (15 kg)
  • Poussée au décollage : 25 000 kg
  • Temps de combustion : 65 s
  • Vitesse maximale : 5 400 km/h
  • Altitude maximale : 96 km
  • Portée : 320 km
  • Charge explosive : 738 kg avec le problème de l'échauffement lors du vol (jusqu'à 1 200 °C en surface)

Publié dans Matériel

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