Lachmann Esther
Esther Lachmann, née Esther Pauline Blanche Lachmann et généralement connue sous le nom « la Païva », comtesse Henckel von Donnersmarck (à compter du 28 octobre 1871), née le 7 mai 1819 à Moscou et morte le 21 janvier 1884 au château de Neudeck en Silésie, est une célèbre courtisane et demi-mondaine du XIXe siècle.
Origines, enfance et premiers mariages
Esther Pauline Blanche Lachmann est née de parents juifs polonais de Russie. Son père, Martin Lachmann est tisserand : il a épousé Anna Amalia Klein vers 1815. Le 11 août 1836, on la marie à Antoine François Hyacinthe Villoing, tailleur français né vers 1810 et installé en Russie. Un fils, Antoine Villoing, naît en 1837. Mais dès l’année suivante, rebutée par une vie qu’elle trouve ennuyeuse, elle s’enfuit avec un inconnu, dans un long périple à travers l’Europe qui la conduit jusqu’à Paris.
Vie mondaine à Paris et à Londres
Installée près de l’église Notre-Dame-de-Lorette, elle s’introduit dans le milieu de la prostitution où, sur le conseil d’une de ses collègues, elle adopte le pseudonyme de Thérèse. Vers 1840, elle rencontre le riche pianiste Henri Herz, qui tombe éperdument amoureux d’elle et qui lui fait connaître plusieurs autres artistes : les compositeurs Franz Liszt et Richard Wagner, les écrivains Théophile Gautier et Émile de Girardin. On suppose qu’un mariage – illégitime puisque l’épouse était déjà mariée en Russie à Antoine Villoing – eut lieu à Londres. De cette union, naît, vers 1847, une fille prénommée Henriette, aussitôt confiée aux parents de Herz. L’enfant mourra prématurément en 1859. Dès cette époque, Thérèse s’affirme comme l’une des femmes les plus élégantes de Paris. En 1848, Herz part donner des concerts aux États-Unis. Restée en France, elle dilapide la fortune de son compagnon : la famille de ce dernier la chasse. Elle va tenter de refaire sa vie à Londres.
Au Covent Garden, elle rencontre Lord Édouard Stanley, qui s’éprend d'elle et la comble de présents. D’autres riches amants succèdent à Stanley. Fin 1848, elle regagne Paris où elle entretient une liaison avec le duc de Gramont. Son premier mari, Villoing, quitte la Russie pour la reconquérir mais elle le repousse. Désespéré, il meurt à Paris en 1849. Le 5 juin 1851, la veuve (Villoing) séparée (de Herz) épouse un riche Portugais, Albino Francisco de Araújo de Païva, qui lui offre un hôtel au 28, place Saint-Georges, construit en 1840 par l’architecte Édouard Renaud, où elle réside jusqu’en 1852. Le lendemain du mariage, elle déclare à son mari que chacun ayant obtenu ce qu’il voulait, il convient d’en rester là. Le couple se sépare et le « marquis » de Païva retourne au Portugal, mais elle continue de porter le titre présumé de son époux en tant que « marquise de Païva, qui sonne bien ». Païva est le nom d'un château du Portugal sur le Douro, n’ayant jamais appartenu à Araújo, fils d’un roturier, Albino Gonçalves de Araújo, marchand colonial portugais, et son épouse, Mariana Vicência de Paiva.
Il est possible que le titre trompeur d’Araújo de Païva provienne d’une supposition populaire affirmant qu’il se serait lié au vicomte de Paiva, ambassadeur du Portugal à Paris dans les années 1850, véritable détenteur du titre de noblesse lié au château homonyme. En 1852, Thérèse devient la maîtresse d’un richissime prussien, un cousin du chancelier allemand Otto von Bismarck, le comte Guido de Donnersmarck, originaire de Silésie. Entre 1856 et 1865, il lui fait construire, au 25, avenue des Champs-Élysées, le somptueux hôtel de la Païva. Son coût exorbitant (dix millions de francs-or) défraie la chronique. L’architecte Pierre Manguin choisit le style, alors en vogue, de la Renaissance italienne. Le bâtiment abrite aujourd’hui le Travellers Club.
On y admire encore un grand escalier en onyx jaune d’Algérie, une salle de bains de style mauresque, de somptueuses cheminées par Barbedienne, des sculptures de Jules Dalou ou d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse et des peintures de Paul Baudry. En 1857, Donnersmarck lui offre aussi le château de Pontchartrain, où elle séjourne en villégiature. Son fils Antoine Villoing meurt en 1862 alors qu’il était étudiant en médecine. Elle a pourvu à son éducation mais ne l’a jamais revu. Son mariage avec le marquis de Païva est annulé le 16 août 1871. Ce dernier revient en France mais, ruiné, il se suicide le 9 novembre 1872. Le 28 octobre 1871, dans une église luthérienne de Paris, elle épouse son amant Donnersmarck, bientôt nommé gouverneur de la Lorraine annexée. Elle est utile à son nouveau mari : sa connaissance des milieux parisiens fortunés facilite le remboursement anticipé de l’indemnité de guerre de six milliards de francs-or exigée par Bismarck.
Exil en Allemagne
Après la guerre franco-allemande de 1870, elle se mêle de politique. Cherchant à s’entremettre dans les négociations avec la Prusse, elle reçoit Léon Gambetta à Pontchartrain. Mais le gouvernement français la soupçonne d’espionnage et, en 1877, elle doit quitter la France. Elle se retire en Silésie avec son époux, dans le château de Neudeck (aujourd’hui à Świerklaniec en Pologne). Elle y meurt le 21 janvier 1884, âgée de soixante-cinq ans.
Bijoux
Aux termes d'une transaction secrète, elle possédait le collier de 600 000 francs ayant fait partie de la collection de l'impératrice Eugénie. Le 17 mai 2007, Sotheby's vend à Genève, pour 3,5 et 5 millions de francs suisses (soit 2 et 3 millions d'euros), deux diamants jaunes dits Donnersmark lui ayant appartenu : l'un en forme de poire (pear shaped), pesant 82,48 carats ; l'autre en forme de coussin (cushion shaped), de 102,54 carats.