Morris Violette

Publié le par Mémoires de Guerre

Violette Morris, dite « la Morris », née à Paris le 18 avril 1893 et abattue par le maquis le 26 avril 1944 sur une route de campagne, est une sportive française polyvalente, devenue espionne et collaboratrice de la Gestapo

Morris VioletteMorris Violette

Née Violette Paule Émilie Marie, fille du baron Pierre Jacques Morris et de Élisabeth Marie Antoinette, dite Betsy Sakakini, elle passe son adolescence au couvent de l’Assomption de Huy et devient ambulancière sur le front de la Somme, puis estafette sur le front de Verdun. Mariée le 22 août 1914, elle divorce en mai 1923. Mesurant 1,66 m pour 68 kg, elle est une sportive complète : athlète spécialiste du lancer du poids, également sélectionnée au disque, et licenciée du Fémina Sports de Paris de 1917 à 1919, puis de l'Olympique de Paris de 1920 à 1926. Elle est également joueuse de football, avant-centre ou demi-centre, sélectionnée en équipe de France féminine de water polo, sélectionnée en équipe de France mixte en 1925 et 1926, membre de l’équipe des Libellules de Paris ; boxeuse ne craignant pas d’affronter les hommes ; coureur cycliste ; motocycliste ; pilote d'automobile ; aviatrice. Sa grande rivale au poids est Lucienne Velu. Tous sports confondus, sa carrière s'étale de 1912 à 1935, ses plus brillantes années sportives étant celles entre 1921 et 1924. Elle s'adonne également hors compétition à l’équitation, au tennis, dont elle vit en donnant des cours en 1940, au tir à l’arc, au plongeon de haut vol, à l’haltérophilie et à la lutte gréco-romaine.

Consommant deux ou trois paquets de cigarettes américaines par jour, le plus souvent engoncée dans un complet gilet-veston d'homme et pourvue d'un vocabulaire de charretier, elle a pour slogan : « Ce qu’un homme fait, Violette peut le faire ! » Lors des débuts de sa préparation physique en vue des Jeux olympiques de 1928, les premières ouvertes aux femmes, son renouvellement de licence est refusé par la Fédération française sportive féminine en 1927, pour cause d’atteinte aux bonnes mœurs. Entre 1923 et 1929, cette bisexuelle délurée s’affiche publiquement avec Raoul Paoli, qui la quitte alors qu’elle venait de pratiquer une mastectomie bilatérale afin de pouvoir mieux tenir le volant dans un cockpit d'automobile. À partir de 1928, elle tient avec quelques employés un magasin d’accessoires automobiles à Paris, porte de Champerret, racheté par le constructeur parisien BNC en 1932.

Dans le même temps, elle porte plainte contre la Fédération française sportive féminine. Le procès, qui a lieu en février 1930, fait les titres des journaux. Invoquant l'ordonnance du Préfet de Police de Paris du 16 brumaire an IX (7 novembre 1800) qui règlemente le port du pantalon pour les femmes, l'avocate de la fédération, Yvonne Netter, plaide qu'il est interdit aux femmes de « porter culotte dans la rue ». Le tribunal déboute Violette Morris et la condamne aux dépens, estimant que s'il n'est pas de son ressort de s'occuper de la façon dont les femmes doivent se vêtir, « le fait de porter un pantalon n’étant pas d’un usage admis pour les femmes » donne droit à la fédération de l'interdire.

Suite au procès, elle se plaint que « ce pays de petites gens n’est pas digne de ses aînés, pas digne de survivre. Un jour, sa décadence l’amènera au rang d’esclave, mais moi, si je suis toujours là, je ne ferai pas partie des esclaves ». Lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 auxquels elle assiste en tant qu'invitée d'honneur, elle est approchée par des recruteurs allemands et à partir de 1937, elle se livre à des activités d'espionnage pour le compte de l'Allemagne nazie. En 1940, Helmut Knochen, chef du service de renseignements de la SS à Paris, la recrute. Elle est chargée de recruter des espions, de contrer les réseaux anglais du SOE et d'infiltrer les réseaux de résistance du Grand ouest.

Elle passe ensuite, par le biais de Henri Chamberlin dit Lafont, à la Gestapo française, rue Lauriston, où elle se livre à des activités de tortionnaire notamment sur des femmes résistantes. Elle est responsable de secteurs dans les organigrammes de la Gestapo de la rue des Saussaies à Paris de 1942 à 1944. Son efficacité lui vaut le surnom de hyène de la Gestapo. Elle est condamnée à mort, soit par l'Intelligence Service, soit par le BCRA. Le 26 avril 1944, elle est assassinée par des maquisards du groupe normand Surcouf alors qu'elle se trouve sur une route de campagne au volant de sa traction avant Citroën 15 CV. Son corps criblé de balles, comme ceux des cinq autres occupants de la voiture - dont deux jeunes enfants-, fut exhumé en septembre 1945.

Dans une récente biographie (2011), l'historienne Marie-Josèphe Bonnet nuance sérieusement la description de Violette Morris comme agent de la Gestapo et par là s'oppose à la thèse de Raymond Ruffin dans une autre biographie de la championne. Selon Marie-Josèphe Bonnet, si les documents de l'époque attestent de sa fréquentation assidue des milieux collaborationnistes et allemands, s'ils prouvent bien sa participation au marché noir et à des opérations de réquisition, les archives ne permettent pas de relever une activité d'espionnage, de dénonciation et de tortures des résistants.

Publié dans Banditisme

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