Des poursuites contre l'ex-chef de la police de Vichy?

Publié le par Le Soir par Jacques Cordy

René Bousquet, 80 ans, devrait être poursuivi pour déportations de Juifs en 1942-43, époque où il était chef de la police de Vichy. Une plainte est, en tout cas, déposée contre lui, ce mercredi, par Mes Klarsfeld et Libman, avocats de l'association des fils et filles de déportés juifs de France. Les poursuites engagées contre lui le seraient au titre de «crimes contre l'humanité».

René Bousquet et Pierre Laval

René Bousquet et Pierre Laval

M. Bousquet, qui réussit à fuir la France à la Libération, à bord du véhicule du chef des SS pour l'Hexagone, Carl Oberg, avait dirigé la police française en «zone libre». Son adjoint, Jean Leguay, le dirigeant en «zone occupée», organisa la grande rafle du Vel'd'Hiv en juillet 1942 (13.000 Juifs dont 4.000 enfants), et n'a échappé à un procès pour «crimes contre l'humanité» que par son décès en juillet dernier.

M. Bousquet, lui, revenu en France après la guerre, fut condamné en 1949 par la Haute Cour de justice à cinq ans de dégradation nationale. Cela ne l'avait pas empêché, ensuite, d'entrer à la banque d'Indochine et de Suez et d'y occuper d'importantes fonctions. En 1979, toutefois, mis en cause pour ses activités durant l'Occupation, il avait démissionné et pris sa retraite.

Des faits nouveaux

Au cours d'une conférence de presse tenue mardi, Me Klarsfeld a révélé que, pour pouvoir faire rouvrir le dossier, il portait plainte contre M. Bousquet en raison de faits nouveaux. A la fin du mois d'août 1942, René Bousquet, engagé dans la «chasse aux Juifs» et apparemment désireux de présenter aux autorités allemandes davantage de personnes destinées à la déportation, aurait fait annuler des dispositions réglementaires qui mettaient les enfants juifs en bas âge à l'abri des rafles.

Me Klarsfeld appuie son accusation - qui relègue René Bousquet au rang des Klaus Barbie, Paul Touvier et Jean Leguay - sur l'existence d'un télégramme confidentiel envoyé, le 18 août 1942, par le chef de la police du régime de Vichy à tous les préfets de la «zone libre». Les instructions nouvelles contenues dans cette dépêche avaient permis l'arrestation de 194 enfants juifs supplémentaires, dans six départements du sud-ouest et du sud de la France!

Selon l'avocat parisien, une de ces instructions concernant «les pères et mères ayant enfants de moins de cinq ans» avait été ainsi modifiée en «père et mère ayant enfants de moins de deux ans». Les 194 petits Juifs avaient été déportés alors qu'ils n'auraient jamais dû l'être; ils auraient dû être exemptés...

A travers ce procès (contre René Bousquet, si la plainte aboutit, NDLR) ce que nous cherchons, c'est la condamnation du régime de Vichy dans ce qu'il eut de plus odieux: la déportation d'enfants (...). Avec la rafle du 26 août 1942 (qui suivit les instructions de René Bousquet) des milliers et des milliers de Juifs et leurs enfants se sont retrouvés à Auschwitz, alors qu'ils étaient en «zone libre», a dit Me Klarsfeld.

Comme Barbie...

Si Jean Leguay (le subordonné de Bousquet, en liaison directe à Paris avec l'occupant) a échappé, par sa mort, à un procès analogue à celui qui a débouché, il y a deux ans, sur la condamnation de Klaus Barbie à la réclusion à perpétuité, René Bousquet, lui, ne semble pas pouvoir échapper à la cour d'assises.

On notera au passage que l'action publique a été déclarée éteinte contre Jean Leguay du fait de son décès, dans une ordonnance rendue lundi par le juge d'instruction, M. Jean-Pierre Getti. Dans ce texte, le magistrat signale que l'information a permis d'établir sa participation à des crimes contre l'humanité commis en juillet, août et septembre 1942. C'est la première fois qu'un Français, agent du régime vichyssois dirigé par le maréchal Pétain et son Premier ministre Laval, est convaincu d'avoir commis des crimes contre l'humanité, par sa participation à l'arrestation de Juifs en vue de leur déportation.

Un procès, sur la base de la même accusation de crime imprescriptible, c'est aussi ce qui attend Paul Touvier, un des responsables de la Milice de la zone lyonnaise, arrêté en mai dernier, après une extraordinaire cavale quasi continue depuis 1945.

Enfin, il reste un troisième Français accusé d'avoir contribué, lui aussi, à la déportation de Juifs (on parle de 1.690 personnes) dans la région de Bordeaux où il était à l'époque secrétaire général de la préfecture: Maurice Papon, 79 ans, ex-ministre du budget du gouvernement Barre (1978-1981). Mais l'instruction est en sommeil, et M. Papon laissé en liberté, pour des raisons inexpliquées. 

Publié dans Articles de Presse

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article