Les métastases du Watergate
Personne ne pouvait imaginer, ce 17 juin 1972, il y a eu vingt-cinq ans mardi, qu'un « cambriolage de troisième ordre », dans le complexe du Watergate, sur les bords du Potomac, à Washington, où se trouvait le QG de campagne du Parti démocrate, allait entraîner la mise en accusation du président Richard Nixon pour parjure et obstruction à la justice.
Avant sa démission, deux ans plus tard, pour éviter l'opprobre final de l'« impeachment ». Personne ne pouvait non plus prévoir que l'enquête courageuse de Woodward et Bernstein, deux journalistes du Washington Post, allait générer, partout dans le monde, et en particulier en France, des émules nombreux de ce qu'il est convenu d'appeler le journalisme d'investigation. Avec des disciples pas toujours fidèles au sens des responsabilités et à la rigueur professionnelle de leurs modèles.
Mais nul non plus ne pouvait voir que ce scandale, qualifié par Nixon lui-même de « drame national », allait avoir une influence aussi durable sur la vie publique d'un pays où le civisme est pourtant dans les gènes des citoyens. Au point d'entraîner un tel discrédit des hommes politiques qu'il a détourné durablement les esprits les plus brillants du service de l'Etat, et a contribué à ce que plus de la moitié des électeurs américains s'abstiennent désormais d'aller voter.
Le cancer du Watergate n'a d'ailleurs pas fini de faire des métastases : ainsi toutes les « affaires » qui touchent de près ou de loin au pouvoir sont-elles désormais affublées du suffixe « gate » : de l'« Irangate » au « travelgate », en passant par le « Billie-Clinton-gate »... Mais, surtout, au-delà de ces clichés, l'institution présidentielle elle-même, clé de voûte du système américain, reste durablement atteinte : selon un sondage de Time Magazine, réalisé à l'occasion de l'anniversaire du Watergate, 78 % des Américains estiment que la présidence ne mérite plus leur confiance. L'Amérique, en somme, reste persuadée, comme Ronald Reagan en 1980, que « le gouvernement n'est pas la solution des problèmes, il est le problème ».