A Maillé, village martyr il raconte son 8 mai 1945

Publié le par La Nouvelle République propos recueillis par Julien Coquet

Il est l’un des rescapés du massacre de Maillé. Le 8 mai 1945, quand l’Allemagne a capitulé, Serge Martin avait 10 ans. Avec émotion, il se souvient.

Serge Martin, 80 ans, devant le mémorial dressé en hommage aux 124 victimes du massacre de Maillé.

Serge Martin, 80 ans, devant le mémorial dressé en hommage aux 124 victimes du massacre de Maillé.

Le 8 mai 1945, Serge Martin avait 10 ans. Un souvenir heureux qui n'a pas apaisé la peine. Neuf mois plus tôt, il échappait au massacre de Maillé, perpétré par un groupe SS. Cinquante-deux des soixante maisons du village brûlées ou bombardées, faisant cent vingt-quatre victimes. Parmi elles, ses parents ainsi que ses trois frère et sœurs. Il témoigne.

Où étiez-vous lors de la capitulation allemande, le 8 mai 1945 ?

« A l'école. J'étais en CM2 à Draché, à quelques kilomètres d'ici, où mes grands-parents m'ont accueilli après le massacre. Je revois l'institutrice venir nous annoncer que l'Allemagne venait de rendre les armes. Dans le village, les cloches de l'église sonnaient, les gens étaient heureux. »

Quel sentiment a été le vôtre, quelques mois à peine après que le village a vécu cet épisode horrible ?

« Ce jour-là, j'ai pensé à mes parents et à tous ces gens qui ont payé de leur vie la bêtise humaine. La capitulation allemande, c'était bien pour tout le monde sauf pour eux, qui n'ont pas pu la voir…

Quand on a subi l'Occupation pendant quatre ans, on est forcément soulagé d'apprendre que tout ça est enfin terminé. Mais ce n'est pas possible de vivre comme tout le monde après ça. »

Avez-vous assisté à des scènes de liesse ?

« Non. Je me souviens qu'une soirée dansante a été donnée dans la salle de bal du bar du village, mais à la sortie de l'école, je suis rentré à la ferme de mes grands-parents, comme d'habitude. J'étais content pour tout le monde que cette guerre prenne fin, mais la capitulation n'a pas calmé notre peine. »

Où serez-vous ce 8 mai ?

« A Maillé. J'ai toujours assisté à une cérémonie et je constate qu'il n'y a plus beaucoup de parents à amener leurs enfants aux cérémonies patriotiques. C'est pourtant de leur responsabilité, pour qu'on n'oublie jamais les atrocités commises par le régime nazi. »

Soixante-neuf ans après la fin de la guerre, avez-vous pardonné ?

« Je ne pardonne rien, mais cultiver la haine ne sert à rien. »

L'actualité, notamment en Ukraine, montre que la menace de la guerre reste prégnante…

« Quand je vois comment évolue la situation en Ukraine, j'ai peur pour ces peuples, et j'ai envie de leur crier " plus jamais ça " ! »

repères

" Chinon fête la victoire dans l'allégresse "

Dans « Occupation, Résistance et Libération du Chinonais », Henri Brocourt décrit un Chinon qui applaudit la capitulation allemande. Extraits :

« Le 8 mai 1945, Chinon, aux fenêtres de laquelle flottaient les drapeaux à croix de Lorraine, fêta la victoire dans l'allégresse. A 15 h, sur le balcon de l'hôtel de ville, José Lanzone, de l'Opéra-comique, y chanta une vibrante " Marseillaise ". Les trottoirs étaient noirs de monde alors que se formait un cortège imposant pour se rendre au monument aux morts. M. le Sous-Préfet concluait : " Nous ne crions pas vengeance, mais nous demandons que justice soit faite ". Le soir, un feu de joie sur le quai Danton était allumé, alors que jeunes et moins jeunes tournoyaient sur les places de la ville… »

Publié dans Articles de Presse

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