Front national (FN)
Parti politique français fondé le 5 octobre 1972 sous le nom de Front national pour l'unité française, dit Front national, par plusieurs membres du mouvement Ordre nouveau dans la perspective des élections législatives de mars 1973.
La percée de ce mouvement d'extrême droite – présidé par Jean-Marie Le Pen de 1972 à 2010, puis par sa fille Marine Le Pen – constitue l'une des données importantes de la vie politique française depuis le milieu des années 1980. Une nébuleuse de courants cohabite au sein du nouveau parti : anciens de l'Algérie française, nostalgiques du régime de Vichy, catholiques traditionnalistes. Son comité directeur est composé de nationalistes issus d'Ordre nouveau (François Brigneau) et du journal Militant (Pierre Bousquet, secrétaire général du parti de l'Unité française), de nationaux, Jean-Marie Le Pen, de centristes anti-gaullistes issus du Mouvement pour la Justice et la Liberté (MJL) de Georges Bidault. Dès sa création, le FN axe son combat sur la défense de l'identité de la France, la libre entreprise et la libre concurrence ; l’opposition à l’immigration devient un invariant de son discours politique. La lutte contre le communisme et le ralliement atlantiste qui la sous-tend devient son autre grand axe idéologique. Dans les années 1980, Jean-Marie Le Pen, suivant le modèle du président des États-Unis Ronald Reagan, loue son ultralibéralisme et veut supprimer les impôts et réduire l'État ; sur le plan moral, il est ultraconservateur, contre le mariage homosexuel et l'avortement. Après la chute du mur de Berlin, il devient anti-américain et dénonce l'« axe américano-sioniste », qui aurait conduit, selon lui la première guerre du Golfe en Iraq.
En 1974, Jean-Marie Le Pen obtient 0,74 % à la présidentielle. La première percée électorale du parti survient lors de la municipale partielle de Dreux avec l'élection de Jean-Pierre Stirbois, qui recueille 12,6 % des suffrages. En 1984, le FN frôle les 11 % aux européennes. Aux législatives de 1986, grâce à une part de proportionnelle, il obtient 35 députés : il entre à l'Assemblée et forme un groupe parlementaire. Le retour au scrutin majoritaire ne lui assure plus en 1988 qu'un seul représentant à l'Assemblée nationale et aucun en 1993. Pourtant, centrant son discours sur l'immigration et l'insécurité, le FN parvient à canaliser des mécontentements très divers et son audience croît régulièrement dans toutes les couches sociales. Les élections municipales de 1995 confortent son implantation locale, notamment dans le sud-est de la France. Mais en 1999, la scission organisée par Bruno Mégret, qui crée le Mouvement national républicain (MNR), est perçue comme le « commencement de la fin » d'un parti au chef vieillissant.
Le résultat des municipales de 2001 semble confirmer cette analyse. C'est pourquoi le score de Jean-Marie Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2002, le 21 avril, fait l'effet d'un coup de tonnerre. Avec 16,86 % des voix, le président du FN élimine le candidat socialiste, le Premier ministre Lionel Jospin, et se retrouve face à Jacques Chirac au second tour. B. Mégret (2,34 %) se rallie immédiatement à sa candidature, alors que tous les partis républicains appellent à voter Chirac. Avec 17,7 % des voix, J.-M. Le Pen est sévèrement battu au second tour. Il apparaît cependant que les électeurs de l'extrême droite ont confirmé leur vote : ainsi, 5,5 millions de Français soutiennent un programme résolument archaïque prévoyant la sortie de l'Union européenne, l'abandon de l'euro) et xénophobe (la « préférence nationale »). Si le Front national n'obtient pas de très bons scores dans l'Ouest, le Sud-Ouest et la région parisienne, il confirme son enracinement dans le Sud-Est (Régions PACA, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon) et réalise une percée spectaculaire dans le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et, dans une moindre mesure, en Lorraine et Alsace. Subissant un net recul au premier tour des élections législatives (9 juin), le FN recueille 11,1 % des suffrages exprimés mais ne dispose d'aucun siège à l'Assemblée nationale.
Demeuré stable à l'issue des élections cantonales et régionales des 21 et 29 mars 2004 (14,7 % et 12,5 %), le parti d'extrême droite obtient un résultat mitigé aux européennes du 13 juin (9,8 %, 7 sièges). En revanche, il essuie un sérieux revers à l'élection présidentielle de 2007, J.-M. Le Pen n'obtenant que 10,4 % des suffrages, soit une perte d'environ un million de voix par rapport à 2002, essentiellement au profit de Nicolas Sarkozy. Cette contre-performance trouve une confirmation lors des législatives de juin 2007, puisqu'au premier tour le parti ne réunit que 4,2 % des voix et n'est en mesure de présenter au second tour qu'un seul candidat, en l'occurrence la fille de son leader – Marine Le Pen (battue à Hénin-Beaumont avec 41,6 % des suffrages). À l'effritement de son électorat, aux problèmes financiers ainsi qu'aux conflits internes et récurrents sur les choix stratégiques s'ajoutent les querelles de succession, J.-M. Le Pen ayant annoncé son intention de quitter ses fonctions après le congrès de 2010. En recueillant 6,34 % des voix aux élections européennes de juin 2009, le parti frontiste n'obtient que 3 députés. Marine Le Pen, qui réalise (pour la Région nord-ouest) le meilleur score du parti avec 10,18 %, voit sa position dans la course à la succession de son père renforcée, et ce d’autant que lors du scrutin municipal partiel qui se tient à Hénin-Beaumont au tournant de juillet, la liste FN, dont elle est numéro 2, arrive en tête au premier tour et dépasse les 47,6 % au second tour.
Aux régionales de 2010, capitalisant sur les déçus du sarkozisme de même que sur les dégâts suscités par la crise économique, et profitant des débats à propos de l’identité nationale et du port du voile intégral, le FN relève la tête et obtient le 14 mars plus de 11,7 % des suffrages (20,3 % pour J.-M. Le Pen en Provence-Alpes-Côte d'Azur, 18,3 % pour Marine Le Pen dans le Nord-Pas-de-Calais). En mesure de se maintenir dans 12 Régions la semaine suivante, il augmente son score dans celles-ci, où il atteint en moyenne les 17 % (et respectivement près de 22,9 % et 22,2 % pour le leader du parti et sa fille). En avril, J.-M. Le Pen fait savoir qu’il ne sera pas candidat à l’élection présidentielle de 2012, ouvrant la course à sa succession à la tête du FN. Deux prétendants se font jour à la fin juin : le vice-président Bruno Gollnisch, qui a le soutien de la base militante, et Marine Le Pen, qui peut se réclamer de son père et qui bénéficie par ailleurs de l'appui du gros de l’appareil de parti. Lors du XIVe congrès du parti, les 15 et 16 janvier 2011 à Tours, c’est cette dernière qui est élue avec 67,65 % des voix, succèdant à son père, intronisé « président d'honneur ». La stratégie de Marine Le Pen est de respectabiliser la formation frontiste, pour en faire un parti de gouvernement. Les intentions de vote, à des niveaux historiquement très hauts, de même que les cantonales de mars 2011 lui permettent de cautionner ce positionnement. En effet, le FN réalise à cette occasion un score quasiment sans précédent : au premier tour, plus de 15 % des voix à l’échelle nationale, et même environ 19,2 % dans les 1440 cantons où il était présent. En mesure de se maintenir dans 402, arrivé en tête dans 40, il n'obtient que deux élus au second tour, mais 11,5 % des suffrages, et 35,5 % en moyenne, là où il avait des candidats.
Fort de ces résultats, et emmené par une nouvelle et jeune leader charismatique placée très haut dans les sondages, le FN peut, plus que jamais, escompter troubler à nouveau la donne lors des présidentielles de 2012 – dix ans après le 21 avril 2002. Ce qu’il ne manque pas de faire, en remportant un nouveau succès historique, avec près de 6,5 millions de voix et 17,9 % des suffrages le 22 avril 2012. Le positionnement très droitier du président sortant ne lui a pas permis de siphonner l’électorat frontiste comme en 2007, bien au contraire : il l’a élargi, sans lui permettre de le rassembler pleinement au second tour, M. Le Pen ayant fait connaître son intention de voter blanc. La victoire de François Hollande permet à la présidente du FN de capitaliser sur l’implosion d’une UMP privée de son « leader naturel » et, pour une part, tentée par des alliances électorales avec sa propre formation. Mais le score des candidats frontistes aux législatives de juin 2012 (13,6 % des voix au premier tour) et la défaite d’un grand nombre des membres de la Droite populaire lui interdisent de peser suffisamment et de pouvoir envisager animer et même diriger à court terme un courant conservateur et populiste « bleu marine ». Il n’empêche : si M. Le Pen rate de très peu son entrée à l'Assemblée, elle consolide son assise à Hénin-Beaumont, tout comme son parti renforce son implantation dans ses bastions du Nord, de l’Est et du Sud, envoyant dans l'Hémicycle deux de ses représentants : le fidèle soutien de la campagne présidentielle l’avocat Gilbert Collard et la jeune nièce de la chef du mouvement, Marion Maréchal-Le Pen. Ces résultats, ajoutés à la porosité toujours plus marquée de son électorat avec celui de l’UMP, donnent au FN une position stratégique dans la perspective d’une recomposition de l’opposition au nouveau pouvoir socialiste.
La querelle de succession de N. Sarkozy qui déchire l’UMP dès l’été 2012 est pain bénit pour la présidente du FN, tout comme le sont l’aggravation de la crise économique, la hausse inexorable du chômage, la montée, consécutive, des inquiétudes et des mécontentements, puis l’affaire Cahuzac, qui éclabousse la présidence Hollande. En outre, la politique de rigueur mise en œuvre par le gouvernement Ayrault légitime l’idée que M. Le Pen n’a cessé d’agiter d’une caste « UMPS » et de partis « blanc bonnet et bonnet blanc » dont l’appareil serait complètement déconnecté des réalités du terrain. De fait, même s’il ne remporte aucune des huit législatives partielles qui s’échelonnent de décembre 2012 à juin 2013, le FN est la seule formation politique à voir ses scores augmenter, parfois du reste de façon spectaculaire, jusqu’à approcher les 50 % au second tour. De quoi affoler les états-majors de gauche comme de droite et de soulever plus que jamais au sein de l’UMP la question des stratégies et des alliances pour les futures échéances électorales, au premier chef les municipales de 2014.