Ventura Lino

Publié le par Mémoires de Guerre

Lino Ventura est un acteur italien, né le 14 juillet 1919 à Parme, en Italie et mort le 22 octobre 1987 à Saint-Cloud, en France. Il a réalisé la plus importante part de sa carrière cinématographique en France. Fils d'immigrés italiens, Lino Ventura fut d'abord lutteur professionnel (champion d'Europe poids moyens en 1950), puis catcheur avant de devenir par hasard acteur aux côtés de Jean Gabin dans Touchez pas au grisbi qui rencontre le succès à sa sortie en salle en 1954. D'abord habitué à des seconds rôles d'hommes de main ou de brutes, il devient une vedette dès la fin des années 1950 grâce à des films comme Le Gorille vous salue bien et Le fauve est lâché

Alternant les comédies à succès, parfois dialoguées par Michel Audiard, telles Les Tontons flingueurs, Les Barbouzes, Ne nous fâchons pas, L'aventure c'est l'aventure ou La Gifle, et des drames et polars comme Les Grandes Gueules, Le Deuxième Souffle, Le Clan des Siciliens, L'Armée des ombres ou Garde à vue, il est à partir de la fin des années 1950 jusqu'à sa disparition l'un des acteurs les plus populaires du cinéma français, et rentable au box-office avec 130 millions d’entrées. Père de quatre enfants dont une fille handicapée, il fut le fondateur avec sa femme Odette en 1966 de l'association Perce-Neige, destinée à venir en aide aux personnes handicapées mentales. 

Ventura Lino
Ventura Lino
Ventura Lino

Débuts

Jeunesse

Angiolino Giuseppe Pasquale Ventura est le fils unique de Giovanni Ventura et Luisa Borrini. En 1927, il est âgé de huit ans lorsqu'il quitte l'Italie avec sa mère pour rejoindre son père parti travailler comme représentant de commerce à Paris quelques années auparavant. Mais arrivés à Montreuil le 7 juin 1927, la mère et le fils ne trouveront pas Giovanni. Le père a disparu. Il évoquera rarement ce père absent. Lino et sa mère s'installent chez des amis au 57 rue de Romainville à Montreuil, au cœur de la communauté italienne dont l'intégration ne s’effectue pas sans problèmes. Puis ils s'installent rue Papillon dans le 9e arrondissement de Paris où Luisa a décroché un emploi de femme de chambre à l’hôtel Baudin.

Pour aider sa mère à les faire vivre, il quitte l'école et commence à travailler dès l'âge de neuf ans. Il exerce successivement différents métiers : portier, livreur mécanicien, représentant de commerce et employé de bureau. Lino Ventura parlait français sans aucun accent, ayant passé l'essentiel de sa vie en France, et s'exprimait en italien avec une pointe d'accent de Parme. Quoi qu'il en soit, il fait partie intégrante du patrimoine cinématographique français. Il est plébiscité en 2005 à la 23e place du classement des 100 plus grands Français de tous les temps. 

Lutteur et catcheur

Ses copains du square Montholon lui font découvrir le sport. À l'âge de 16 ans, il rencontre Fred Oberlander (en), un champion autrichien de lutte gréco-romaine résidant dans l’hôtel Baudin. Celui-ci le convainc de venir s'entraîner régulièrement à la lutte dans la salle des Gobelins, puis dans celle de la porte d’Italie. Apprenant l'humilité et la fraternité, il se forge selon ses termes « une mentalité de gagnant »6. C'est à cette époque, alors qu'il est coursier à la CIT (Compagnie italienne de tourisme, couverture des services de renseignement de l'Italie fasciste), qu'il rencontre Odette Lecomte dans cette agence de voyages. Comme il a gardé sa nationalité d'origine, il est enrôlé dans l'armée italienne au début de la Seconde Guerre mondiale

Il déserte au moment de l'effondrement du régime fasciste (juillet 1943) pour rejoindre à Paris Odette qu'il a épousée le 8 janvier 1942. Menacé de délation, il doit se cacher afin de ne pas être arrêté par les Allemands, dans une maison servant de grange à Baracé (il y reviendra après la guerre et achètera cette maison). Après la guerre, il entame une carrière de catcheur, plus rémunératrice que la lutte, et participe à des combats à la salle Wagram et au Cirque d'Hiver où il lutte sous le nom de Linoa Borrini, alias « la fusée italienne ». Sa carrière de catcheur atteint son apogée en février 1950 lorsqu'il devient champion d'Europe des poids moyens pour l'Italie. Elle prend fin le 31 mars 1950, après qu'Henri Cogan le blesse en le projetant dans des chaises métalliques, lui occasionnant une double fracture ouverte à la jambe droite. Il devient alors organisateur de combats pour une vingtaine de catcheurs de son écurie. 

Carrière

Cinéma

En 1953, tout à fait par hasard, un de ses amis parle de lui au réalisateur Jacques Becker qui cherchait une force de la nature, de type italien, pour jouer face à Jean Gabin dans son film Touchez pas au grisbi. La rencontre se fait et Jacques Becker lui propose aussitôt le rôle d'Angelo, un chef de gang opposé aux personnages incarnés par Jean Gabin et René Dary, Lino refuse le rôle dans un premier temps. Alors qu'il ne joue qu'un second rôle, il demande par pure provocation un cachet d'un million d'anciens francs (cachet presque équivalent à celui de la vedette du film Jean Gabin), proposition qui est acceptée à sa grande surprise par le producteur Robert Dorfmann. À la sortie de Touchez pas au grisbi, sa présence à l'écran est telle que toute la profession le remarque. Le film obtient un grand succès public. Incertain, pendant les cinq premières années de sa carrière de comédien, Ventura conserve jusqu'en 1958 ses « vrais » métiers (organisateur de combats de catch et gérant d'une entreprise de layettes).

Immédiatement adopté par le milieu du cinéma, par Jean Gabin - avec qui il tourne cinq films en quatre ans et qui devient son grand ami - et par le public, sa carrure, sa « gueule » et son exceptionnel naturel de comédien font de lui l'interprète idéal du film noir, de truand et de policier dur à cuire au grand cœur. Sans avoir pris de cours de comédie, il passe rapidement du statut d'acteur de second rôle à celui de tête d'affiche, son jeu d'acteur s'affinant. C'est le rôle du Gorille (dans Le Gorille vous salue bien de Bernard Borderie) en 1958 qui le lance comme vedette à part entière, suivi de Classe tous risques avec Claude Sautet, en 1960, qui lui fait partager la vedette avec Jean-Paul Belmondo, film qui marque sa rencontre avec un auteur de la Série noire, José Giovanni avec qui il tournera trois films. Il devient l'un des poids lourds du cinéma hexagonal et restera à tout jamais reconnu comme l'un des meilleurs acteurs du cinéma français. Il excelle dans les rôles traditionnels de truand ou de policier vieilli, fatigué, ou de l'homme d'expérience sensible à l'amitié virile. 

Son jeu d'acteur, d'ailleurs assez proche de sa propre nature, s'exprime pleinement sous la direction de Jacques Deray (Avec la peau des autres, Un Papillon sur l'épaule) de Jean-Pierre Melville (Le Deuxième Souffle, l'Armée des ombres), de Robert Enrico (Les Grandes Gueules, Les Aventuriers, Boulevard du rhum) et de Claude Pinoteau (Le Silencieux, La Gifle, L'Homme en colère, La Septième cible). Il fait également des apparitions dans les films de ses amis Jacques Brel (Le Far West) et Raymond Devos (La Raison du plus fou). Acteur fétiche de Georges Lautner et de Michel Audiard, il est l'inoubliable Fernand Naudin des Tontons Flingueurs (1963), Francis Lagneau des Barbouzes (1964) et Antoine Beretto de Ne nous fâchons pas (1966), trois films policiers parodiques fréquemment diffusés à la télévision. Au total, Lino Ventura aura tourné dans quinze films dialogués par Audiard. En 1972, son rôle du mafieux (Vito Genovese) dans Cosa Nostra de Terence Young, avec Charles Bronson dans le rôle du repenti Joe Valachi, lui vaut une reconnaissance internationale. Cependant il refuse plusieurs rôles importants dans des films américains et sa filmographie ne compte que deux productions anglo-saxonnes : The Medusa Touch (La Grande Menace) et Sword of Gideon (Vengeance).

À partir des années 1980, Lino Ventura tourne moins, comme si son personnage du film de Jacques Deray, Un papillon sur l'épaule, tourné en 1978, où il joue Roland Fériaud, un homme de tous les jours manipulé par des forces obscures, avait changé sa carrière. Il a évoqué ce type de personnage, une victime manipulée, lors d'un entretien, pour décrire son rôle d'espion à la retraite dans Espion, lève-toi, tourné en 1981: « C'est un type qui, à un moment donné, se retrouve seul, abandonné par ses amis, et par ses ennemis si je puis dire, parce que dans un sens, tout le monde s'arrange sur son dos […], ce sont des situations que j'affectionne particulièrement ». Comme aussi le personnage du général dalla Chiesa dans Cent jours à Palerme qui tombe sous les balles de la mafia à laquelle il avait osé s'attaquer. Comme l'explique Claude Pinoteau, Lino Ventura a toujours été très exigeant sur le choix de ses rôles. « Il n'aurait jamais accepté de jouer un personnage fourbe ou pervers. 

Il ne s'identifiait pas aux rôles qu'il interprétait; ce sont eux qui devaient s'identifier à lui». Ses derniers beaux rôles, seront pour Garde à vue de Claude Miller en 1981, où il interprète l'inspecteur Gallien qui interroge un notable (Michel Serrault) présumé coupable d'assassinat, et pour Les Misérables de Robert Hossein, sorti en 1982, où il incarne un Jean Valjean à la hauteur de ses prédécesseurs, Harry Baur et Jean Gabin. En 1987, il effectue une brève apparition dans La Rumba, par amitié pour Roger Hanin, sans vouloir être crédité au générique. Ce sera son dernier rôle. Lino Ventura n'a fait que deux incursions à la télévision : une apparition en Écossais dans Deux Romains en Gaule de Pierre Tchernia, René Goscinny et Albert Uderzo (1967) et le rôle de Papa dans Vengeance (Sword of Gideon), co-production internationale réalisée par Michael Anderson (1986). Il adorait le théâtre mais n'est jamais monté sur une scène. Selon Bernard Blier, « il s'était convaincu qu'il était incapable d'en faire. Le Conservatoire, c'était pour lui un mot magique, la destinée ratée. À la place il avait fait la guerre dans l'armée italienne. ». Lino Ventura expliquait : « Sur un plateau je suis chez moi. Sur une scène... Je n'ai pas assez de courage pour me torturer. (...) D'ailleurs, soyons honnête, je ne suis pas un acteur, je ne suis ni Laurence Olivier, ni Robert Hirsch. Je ne suis qu'un comédien instinctif ». 

Rôles refusés

Au sujet du choix de ses rôles, il déclare : « Quand on me parle d'un personnage à interpréter, je sais d'une façon immédiate si je peux le faire, si ça me convient ou si ça ne va pas ». Ainsi il refuse un rôle dans :

  • La Valse du Gorille de Bernard Borderie (1959) : Géo Paquet dit "le Gorille" (rôle repris par Roger Hanin). Après avoir connu un grand succès l'année précédente avec Le Gorille vous salue bien, Lino Ventura refuse de se laisser enfermer dans ce personnage et d'être définitivement étiqueté "Gorille".
  • Le Téléphone rose d'Édouard Molinaro (1975) : Benoît Castejac (rôle tenu par Pierre Mondy). Selon Francis Veber, le refus de Lino Ventura est motivé par le fait que "Lino ne tombe pas amoureux d'une pute".
  • Le Vieux Fusil de Robert Enrico : Julien Dandieu (rôle tenu par Philippe Noiret). Philippe Noiret explique que Lino Ventura décline la proposition de Pascal Jardin en lui indiquant que le personnage principal est initialement un homme pacifique qui ne correspond pas à son image de "dur à cuire". Selon Robert Enrico, c'est le "coup de foudre amoureux" frappant le personnage de Dandieu qui lui pose problème.
  • Les Trois jours du condor de Sydney Pollack (1975) : Joubert (rôle tenu par Max von Sydow).
  • Rencontres du troisième type de Steven Spielberg (1977) : Pr Claude Lacombe (rôle tenu par François Truffaut).
  • Le Convoi de la peur (Sorcerer) de William Friedkin : Victor Manzon (rôle tenu par Bruno Cremer). La distribution initiale comporte Steve McQueen, Lino Ventura, Marcello Mastroianni et Amidou. Steve Mc Queen se retire car il ne souhaite pas être séparé trop longtemps d'Ali MacGraw, sa compagne; il est remplacé par Roy Scheider, ce qui entraine le retrait de Lino Ventura qui ne veut pas que son nom paraisse en deuxième place sur l'affiche, après celui de Scheider.
  • Apocalypse Now de Francis Ford Coppola : Hubert de Marais (rôle tenu par Christian Marquand).
  • La Chèvre de Francis Veber (1981) : Campana (rôle tenu par Gérard Depardieu). Francis Veber raconte que Ventura refuse que Jacques Villeret joue le rôle de Perrin et donne son accord pour Pierre Richard mais exige un cachet exorbitant.
  • Le Grand Pardon d'Alexandre Arcady : le commissaire Duché (rôle tenu par Jean-Louis Trintignant).
Projet non aboutis

Fin 1976, Gérard Oury et Danièle Thompson écrivent un scénario à son intention : L'Entourloupe. Lino Ventura y incarne un chef d'orchestre français qui arrive à New York et se trouve entrainé dans des aventures tragi-comiques au cours desquelles il est confronté à un policier américain. Pour incarner celui-ci, Oury sollicite Woody Allen, Al Pacino et Sylvester Stallone qui refusent, jugeant l'histoire trop déséquilibrée. Un déjeuner est organisé à Los Angeles avec Jack Nicholson, qui scandalise Ventura en prisant de la cocaïne. Découragé par ces refus successifs et conscient du vice de forme dans la construction du scénario, Gérard Oury abandonne le projet. 

En 1984, Lino Ventura part à Macao tourner La Jonque chinoise, un film de Claude Bernard-Aubert. Faute de financement, le tournage est interrompu après quelques jours. Le producteur Norbert Saada envisage en 1987 de faire un film sur le général Jeannou Lacaze, ancien directeur du renseignement au SDECE. Celui-ci serait incarné par Lino Ventura. Le journaliste Charles Villeneuve doit en écrire le scénario évoquant "la France et ses services secrets face à la vague terroriste". Un déjeuner réunit Ventura, Villeneuve et les généraux Lacaze et Imbot au siège du SDECE. L'acteur se passionne pour le projet qui doit s'intituler Le Sphinx. Sa mort y mettra fin.

Mort

Il meurt le 22 octobre 1987 dans sa maison de Montretout à Saint-Cloud, d'une crise cardiaque à l'âge de 68 ans, après trente-quatre ans de carrière cinématographique et soixante-quinze films. Il repose au cimetière du Val-Saint-Germain dans l'Essonne. 

Vie privée

Le 8 janvier 1942, il épouse Odette Lecomte (morte le 15 mai 2013 à Baracé), son amour de jeunesse, rencontrée en 1935 dans l'agence de voyages où il travaillait alors. Ils auront quatre enfants : Mylène (1946-1998, morte dans un accident d'avion), épouse de Claude Lasserre, fils de René Lasserre (1912-2006) ; Laurent en 1950 ; Linda en 1958 ; et Clelia en 1961 (auteur et scénariste). Linda, victime d'un problème à sa naissance, est restée handicapée. Découvrant le manque de structures d'aide et d’accueil pour les enfants handicapés, Lino et Odette créent en 1966, à la suite de l'appel du 6 décembre 1965, l'association caritative Perce-Neige, devenue une fondation en mai 2016 à Saint-Cloud, où ils vivaient, dédiée à « l'aide à l'enfance inadaptée » en apportant son soutien aux associations existantes travaillant dans le domaine du handicap, et en sensibilisant les pouvoirs publics aux besoins des enfants handicapés et de leurs familles. Leur maison d'époque napoléonienne de Saint-Cloud est rachetée par Jean Dujardin et Nathalie Péchalat en 2016.

L’année 1975 marque la première victoire de l’association avec la publication de la Loi d'orientation en faveur des personnes handicapées et de la Loi no 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales. En 1976, l'association Perce-Neige est reconnue d'utilité publique, et six ans plus tard, la première Maison Perce-Neige ouvre ses portes à Sèvres (Hauts-de-Seine). Malgré la disparition de Lino Ventura, Perce-Neige poursuit sa mission et a participé à la création de 35 établissements en France. Sa fille Clelia a écrit plusieurs ouvrages sur son père. Lino Ventura n'a jamais retrouvé son père, disparu en 1927. En 2019, Yanou Collart, qui fut attachée de presse dans les années 60-90 publie ses souvenirs. Elle y évoque longuement sa liaison amoureuse avec Lino Ventura de 1972 à 1982. 

Distinction

Le 26 février 1983, à la 8e cérémonie des César, Lino Ventura est nommé pour le César du meilleur acteur pour son interprétation dans Les Misérables.

Filmographie

Télévision

  • 1967 : Deux Romains en Gaule (Téléfilm)
  • 1986 : L'Épée de Gédéon (Le onzième commandement) (Téléfilm) : Papa

Publié dans Acteurs et Actrices

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