« Le Labyrinthe du silence » : une histoire allemande
Le Labyrinthe du silence (De Giulio Ricciarelli.Avec Alexander Fehling, André Szymanski, Hansi Jochmann… 2 h 03.)
En 1959, un jeune procureur allemand se met en tête d'enquêter sur d'anciens SS. Une enquête qui aboutira au second procès d'Auschwitz
Francfort, 1959. Johann Radmann, un jeune procureur qui se désespère d’être abonné aux affaires courantes, voit son existence professionnelle bouleversée. Grâce à un journaliste et à l’un des amis de ce dernier, un rescapé des camps de la mort, il découvre des documents compromettants contre d’anciens SS ayant « exercé » à Auschwitz. Armé de son seul courage et d’une volonté obsessionnelle d’exhumer ce passé si récent, Radmann mène l’enquête durant plusieurs années. Malgré les embûches continuelles de sa hiérarchie et l’hostilité quasi générale, il parviendra à traîner devant les tribunaux ceux qu’il a pourchassés avec tant de persévérance. Le résultat : le « procès de Francfort », également connu sous le nom de « second procès d’Auschwitz » (après celui de Cracovie, en 1947), est une étape décisive dans l’appréhension par l’Allemagne de sa propre histoire. Et une récompense morale pour quelques hommes de justice qui ont choisi de lutter contre l’oubli et la loi du silence.
Pour son premier film, Giulio Ricciarelli, acteur et scénariste italien passionné par la culture germanique, s’intéresse à un épisode capital de l’histoire allemande. Pour bâtir son solide scénario, le cinéaste s’est accordé une licence fictionnelle (le personnage de Johann Radmann a été inventé en s’inspirant de trois procureurs différents), mais restitue avec une rare précision les difficultés d’une enquête dérangeante et le contexte d’une époque – les années 1950 et 1960 – où les institutions allemandes ne souhaitaient pas forcément examiner les heures plus que sombres du nazisme.
Au cœur du film, un autre personnage essentiel, celui-ci ayant réellement existé : le procureur général Fritz Bauer, arrêté par la Gestapo en 1933 en raison de ses origines juives, réfugié au Danemark pendant la guerre, puis de retour en Allemagne en 1949, où il contribua à la reconstruction du système judiciaire. Egalement en lien avec le Mossad, Bauer facilitera l’arrestation d’Adolf Eichmann par les services secrets israéliens, un « épisode » mentionné dans le film… Malgré une mise en scène trop scolaire et quelques maladresses quand il dépeint la vie privée du héros, « Le Labyrinthe du silence », aussi foisonnant qu’instructif, passionne de bout en bout. Une leçon d’histoire sur grand écran.