La tragique histoire d'Helene Mayer, l'escrimeuse juive du régime nazi

Pour faire bonne figure aux Jeux olympiques de 1936, l'Allemagne nazie accepte de présenter des athlètes juifs. Helene Mayer, jeune escrimeuse de talent exilée aux États-Unis, représente l'Allemagne malgré le contexte politique.

Helene Mayer n'a pas attendu longtemps avant de faire connaître son don : en 1924, elle gagne le championnat allemand de fleuret féminin alors qu'elle n'a que 13 ans. Six années durant, elle défend et conserve son titre au niveau national.

Son talent extraordinaire émerveille l'Allemagne toute entière, lui apportant la célébrité et la reconnaissance. Des statuettes la représentant sont vendues dans les boutiques de souvenirs allemandes.

Beaucoup la considèrent comme la meilleure escrimeuse de l'Histoire. En 1928, elle représente l'Allemagne aux Jeux olympiques d'été à Amsterdam, et ramène la médaille d'or.

Quatre ans plus tard, elle est présente aux Jeux de Los Angeles. Elle apprend la mort de son petit ami 2 heures avant la phase finale, et finit 5e du classement. Helene Mayer reste en Californie et étudie le droit international à l'université, espérant devenir un jour diplomate pour son pays.

En 1933, Hitler et le Parti nazi prennent le pouvoir en Allemagne et s'attaquent aux droits des citoyens juifs – Helene y compris, car son père est juif.

Le club de fleuret de sa ville natale met fin à sa licence. La jeune sportive comprend vite qu'elle ne pourra pas retourner en Allemagne. Elle en est réduite à enseigner l'allemand dans une université d'Oakland, en Californie.

"Nous verrons-nous à nouveau dans le futur ? Je ne sais pas. Je sais que j'aimerais revenir en Allemagne, mais il n'y a plus de place pour moi maintenant… J'appartiens à cette partie de l'humanité qui a été durement touchée par un sort amer." – Helene Mayer, dans une lettre à ses coéquipiers allemands.

Elle continue de pratiquer l'escrime avec succès aux États-Unis, mais reste nostalgique de sa terre natale et de la gloire qui lui a été enlevée.

Pendant les préparatifs des Jeux olympiques de Berlin en 1936, de nombreuses voix appellent les États-Unis à boycotter l'événement pour marquer l'opposition vis-à-vis du régime d'Hitler. Avery Brundage, à la tête du Comité olympique américain, voit ce boycott comme un possible désastre. Il convainc l'Allemagne de laisser quelques athlètes juifs concourir pour l'Allemagne – une pirouette pour masquer le traitement haineux que le régime réserve aux Juifs.

Une invitation est faite à Helene Mayer de participer aux Jeux sous le drapeau allemand. Nostalgique de son pays et de sa gloire olympique passée, elle ignore les atrocités nazies et accepte.

Son retour en Allemagne est loin d'être triomphant. La presse l'ignore et le gouvernement tolère sa présence avec mépris.

Elle concourt aux Jeux olympiques avec férocité et détermination, mais finit par perdre face à la Hongroise Ilona Elek. Sur le podium dans l'attente de sa médaille d'argent, Helene Mayer conclut ses derniers Jeux olympiques par un salut nazi, le geste d'un régime qui causerait bientôt un génocide du peuple juif, son peuple.

L'athlète retourne aux États-Unis, où elle continue à gagner des championnats. Elle retourne finalement en Allemagne en 1952, mais meurt d'un cancer un an plus tard, à l'âge de 42 ans.

Dans sa tragique et courte vie, elle n'a donné que peu d'interviews et laissé une maigre correspondance, laissant planer le mystère sur son accord avec le Parti nazi, et ce qu'elle en pensait.