L’assassin, ancien soldat nazi, bientôt poursuivi par un Dunkerquois ?
Le Dunkerquois, Alexandre Delezenne, espère que le soldat nazi qui a tué son arrière-grand-père en 1944 pourra être traduit en justice en Allemagne.
Alexandre Delezenne a porté plainte contre l’ancien soldat SS pour ses propos tenus à la télévision allemande. D’autres descendants de victimes se sont joints à son action en déposant également plainte.
Voilà cinq ans qu’Alexandre Delezenne, a permis à la justice allemande de retrouver la trace de Heinz «Karl» Münter. Cet homme aujourd’hui âgé de 96 ans en avait 22 dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, lorsque 86 personnes ont été assassinées dans le village d’Ascq, près de Lille (lire ci-dessous).
Parmi les victimes, l’arrière-grand-père du Dunkerquois. « Il s’appelait Pierre Briet. C’était le plus âgé, il avait 74 ans, précise-t-il. Le plus jeune avait 15 ans. »
C’est en 2013, après avoir lu un article expliquant qu’un office allemand continuait la traque des anciens nazis qu’Alexandre Delezenne interpelle les autorités d’outre-Rhin. En envoyant une lettre, il raconte le drame qui a ébranlé le village d’Ascq dont est originaire sa famille.
Un reportage qui change tout
La justice allemande enquête et retrouve un homme : Heinz «Karl» Münter. L’homme avait repris sa vie en se faisant appeler Karl, comme si de rien n’était. Mais il a participé au massacre d’Ascq, comme 16 autres soldats SS, tous condamnés en 1949.
« Mais il n’a jamais été arrêté. En avril 2018, les autorités allemandes m’ont répondu en m’expliquant qu’il ne pourrait pas être poursuivi, car déjà condamné et qu’il ne pouvait pas être jugé deux fois pour les mêmes faits. »
« Il n’y a pas une once de repentance dans ses propos. Il va même jusqu’à tenir des propos négationnistes »
Sans jamais avoir exécuté la moindre peine, l’ancien soldat SS avait vécu une vie paisible pendant tout ce temps et rien ne semblait pourvoir l’atteindre.
L’ancien nazi reconnaît sa participation au massacre
Mais c’était sans compter l’orgueil de l’admirateur du troisième Reich : dans un reportage d’investigation diffusé sur la télévision allemande le 29 novembre dernier, Karl Münter exhibe ses souvenirs des jeunesses hitlériennes et revient sur le massacre d’Ascq en reconnaissant sa participation, sans évoquer la moindre part de regret.
L’ancien nazi, qui semble loin d’avoir lâché ses convictions, se justifie même de ses actes : « Si j’arrête les hommes, alors j’en ai la responsabilité, clame-t-il face caméra. Et s’ils s’enfuient, j’ai le droit de leur tirer dessus. » Glaçant.
Plainte pour apologie de crime de fuerre et négationnisme
« Il n’y a pas une once de repentance dans ses propos. Il va même jusqu’à tenir des propos négationnistes. C’est très blessant pour les descendants des victimes. Et à l’heure où les populismes reviennent en Europe, on ne peut pas laisser passer ce genre de propos », s’indigne Alexandre Delezenne.
Le 13 juillet 1947, le président Vincent Auriol pose la première pierre du mémorial, achevé en octobre 1955. La pierre commémorative Tertre des massacrés a été érigée sur le site à côté de la voie ferrée.
Dès le lendemain, le Dunkerquois a déposé plainte auprès du parquet allemand de Celle, pour apologie de crime de guerre et négationnisme.
« Ils m’ont confirmé la réception de ma plainte contre Münter le 3 décembre. » Cette fois, l’ancien soldat SS pourrait être traduit devant un tribunal.
Si tel était le cas, il s’agirait d’un des derniers procès de soldat nazi depuis la Seconde Guerre mondiale.
L’histoire d’un massacre
À la suite d’un sabotage opéré dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, un train transportant des SS déraille à hauteur de la ville d’Ascq, à côté de Lille. L’acte de résistance ne fait pas de blessé, mais les soldats nazis veulent réprimer cet acte dans le sang.
Ils investissent le village et rassemblent les habitants à un même endroit. Puis, ils exécutent, par vague, 86 personnes. Le plus jeune a 15 ans, le plus âgé en a 74. Des familles entières sont décimées cette nuit-là. « Mon grand-père a eu de la chance, il a pu se cacher. Mais il a vu son père être emmené par les soldats avant d’être exécuté », confie Alexandre Delezenne.
En 1949, le procès de 16 anciens SS se tient à Lille pour qu’ils répondent de ces actes. Ils sont tous condamnés à mort, dont sept par contumace, parmi ceux-là, Heinz Münter. Mais en 1955, les soldats condamnés (en l’absence des condamnés) seront graciés par le président René Coty, au nom de la réconciliation franco-allemande.
Depuis, ce massacre est tombé dans un certain oubli. Une amnésie qui devrait bientôt être levée, à l’occasion des 75 ans de l’événement en 2019. La mairie de Villeneuve-d’Ascq devrait organiser des célébrations.
Les faits
Dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, des troupes de la Waffen SS exécutent 86 villageois d’Ascq, près de Lille.
Le massacre a donné lieu à un procès, condamnant une partie des soldats qui y ont participé. L’un d’entre eux a échappé à sa condamnation à mort en se cachant sous une fausse identité.
En 2013, Alexandre Delezenne a remis la justice sur les traces de ce soldat qui est récemment apparu dans un reportage à la télévision allemande.