Mort de Jacques Chirac : Derrière l’homme politique, l’histoire d’un clan « dévoué à son ascension »
POLITIQUE Bernadette, son épouse, et ses filles Claude et Laurence, ont contribué au destin hors du commun de l'ancien président
Bernadette, son épouse, et ses filles, Claude et Laurence, ont contribué au destin hors du commun de l'ancien président. — WITT/SIPA
- Jacques Chirac, président de la République de 1995 à 2007, est mort jeudi 26 septembre à l’âge de 86 ans.
- L’ancien chef de l’Etat a toujours été très discret sur sa vie privée. C’est pourtant grâce à sa famille, dévouée à son ascension, qu’il a gravi les plus hautes marches du pouvoir.
- « C’est exceptionnel qu’une famille entière se mette au service d’un homme politique. C’est unique dans la Ve République », explique Erwan L’Eléouet, auteur de « Bernadette Chirac, les secrets d’une conquête ».
Plus qu’un homme politique, Jacques Chirac, mort jeudi à l’âge de 86 ans, était avant tout un chef de clan. Durant sa longue carrière politique, l’ex-chef de l’Etat a toujours été très discret sur sa vie privée. C’est pourtant grâce à sa famille, dévouée à son ascension, qu’il a pu gravir les plus hautes marches du pouvoir. Bernadette, son épouse, et ses filles Claude et Laurence, ont contribué à son destin hors du commun.
« C’est exceptionnel qu’une famille entière se mette au service d’un homme politique. C’est unique dans la Ve République », explique à 20 Minutes Erwan L’Eléouet, auteur de Bernadette Chirac, les secrets d’une conquête, aux éditions Fayard. « Jacques Chirac ne donnait pas facilement sa confiance. Il ne pouvait se fier qu’à son clan, qui le protégeait », raconte de son côté Béatrice Gurrey, auteur du livre Les Chirac, les secrets du clan, aux éditions Laffont.
Jacques Chirac formait avec son épouse Bernadette le couple présidentiel le plus politique de la Ve République, résultat de plus d’un demi-siècle de conquête et d’exercice du pouvoir. « Ce n’était pas qu’un mariage d’amour, mais un mariage d’ambition », a d’ailleurs reconnu en 2015 la seule Première dame à avoir exercé une véritable carrière politique, pendant plus de 40 ans. « La politique faisait partie du contrat de mariage. Et Bernadette l’a très vite compris. Elle savait que si elle ne le suivait pas sur ce terrain, c’en était fini de son couple », ajoute l’auteur de Bernadette Chirac, les secrets d’une conquête.
Au fil des décennies, Bernadette a su montrer une véritable force de caractère et s’est révélée être une combattante, qui a eu plus d’influence que l’on ne croit sur son mari. « Elle était son point fixe, sa boussole. Elle le protégeait, le rassurait. Elle était de tous ses combats, dans les conquêtes comme dans les revers. Sans elle, sa carrière n’aurait pas été la même », précise Erwan L’Eléouet. En coulisses, Bernadette était la plus fidèle conseillère de Jacques. C’est elle qui le fît rompre avec ses anciens conseillers Pierre Juillet et Marie-France Garaud à la fin des années 1970. Et c’est elle aussi qui poussa en coulisses la candidature de Jean-Pierre Raffarin comme premier ministre. « Nous sommes restés indissociables, partenaires et complices d’une même aventure, et les aléas de la traversée n’y ont rien changé », reconnaîtra Jacques Chirac dans ses mémoires publiées aux éditions du Nil en 2011.
L’autre éminence grise de Jacques, c’était Claude, sa fille cadette, aujourd’hui âgée de 56 ans. Devenue rapidement indispensable, elle participe à la montée en puissance de son père. Elle devient sa conseillère en communication en mai 1995, lorsque Jacques Chirac est élu président de la République. Un rôle qu’elle a tenu jusqu’à la fin de son deuxième mandat en 2007. Son époux Frédéric Salat-Baroux, autre membre de ce clan très soudé, deviendra lui secrétaire général de la présidence à l’Elysée. « C’est Jacques Chirac qui a insisté pour que sa fille, Claude, soit à ses côtés à l’Elysée », confirme Erwan L’Eléouet. L'ex chef de l'Etat expliquera en 2009 dans ses mémoires que la maladie de Laurence avait contribué à sa décision de proposer à Claude d’intégrer son équipe de communication.
La fille cadette du couple Chirac essaiera par la suite d’avoir un « job normal » en devenant « directrice de la communication du groupe PPR (ex Pinault-Printemps-Redoute) en 2007 », écrit Le Monde. Mais en 2010, elle retournera finalement auprès de son père et du clan, comme si elle ne savait rien faire d’autre que de la politique. « Jacques Chirac était un ogre politique. Toute la vie du clan familial tournait autour de la politique. S’en écarter, c’était aussi s’écarter de son père », explique aujourd’hui Erwan L’Eléouet.
La maladie de Laurence, sa fille aînée, a été la plus grande douleur de sa vie. « Il n’y a aucune raison de le nier, cela a été le drame de ma vie. J’ai une fille qui a été intelligente, jolie, et qui à 15 ans, a été prise d’anorexie mentale », avait-il confié au journaliste Pierre Péan dans un livre publié en 2007. L’ex-président parlait très peu de ce drame familial. « Il ne sert à rien d’exhiber ses souffrances en public », assurait-il. « Jacques Chirac est un homme très pudique, il n’a jamais voulu que ce drame intime soit dévoilé », raconte Béatrice Gurrey, auteur du livre Les Chirac, les secrets du clan.
« Pourtant, la maladie de Laurence a été une force pour le clan. Ça a été un vrai ciment qui a permis de souder la famille », raconte Erwan L’Eléouet. « A chaque fois qu’ils se retrouvaient tous les trois à l’hôpital, au chevet de Laurence, les liens s'en trouvaient renforcés. La douleur les a beaucoup rapprochés », ajoute le biographe. Hospitalisée au printemps 2016 à la suite d’un malaise cardiaque, Laurence décédera le 14 avril à l’âge de 58 ans. Jacques Chirac sera inhumé la semaine prochaine, à ses côtés, dans le caveau familial au cimetière du Montparnasse.