Crise des migrants : Vladimir Poutine "est un peu un otage de Loukachenko", analyse un journaliste franco-biélorusse

Publié le par franceinfo Radio France

"Ce qui est gênant pour Vladimir Poutine, c'est la répression inédite que mène Loukachenko depuis un an", explique jeudi sur franceinfo Andreï Vaitovich, journaliste franco-biélorusse. 

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko après un entretien au Kremlin à Moscou, le 9 septembre 2021. (SHAMIL ZHUMATOV / POOL / AFP)

Le président russe Vladimir Poutine et son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko après un entretien au Kremlin à Moscou, le 9 septembre 2021. (SHAMIL ZHUMATOV / POOL / AFP)

Vladimir Poutine "est un peu un otage de Loukachenko", car "il ne peut pas perdre ce pays tampon entre l'Occident et la Russie", a affirmé jeudi 11 novembre sur franceinfo Andreï Vaitovich, journaliste franco-biélorusse, qui a couvert les manifestations anti-régime de 2020 pour plusieurs médias, notamment Radio France. Plusieurs milliers de migrants sont massés en Biélorussie à la frontière avec la Pologne. Les occidentaux accusent le régime d'Alexandre Loukachenko de vouloir déstabiliser l'Europe avec le soutien tacite de la Russie. Le Conseil de sécurité des Nations unies se réunit jeudi à huis clos.

franceinfo : Qu'attendez-vous aujourd'hui de cette réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU ?

Andreï Vaitovich : C'est difficile à dire parce qu'on sait que la Russie fait partie du Conseil de sécurité, donc, de toute manière, elle a le droit de veto. Je n'attends pas grand-chose. Mais c'est très important que le sujet biélorusse soit évoqué aujourd'hui. Par contre, ce qu'il faut rappeler, c'est que la crise migratoire n'a pas commencé il y a trois semaines. Cela a commencé vraiment après la réélection frauduleuse de Loukachenko et la répression inédite (en août 2020).

Pourquoi cette crise migratoire s'est aggravée ces dernières semaines ?

On voit les migrants instrumentalisés par le régime. On a des preuves, des vidéos de témoins qui montrent les images des gens qui arrivent en masse en avion. Puis, ils sont amenés par les gardes-frontière vers la frontière avec l'Union européenne. On leur fournit des outils pour notamment casser les barbelés installés par la Pologne et la Lituanie. Depuis la fin de l'été, la Lituanie et la Pologne ont proposé de faire les demandes d'asile directement dans les ambassades à Minsk. Et à ce jour, il y a zéro demande. On voit que depuis trois jours, quand les migrants ont été repoussés par les forces de l'ordre biélorusses vers la Pologne, on sait qu'ils ont quand même tenté de franchir la frontière légalement. Mais ils étaient encore une fois refoulés par les siloviki biélorusses (chargés du martien de l'ordre) qui les ont poussés vers la forêt. Et c'est là où ils sont bloqués aujourd'hui.

Quel est le rôle de Moscou dans cette crise ?

C'est évident que Vladimir Poutine tient beaucoup à Loukachenko. Loukachenko ne serait plus président depuis un an, s'il n'y avait pas de soutien de la Russie. Ce qui est gênant pour Vladimir Poutine, c'est la répression inédite que mène Loukachenko depuis un an. Il est un peu un otage de Loukachenko lui-même parce qu'il sait qu’il ne peut pas perdre ce pays tampon entre l'Europe, l'Occident et la Russie. C'est déjà le cas avec une grosse partie de l'Ukraine, je ne parle pas bien sûr de l'annexion de la Crimée et de la guerre à l'est de l'Ukraine, mais c'est vrai que pour Poutine, c'est une question stratégique. On voit déjà les preuves. Mercredi, il a envoyé ses bombardiers qui vont patrouiller désormais à la frontière avec l'Europe. Donc, on voit déjà l'ingérence directe de la Russie et surtout les rencontres officielles entre le régime de Loukachenko et les représentants du Kremlin qui se multiplient ces derniers jours, notamment pour renforcer l'intégration avec la Russie.

Publié dans Articles de Presse

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