Au Kazakhstan, les violences font de nombreuses victimes, près de 2 300 manifestants arrêtés

Publié le par Le Monde avec AFP et Reuters

Le président a annoncé la fin des troubles. Des dizaines de personnes ont été tuées, plus d’un millier d’autres blessées et dix-huit policiers sont morts dans des affrontements.

Au Kazakhstan, les violences font de nombreuses victimes, près de 2 300 manifestants arrêtés

Au Kazakhstan, les violences font de nombreuses victimes, près de 2 300 manifestants arrêtés

L’ordre constitutionnel a quasiment été rétabli au Kazakhstan, a déclaré, vendredi 7 janvier, le président Kassim-Jomart Tokaïev, selon un communiqué diffusé par ses services. Le pays a été secoué cette semaine par de vastes manifestations ayant donné lieu à des heurts sanglants entre contestataires et forces de sécurité. Selon l’agence TASS, des soldats ont tiré sur des manifestants et des voitures.

Le ministère de l’intérieur a fait savoir de son côté que 26 « criminels armés » ont été « liquidés », tandis que plus de 3 000 autres personnes ont été arrêtées. Dix-huit officiers de police et de la garde nationale ont été tués depuis le début des manifestations dimanche, a-t-il également indiqué dans un communiqué.

Alors que Moscou et ses alliés ont annoncé l’envoi d’une « force collective de maintien de la paix », la tension semblait retomber jeudi soir dans les rues d’Almaty, la plus grande ville du Kazakhstan. Plus aucun manifestant ne se trouvait sur la place de la République, l’un des principaux lieux de la contestation, ont rapporté les agences TASS et RIA Novosti.

Face à de violentes manifestations, en réaction, notamment, à la hausse des prix du GPL, le gouvernement avait annoncé, plus tôt dans la journée, avoir plafonné pour six mois le prix de vente des carburants. Cette mesure, détaillée sur le site du premier ministre, vise à « stabiliser la situation socio-économique » dans ce pays d’Asie centrale, théâtre depuis dimanche d’un important mouvement de colère.

Internet et le téléphone coupé

Des soldats à proximité d’une automobile incendiée dans le centre d’Almaty, le 6 janvier 2022. MARIYA GORDEYEVA / REUTERS

Des soldats à proximité d’une automobile incendiée dans le centre d’Almaty, le 6 janvier 2022. MARIYA GORDEYEVA / REUTERS

A Almaty, la plus grande ville du pays, des protestataires ont attaqué et incendié des bâtiments officiels, notamment la mairie et la résidence présidentielle. Les forces de sécurité ont répliqué en tirant à balles réelles. « Des dizaines d’assaillants ont été éliminés et [ils sont] en cours d’identification », a déclaré le porte-parole de la police, Saltanat Azirbek, cité par les agences Interfax-Kazakhstan, TASS et RIA Novosti.

« Plus de mille personnes ont été blessées à la suite des émeutes dans différentes régions du Kazakhstan, près de 400 d’entre elles ont été hospitalisées et 62 personnes sont en soins intensifs », a fait savoir le vice-ministre, Ajar Guiniat, à l’antenne de la chaîne Khabar 24 et cité par les agences Interfax et TASS.

Du côté des forces de l’ordre, 700 policiers ont été blessés. Dix-huit sont morts, parmi lesquels deux ont été retrouvés décapités, selon les agences de presse locales. Par ailleurs, environ 2 300 personnes ont été arrêtées en lien avec ces manifestations, rarissimes au Kazakhstan, a indiqué le ministère de l’intérieur.

De la fumée s’élève depuis le parvis de la mairie d’Almaty, le 5 janvier 2022. YAN BLAGOV / AP

De la fumée s’élève depuis le parvis de la mairie d’Almaty, le 5 janvier 2022. YAN BLAGOV / AP

Depuis mercredi, de graves dysfonctionnements du réseau Internet coupent les habitants du reste du monde. La porte-parole de la banque centrale du pays, Oljassa Ramazanova, a annoncé la suspension du travail de toutes les institutions financières du pays. Les aéroports d’Almaty, des grandes villes d’Aktioubé et d’Aktau, et celui de la capitale, Noursoultan, ne fonctionnaient pas non plus jeudi.

Moscou envoie son premier contingent

Il est difficile d’avoir une vision complète de la situation dans le pays, journalistes et témoins ne pouvant plus être joints ni par Internet ni par téléphone, qui étaient coupés.

Mercredi, le président, Kassym-Jomart Tokaïev, a décrété l’état d’urgence dans tout le territoire et demandé l’aide militaire de Moscou, estimant que son pays était attaqué par des groupes « terroristes » ayant « reçu un entraînement approfondi à l’étranger ». Ni le Kazakhstan ni la Russie n’ont fourni des preuves d’une quelconque implication étrangère dans les émeutes.

M. Tokaïev a introduit une série de mesures d’urgence visant à « stabiliser le travail des services publics, des transports et infrastructures », à renforcer la préparation des forces de sécurité et à rétablir le travail des banques. L’exportation de certains types de produits alimentaires a aussi été interdite afin d’en stabiliser les prix.

Sur cette capture d’écran publiée par le ministère de la défense russe, jeudi 6 janvier 2022, des blindés russes attendent d’être embarqués par des avions militaires avant de s’envoler vers le Kazakhstan. AP

Sur cette capture d’écran publiée par le ministère de la défense russe, jeudi 6 janvier 2022, des blindés russes attendent d’être embarqués par des avions militaires avant de s’envoler vers le Kazakhstan. AP

La Russie et ses alliés ont annoncé jeudi l’envoi du premier contingent de forces de maintien de la paix au Kazakhstan. « Une force collective de maintien de la paix de l’Organisation du traité de sécurité collective [OTSC, qui regroupe l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan] a été envoyée au Kazakhstan pour une période limitée afin de stabiliser et de normaliser la situation », a fait savoir cette alliance militaire dans un communiqué diffusé sur Telegram par la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. L’OTSC a confirmé jeudi que des unités parachutistes russes se trouvaient sur le territoire kazakh et qu’elles avaient « déjà commencé à remplir les objectifs qui leur ont été assignés ».

La communauté internationale inquiète

Des manifestants protestent contre la hausse du prix du gaz à Almaty, la capitale économique du Kazakhstan, le 5 janvier 2022. ABDUAZIZ MADYAROV / AFP

Des manifestants protestent contre la hausse du prix du gaz à Almaty, la capitale économique du Kazakhstan, le 5 janvier 2022. ABDUAZIZ MADYAROV / AFP

Le Kazakhstan, la plus grande des cinq ex-républiques soviétiques d’Asie centrale et principale économie de la région, habitué par le passé à des taux de croissance à deux chiffres, souffre de la baisse des prix du pétrole et de la crise économique en Russie, qui a mené à la dévaluation de sa monnaie, le tenge, et à une forte inflation.

La colère a véritablement été déclenchée en fin de semaine par la hausse des prix du GPL, dans la ville de Janaozen, dans l’ouest de ce pays riche en ressources naturelles, avant de s’étendre à la grande ville régionale d’Aktau, située sur les bords de la mer Caspienne.

La communauté internationale s’inquiète de la situation. La chef de l’ONU aux droits de l’homme avait appelé, jeudi, toutes les parties en conflit au Kazakhstan, en proie à des émeutes meurtrières, à « s’abstenir de toute violence » et a réclamé une « résolution pacifique ». Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, et le gouvernement britannique ont exhorté à un « règlement pacifique ». De la même manière, Paris a appelé « toutes les parties », y compris les forces extérieures, à « la modération ».

Publié dans Articles de Presse

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