Menace d'invasion russe en Ukraine : l'UE agacée par l'alarmisme américain
L’Union européenne et l’Ukraine ont été surprises par la décision des Américains, qui ont ordonné l’évacuation des familles de diplomates. Londres a suivi et l’Otan place des forces en attente.
Pour le diplomate européen Josep Borell, il n’y a rien qui puisse justifier la décision américaine de rapatrier ses ressortissants. © (Photo AFP)
Dans un climat diplomatique qui se tend de jour en jour et alors que les négociations se poursuivent entre Russes et Occidentaux pour trouver une issue à la crise ukrainienne, les États-Unis ont pris une décision radicale dimanche 23 janvier : le rapatriement des familles de ses diplomates. Moscou assure ne pas avoir l’intention d’intervenir en Ukraine mais a massé plus de 100.000 soldats, des chars et de l’artillerie aux frontières ukrainiennes. Londres a suivi la décision de Washington, demandant l’évacuation d’une partie du personnel de son ambassade. « Je ne pense pas qu’on devrait dramatiser », a réagi lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borell.
L’invasion peut « se produire à tout instant » Plus tard dans la journée, à l’issue d’une visioconférence à laquelle le secrétaire d’État américain Antony Blinken a participé, Josep Borell s’est même agacé. « Nous savons très bien quel est le degré des menaces et la façon dont il faut réagir. Il faut éviter de jouer avec nos nerfs et les réactions alarmistes qui ont même des conséquences financières », a-t-il dit, faisant référence à la plongée des principales bourses européennes, lundi. Même son de cloche à Kiev. L’Ukraine a jugé lundi « prématurée » et « excessive » la décision de Washington, a déclaré le porte-parole de la diplomatie ukrainienne, Oleg Nikolenko, dans un communiqué. « La situation sécuritaire n’a connu aucun changement radical ces derniers temps : la menace de nouvelles vagues d’agression russe demeure constante depuis 2014 et l’accumulation de troupes russes à la frontière (ukrainienne) a commencé déjà en avril dernier. »
Il n’empêche que, pour les Américains, la menace est bien réelle. La situation en Ukraine « est imprévisible et peut se détériorer à tout moment », a justifié dimanche le ministère des Affaires étrangères après sa décision d’évacuer les familles de ses diplomates. « Nous pensons qu’une invasion russe […] peut se produire à tout instant, a déclaré à la presse une haute responsable américaine. Les États-Unis ne seraient pas en position d’évacuer les citoyens américains dans ce cas de figure. »
Dans ce contexte de tensions, l’Otan a annoncé lundi dans un communiqué le placement de forces en attente, de navires et d’avions de combat pour renforcer la défense en Europe de l’Est. Près de 40.000 hommes et femmes, actuellement sous commandement français, sont prêts à intervenir. Les États-Unis ont eux aussi annoncé placer 8.500 hommes « en état d’alerte » pour garnir les rangs de l’Otan en cas d’invasion.
Moscou dénonce une « hystérie » « Les tensions sont exacerbées par les annonces et les actions concrètes des États-Unis et de l’Otan », a riposté le porte-parole du Kremlin, qui dénonce une « hystérie » en Europe sur une supposée invasion. En attendant, les efforts diplomatiques se poursuivent. La Russie exige un non-élargissement de l’Otan à l’Ukraine et à la Géorgie et le retrait de forces de l’Alliance de Bulgarie et de Roumanie. Des exigences inacceptables pour les Occidentaux, mais Antony Blinken s’est engagé à « coucher des idées sur le papier » en réponse aux demandes de Moscou. Joe Biden réunissait aussi dans la soirée, lundi, les dirigeants européens pour faire le point sur l’avancée des discussions entre Américains et Russes.
en savoir plus
> La semaine dernière, le chef de la diplomatie européenne Josep Borell disait redouter une « intégration de fait » à la Russie des régions de l’est de l’Ukraine contrôlées par les Russes (Lougansk et Donetsk). La commission européenne se prépare à cette éventualité. Elle a esquissé un régime de sanctions, parmi lesquelles la réduction des achats de gaz et de pétrole, dont le budget russe dépend énormément.
> La commission prépare aussi un paquet financier de 1,2 milliard d’euros, en soutien à l’Ukraine, afin qu’elle puisse faire face à ses besoins liés au conflit en cours avec la Russie. Une première tranche de 600 millions d’euros sera « déboursée rapidement », a précisé Ursula von der Leyen, la présidente de l’exécutif européen.
> Le président français Emmanuel Macron entend entrer dans les négociations diplomatiques. Il a annoncé lundi soir vouloir proposer à Vladimir Poutine « un chemin de désescalade » lors d’un entretien « dans les prochains jours ». Les conseillers diplomatiques de la France, de l’Allemagne, de l’Ukraine et de la Russie se rencontreront par ailleurs mercredi soir, a annoncé l’Élysée