Ukraine. Ce qu’il faut savoir sur le procès du soldat russe accusé de crime de guerre
La justice ukrainienne a ouvert, mercredi 18 mai 2022, son premier procès pour « crime de guerre » depuis le début de l’invasion russe sur son territoire. Vadim Chichimarine, un soldat russe, est accusé d’avoir tué un civil dans le nord-est de l’Ukraine, au début du conflit. Il a reconnu les faits. Ce procès pour « crime de guerre » ouvre la voie à plusieurs autres qui devraient suivre.
La veuve de l’homme tué, face au soldat russe, lors de son procès, en Ukraine mercredi 18 mai 2022. | OLEG PETRASYUK / EPA / MAXPPP
La justice ukrainienne a débuté, mercredi 18 mai 2022 à Kiev, son premier procès pour crime de guerre depuis l’entrée des troupes de Moscou sur son territoire. Il s’agit de celui de Vadim Chichimarine, un soldat russe suspecté de crime de guerre dans le nord-est de l’Ukraine au début du conflit.
Ce premier procès s’est ouvert 84 jours après le début de l’invasion russe dans le pays. Il devrait être suivi par plusieurs autres.
Accusé d’avoir tué un civil
Vadim Chichimarine, 21 ans, est accusé d’avoir abattu un civil non armé de 62 ans, Oleksandr Chelipov, le 28 février 2022, au début du conflit, dans le nord-est de l’Ukraine.
Il a comparu dans la journée de mercredi 18 mai devant le tribunal de district Solomiansky à Kiev et a dû s’expliquer sur la mort d’un homme de 62 ans.
Inculpé de crime de guerre et meurtre avec préméditation, le militaire, originaire d’Irkoutsk en Sibérie, encourt la prison à perpétuité.
Lors du deuxième jour de procès, jeudi 19 mai 2022, la prison à vie a été requise contre lui.
Ce que sont les « crimes de guerre »
Les « crimes de guerre » sont des violations graves du droit international humanitaire. Ce dernier est notamment régi par les conventions de Genève, des traités internationaux fondamentaux qui dictent les règles de conduite à adopter en période de conflits armés.
Et notamment en ce qui concerne la protection des populations civiles, des membres du personnel sanitaire ou de l’aide humanitaire, des blessés ou même des prisonniers de guerre. Viser des personnes protégées constitue des violations de ce droit de la guerre. Tout comme l’homicide intentionnel, la torture, les traitements inhumains, ou encore la déportation.
La première convention de Genève date de 1864, mais les textes en vigueur aujourd’hui datent surtout d’après la Seconde Guerre mondiale. Les quatre conventions de Genève datant de 1949 ont été mondialement ratifiées, ce qui signifie que chacun des États du monde s’engage à les respecter. Quelques éléments ont été ajoutés par la suite : deux protocoles additionnels en 1977 et un autre en 2005.
Il a plaidé coupable
Vadim Chichimarine a plaidé coupable lors de son procès, mercredi 18 mai. Celui qui est le premier soldat russe jugé pour crime de guerre en Ukraine depuis le début du conflit a reconnu l’ensemble des faits qui lui sont reprochés.
Lorsqu’on lui a demandé s’il reconnaissait « sans réserve » l’intégralité de l’acte, comprenant les chefs d’accusation de crime de guerre et de meurtre prémédité, le militaire de 21 ans, a répondu « oui ».
Avant même la comparution du soldat, son avocat, Me Viktor Ovsiannikov, avait déclaré à l’AFP : « Il comprend les accusations portées contre lui », sans vouloir révéler sa stratégie de défense.
Le dossier est difficile, selon l’avocat : « On n’a jamais eu un tel chef d’inculpation en Ukraine, on n’a pas de précédents, de verdict, avait-il souligné. Mais on va y arriver ». Me Ovsiannikov a aussi assuré n’avoir constaté « aucune violation des droits » de l’accusé par les autorités ukrainiennes. Selon ces dernières, il avait coopéré avec les enquêteurs et reconnu les faits.
Il dit avoir « reçu l’ordre de tirer »
Les faits dont il est accusé ont eu lieu au début de la guerre en Ukraine, quatre jours seulement après le début de l’invasion russe, lancée le 24 février.
D’après l’accusation, le sous-officier Vadim Chichimarine commandait une unité au sein d’une division de chars. Contraints d’abandonner leurs véhicules après une attaque, lui et quatre autres soldats se déplaçaient dans une voiture volée pour ne pas être capturés.
C’est ensuite près du village de Choupakhivka, dans la région de Soumy, qu’ils ont croisé un homme de 62 ans, à vélo. « L’un des militaires a ordonné à l’accusé de tuer le civil afin qu’il ne les dénonce pas », selon les services de la procureure générale.
Vadim Chichimarine a alors tiré avec une kalachnikov depuis la fenêtre du véhicule et « l’homme est mort sur le coup, à quelques dizaines de mètres de son domicile ».
Début mai, les autorités ukrainiennes avaient annoncé son arrestation sans donner de détail, tout en publiant une vidéo dans laquelle Vadim Chichimarine disait être venu combattre en Ukraine pour « soutenir financièrement sa mère ».
Concernant les accusations à son encontre, il expliquait : « J’ai reçu l’ordre de tirer, je lui ai tiré dessus une fois. Il est tombé et nous avons continué notre route. »
Lors du deuxième jour de procès, jeudi 19 mai 2022, le soldat a « demandé pardon » à la veuve du civil ukrainien, raconte l’AFP. « Je sais que vous ne pourrez pas me pardonner, mais je vous demande pardon », a-t-il répondu lorsqu’elle lui a demandé s’il avait « des remords ». Il a également réaffirmé que l’un des autres soldats, qu’il ne connaissait pas, lui a demandé de tirer, en admettant toutefois qu’il n’était pas son supérieur, car l’homme parlait au téléphone et leur aurait dit qu’il allait les dénoncer.
Le premier procès du genre
Ce procès devrait être rapidement suivi par plusieurs autres. Il aura valeur de test pour le système judiciaire ukrainien. La procureure générale d’Ukraine Iryna Venediktova a souligné l’enjeu du dossier pour son pays dans une série de tweets.
« Nous avons ouvert plus de 11 000 enquêtes pour crimes de guerre et arrêté 40 suspects », a-t-elle rappelé, en attendant leur passage devant les tribunaux. La procureure générale a certifié : « Avec ce premier procès, nous envoyons un signal clair : aucun bourreau, aucune personne ayant ordonné ou aidé à commettre des crimes en Ukraine n’échappera à la justice ».
Preuve de la détermination ukrainienne, deux militaires russes devraient être jugés à partir de jeudi 19 mai pour avoir tiré des roquettes sur des infrastructures civiles dans la région de Kharkiv, la deuxième ville du pays, dans le nord-est.
Au moment où les institutions internationales mènent aussi leurs propres enquêtes sur les exactions commises par les troupes russes dans le pays.
Depuis le début du conflit, des ONG, à l’instar d’Amnesty International et de Human Right Watch s’emploient à enquêter pour fournir des preuves de ces actes, à l’aide de sources, de documents et d’informations. En plus d’interpeller l’opinion publique et les décideurs, ces recherches pourraient ensuite servir de base pour le travail des juridictions ayant ouvert des enquêtes pour crimes de guerre contre la Russie, à l’image de l’Allemagne, de l’Espagne ou encore de la Cour pénale internationale.
D’autres enquêtes ouvertes par la France
En France, le parquet national antiterroriste (Pnat) avait annoncé début avril avoir ouvert plusieurs enquêtes pour « crimes de guerre », pour des faits commis au préjudice de ressortissants français en Ukraine depuis l’invasion du pays par la Russie.
Parmi ces enquêtes, des faits visés qui auraient été commis à Marioupol (au sud du pays) entre le 25 février et le 16 mars, à Gostomel (région de Kiev) entre le 1er et le 12 mars et Tchernihiv (nord) depuis le 24 février.