Qui est Boris Bondarev, le diplomate russe qui démissionne car il a « honte » de son pays ?
« Cela fait longtemps que j’aurais dû le faire, mais aujourd’hui, je démissionne de l’administration. Trop, c’est trop. » Ces mots sont ceux de l’ex-diplomate russe Boris Bondarev. Dans une lettre publiée sur le réseau social professionnel LinkedIn lundi 23 mai 2022, l’ancien conseiller auprès de la Représentation permanente russe à l’Office des Nations unies à Genève (Suisse) a annoncé qu’il quittait la diplomatie russe en raison de l’invasion de l’Ukraine. Et il a eu des mots durs : « En vingt ans de carrière diplomatique, j’ai observé des changements dans notre politique étrangère, écrit le diplomate. Mais je n’ai jamais eu aussi honte de mon pays que le 24 février dernier. » Ce jour est celui du début de l’offensive militaire russe à grande échelle en Ukraine. « La guerre agressive déclenchée par [le président russe Vladimir] Poutine contre l’Ukraine, et en fait contre l’ensemble du monde occidental, n’est pas seulement un crime contre le peuple ukrainien mais aussi, peut-être, le plus grave des crimes commis contre le peuple russe », ajoute-t-il.
« Expert du contrôle des armes »
Selon son profil LinkedIn, Boris Bondarev est diplômé de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou, le MGIMO. Une prestigieuse université spécialisée dans les relations internationales, qui a formé certaines (très) puissantes personnalités de l’élite russe.
Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères russe, y a par exemple étudié. Boris Bondarev, lui, fréquente l’établissement renommé entre 1997 et 2002.
Il entre dans le service diplomatique russe à sa sortie de l’université, en 2002, toujours selon son profil LinkedIn. Le diplomate est un « expert du contrôle des armes, du désarmement et de la non-prolifération » de ces mêmes armes, et occupait son poste en Suisse depuis le mois de novembre 2019. Il figurait encore sur l’organigramme de l’institution mardi 24 mai 2022.
L’Office des Nations unies à Genève est « un lieu de concentration de pouvoir très important », et « un point très important du dispositif d’influence russe », explique à l’édition du soir d’Ouest-France Thomas Friang, fondateur et directeur général de l’Institut Open Diplomacy.
Il relève aussi que les sujets sur lesquels travaillait Boris Bondarev, comme le contrôle des armes, comptent « parmi les plus importants pour la Russie au sein des instances onusiennes ». Il était donc « positionné sur des sujets majeurs pour la Russie ».
Un geste « extrêmement rare dans la diplomatie russe »
Selon l’avocat canadien Hillel Neuer, directeur exécutif de l’organisation non gouvernementale UN Watch, Boris Bondarev est « le diplomate russe de plus haut rang à faire défection depuis le début de l’invasion de l’Ukraine ». C’est ce qu’il a indiqué sur le réseau social Twitter.
I agree. Boris Bondarev, the highest ranking Russian diplomat to defect since the invasion of Ukraine, should be invited to speak in Davos this week. https://t.co/mk65F7E8xq
— Hillel Neuer (@HillelNeuer) May 23, 2022
La décision du diplomate pourrait être lourde de conséquences. Notamment parce qu’en Russie, une loi en vigueur depuis le 4 mars punit la diffusion d’« informations mensongères » sur les forces armées russes. Peine maximale : quinze ans de prison.
Un geste comme celui de Boris Bondarev est « extrêmement rare dans la diplomatie russe, pour ne pas dire exceptionnel », reprend Thomas Friang. « Les diplomates sont en général des fonctionnaires extrêmement loyaux, ajoute-t-il. En Russie, ils sont d’autant plus loyaux que le pays a une culture de l’influence internationale et des relations internationales très développées. » La décision de Boris Bondarev de quitter la diplomatie russe est « un acte de courage vraiment très fort », dit-il, et constitue « un signal très fort » lui aussi.