80 ans de la rafle du Vél’ d’Hiv : la lettre de Mgr Saliège lue dans les synagogues

Publié le par La Vie par Caroline Celle

Samedi 16 juillet, la lettre de Mgr Saliège est lue dans les synagogues en France, pour rendre hommage à l’évêque qui a soutenu la communauté juive en 1942. Haïm Korsia, grand rabbin de France, et Christophe Le Sourt, prêtre chargé des relations avec le judaïsme dans l’Église, expliquent ce symbole.
80 ans de la rafle du Vél’ d’Hiv : la lettre de Mgr Saliège lue dans les synagogues

Lue dans les chaires des églises du diocèse de Toulouse à l’été 1942, la lettre de protestation de Mgr Saliège a eu une portée retentissante dans l’opinion publique, à commencer par la communauté catholique. 80 ans plus tard, elle est lue cette fois dans un contexte mémoriel, devant les bancs des synagogues françaises. Haïm Korsia, grand rabbin de France, a en effet demandé à l’ensemble des synagogues en France de faire la lecture de cette lettre ce samedi 16 juillet, pendant les offices du shabbat.

Ce geste symbolique prend une dimension particulière au moment de la commémoration des 80 ans de la rafle du Vélodrome d’Hiver. Le 16 juillet 1942, en pleine Occupation, des milliers de Juifs sont arrêtés à Paris. Mgr Saliège, évêque du diocèse de Toulouse, rédige alors une lettre pastorale pour exprimer publiquement son indignation : « Dans notre diocèse, des scènes d’épouvante ont eu lieu (…). Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos frères comme tant d’autres. »

Un impératif de fraternité

Alors que peu de voix s’élèvent jusqu’alors dans l’Église catholique, la lettre de Mgr Saliège, datée du 23 août 1942, est rapidement suivie de quatre lettres pastorales des évêques de la zone libre pour protester contre les rafles. Les évêques avaient alors demandé à ce que les lettres pastorales soient lues en chaire pendant la messe du dimanche, et la recommandation avait été appliquée par la plupart des curés de ces diocèses.

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a ainsi envoyé un courrier à l’ensemble des synagogues dépendantes du Consistoire israélite (l’institution chargée d’administrer le culte israélite en France) pour demander aux responsables des cultes locaux de lire la lettre de Mgr Saliège, en signe d’hommage à l’Église.

« Cette lettre a rappelé à tous l’impératif chrétien de fraternité et elle a contribué à sauver les trois quarts des Juifs de France de la déportation, estime Haïm Korsia. Les évêques qui ont rédigé ces lettres ont pris des risques parce qu’ils ont rappelé la France à ses devoirs humanistes. Il faut se rappeler que Mgr Théas a été emprisonné pour avoir protesté », ajoute-t-il, en référence à l’incarcération de l’évêque de Montauban de juin à septembre 1944, arrêté par la Gestapo.

Pour l’Église, cette prise de position du Consistoire israélite apparaît aussi comme un geste très fort en faveur des relations judéo-chrétiennes. La lecture d’une lettre pastorale dans les synagogues est une démarche inédite dans l’histoire de la commémoration du Vél’ d’Hiv.

Aller plus loin dans le dialogue judéo-chrétien

« C’est très émouvant de savoir que cette lettre va être lue pendant les offices dans les synagogues, encore plus au moment du shabbat, se réjouit Christophe Le Sourt, prêtre chargé des relations avec le judaïsme pour la Conférence des évêques de France (CEF). C’est une façon de faire mémoire de ces journées d’horreur de juillet 1942 et de montrer que des voix d’humanité se sont malgré tout élevées. Les chrétiens sont aussi invités à se rappeler comment la communauté des croyants a pu aider des Juifs pendant l’Occupation, et comment elle peut perpétuer cette parole d’humanité aujourd’hui. »

L’année 2022 est une année symbolique dans le travail de mémoire sur la rafle du Vél’ d’Hiv. Plusieurs commémorations se sont déjà succédé en faveur du dialogue judéo-chrétien, comme celle qui a rassemblé des responsables du Consistoire, de la CEF et de la Fédération protestante de France le 20 janvier 2022 au Mémorial de la Shoah.

En juillet 2022, Haïm Korsia a ainsi reçu le prix de l’Amitié judéo-chrétienne de France, la fédération nationale qui rassemble Juifs et chrétiens contre l’antisémitisme. « C’est une personnalité en dialogue depuis très longtemps avec l’Église, appuie Christophe Le Sourt. Haïm Korsia participe activement à la “fraternité renouvelée” que souhaitait Jean Paul II dans les relations avec le judaïsme. Il a un regard bienveillant, mais il a aussi le souci de voir ce que l’on peut faire pour aller plus loin dans la fraternité, parce qu’il sait qu’il reste beaucoup de pistes à améliorer. »

À visiter
Exposition « À la grâce de Dieu », les Églises et la Shoah, au Mémorial de la Shoah, à Paris, jusqu’au 26 février 2023.
17, rue Geoffroy-l’Asnier, Paris (4e).
Tél. : 01 42 77 44 72.
www.memorialdelashoah.org

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