Shinzo Abe, ancien premier ministre japonais, est mort après avoir été blessé par balle
L’ex-dirigeant, âgé de 67 ans, participait à un meeting politique dans la région de Nara lorsque des coups de feu ont retenti. « C’est un acte barbare en pleine campagne électorale », a réagi l’actuel premier ministre, Fumio Kishida.
L’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe est mort à 67 ans, vendredi 8 juillet, après avoir été blessé par balle lors d’un rassemblement électoral à Nara. « Je ne trouve pas de mots. Je présente mes sincères condoléances et prie pour que son âme repose en paix », a déclaré le premier ministre japonais, Fumio Kishida, très ému, aux journalistes.
« C’est un acte barbare en pleine campagne électorale, qui est la base de la démocratie, et c’est absolument impardonnable », avait dénoncé un peu plus tôt M. Kishida lors d’un point presse, avant que le décès de M. Abe ne soit confirmé. Visiblement très ému, M. Kishida avait dit « prier » pour la survie de M. Abe, son ancien mentor politique, dont il a été ministre des affaires étrangères de 2012 à 2017.
L’ancien dirigeant est mort à l’hôpital où il avait été transporté à la mi-journée (heure de Tokyo). « Il était en état d’arrêt cardio-respiratoire à son arrivée. [Les médecins ont] tenté de le réanimer. Cependant, il est malheureusement mort à 17 h 3 » (10 h 3 à Paris), a déclaré Hidetada Fukushima, professeur de médecine d’urgence à l’hôpital de l’université médicale de Nara, situé à Kashihara, une ville voisine. M. Abe a été atteint de deux balles au cou, a précisé ce médecin.
Peu avant l’annonce de sa mort, l’actuel premier ministre avait décrit M. Abe dans « un état très grave ». Un peu plus tôt, des médias locaux croyaient savoir qu’il ne présentait aucun signe de vie.
Que s’est-il passé ?
« On a tiré sur l’ancien premier ministre vers 11 h 30 [4 h 30, heure de Paris] à Nara. Un homme suspecté d’être le tireur a été interpellé. L’état de santé de M. Abe est actuellement inconnu », a fait savoir le secrétaire général du gouvernement, Hirokazu Matsuno, à la presse tôt vendredi matin.
L’ancien chef de l’exécutif prononçait un discours lors d’un rassemblement de campagne en vue des élections sénatoriales de dimanche, lorsque des coups de feu ont été entendus, ont expliqué NHK et l’agence de presse Kyodo. « Un homme est arrivé par-derrière », a déclaré à NHK une jeune femme présente sur les lieux.
« Le premier tir a fait le bruit d’un jouet. Il n’est pas tombé et il y a eu une grosse détonation. Le deuxième tir était plus visible, on pouvait voir l’étincelle et de la fumée », a-t-elle ajouté. « Après le deuxième tir, des gens l’ont entouré et lui ont fait un massage cardiaque », a-t-elle encore témoigné.
M. Abe s’est effondré et saignait du cou, a déclaré de son côté une source du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir à l’agence de presse Jiji. Des responsables locaux du PLD ont précisé n’avoir reçu aucune menace avant l’attaque et que cette prise de parole de M. Abe avait été annoncée publiquement.
Que sait-on du suspect ?
Selon plusieurs médias locaux, le suspect serait un Japonais de 41 ans ayant par le passé appartenu à la Force maritime d’autodéfense japonaise, la marine nippone. Il a été aussitôt désarmé et arrêté.
La police japonaise a pénétré, vendredi, dans le domicile du suspect de l’attaque, selon des images de NHK. Les images montraient plusieurs agents de police portant des vêtements de protection, des casques et des boucliers entrer à l’intérieur d’un bâtiment identifié comme le domicile de l’homme arrêté pour tentative de meurtre aussitôt après l’attaque.
Sur des images de la NHK montrant le moment de l’attaque, on voit M. Abe debout sur un podium, puis une forte détonation retentit et de la fumée se dégage. Les spectateurs surpris par la détonation se baissent et plusieurs personnes en plaquent une autre à terre.
Le Japon dispose de l’une des législations les plus strictes au monde en matière de contrôle des armes à feu, et le nombre annuel de décès par de telles armes dans ce pays de 125 millions d’habitants est extrêmement faible. L’obtention d’un permis de port d’arme est un processus long et compliqué, même pour les citoyens japonais, qui doivent d’abord obtenir une recommandation d’une association de tir, puis se soumettre à de stricts contrôles de police.
Abe, le premier ministre resté le plus longtemps au pouvoir
Shinzo Abe a battu des records de longévité à la tête de son pays dont il a profondément marqué la vie politique, résistant à de nombreux scandales politico-financiers autour de lui et ses proches. Il est le premier ministre japonais à être resté le plus longtemps au pouvoir. Il a été en poste en 2006 pour un an, puis de nouveau de 2012 à 2020, date à laquelle il avait été contraint de démissionner pour des raisons de santé.
Ce nationaliste teinté de pragmatisme avait 52 ans quand il est devenu chef du gouvernement pour la première fois, le plus jeune de l’après-guerre dans son pays. Il a marqué les esprits durant son deuxième passage au pouvoir avec une politique de relance économique audacieuse et une intense activité diplomatique, mais qui ont laissé un profond sentiment d’inachevé.
A l’été 2020, alors qu’il était devenu impopulaire pour sa gestion de la pandémie, jugée maladroite par l’opinion publique. Il avait reconnu qu’il souffrait d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, la rectocolite hémorragique, et avait démissionné peu après. Cette maladie était déjà l’une des raisons de la fin abrupte de son premier passage au pouvoir en 2007.
Shinzo Abe s’est fait surtout connaître à l’étranger avec sa politique économique surnommée « Abenomics » lancée à partir de la fin de 2012, combinant assouplissement monétaire, relances budgétaires massives et réformes structurelles. Il a enregistré certains succès, comme une hausse notable du taux d’activité des femmes et des seniors, ainsi qu’un recours plus important à l’immigration face à la pénurie de main-d’œuvre.
Cependant, faute de réformes structurelles suffisantes, les Abenomics n’ont engendré que des réussites partielles. L’ambition ultime de cet héritier d’une grande famille d’hommes politiques conservateurs était de réviser la Constitution japonaise de 1947, pacifiste, écrite par les occupants américains et jamais amendée depuis.
« Tous tristes et choqués » : les réactions internationales affluent
Le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenberg, s’est dit sur Twitter « profondément choqué » par ce « meurtre odieux ».
Avant la confirmation de la mort du dirigeant, le président français, Emmanuel Macron, s’est dit « profondément choqué par l’attaque odieuse dont Shinzo Abe a été victime ». « Pensées à la famille et aux proches d’un grand premier ministre. La France se tient aux côtés du peuple japonais », a-t-il écrit sur Twitter.
« L’attentat mortel perpétré contre Shinzo Abe me laisse stupéfait et profondément attristé », écrit sur Twitter le chancelier allemand, Olaf Scholz, assurant être « aux côtés du Japon en ces heures difficiles ». « C’est avec horreur que j’ai appris la nouvelle de l’horrible attentat perpétré contre mon ancien collègue de longue date, Shinzo Abe », a de son côté déclaré l’ex-chancelière allemande, Angela Merkel.
« L’Italie est bouleversée par le terrible attentat qui frappe le Japon et son débat démocratique libre », a fait savoir le chef du gouvernement italien, Mario Draghi, exprimant ses condoléances sur Twitter.
L’ambassadeur américain au Japon, Rahm Emanuel, a déploré cette attaque : « Nous sommes tous tristes et choqués par l’attaque par balle contre l’ancien premier ministre Abe Shinzo. Abe-san a été un dirigeant exceptionnel du Japon et un allié indéfectible des Etats-Unis. » Dans la foulée, les Etats-Unis se sont dits « profondément préoccupés » par cette attaque. « C’est un moment très, très triste », a dit le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, aux journalistes lors d’une réunion du G20 à Bali.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dénoncé sur Twitter le « meurtre lâche et brutal » de Shinzo Abe, « un grand démocrate et défenseur d’un ordre mondial multilatéral », dont l’attaque « choque le monde entier ». « Je ne comprendrai jamais le meurtre brutal de ce grand homme. Japon, les Européens partagent votre deuil », a réagi de son côté le président du Conseil européen, Charles Michel, sur le même réseau social, disant avoir appris le décès de M. Abe « avec un profond regret ».
Le premier ministre britannique démissionnaire, Boris Johnson, s’est dit « incroyablement triste pour Shinzo Abe. Nombreux sont ceux qui se souviendront du leadership mondial dont il a fait preuve en des temps difficiles », a-t-il tweeté.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, a fait savoir, sur Twitter, qu’il était « profondément bouleversé », décrivant l’ex-premier ministre japonais comme un « ami cher », et ajoutant : « Nos pensées et nos prières sont avec lui, sa famille et le peuple japonais ». L’assassinat vendredi de Shinzo Abe constitue un « acte criminel inacceptable », a estimé le président sud-coréen, Yoon Seok-youl.
Le Kremlin s’est dit vendredi « profondément attristé » par le meurtre de l’ancien premier ministre japonais, saluant un « grand patriote » du Japon. Le président russe, Vladimir Poutine, a déploré vendredi une « perte irréparable ».