Guerre en Ukraine : Que sont les missiles à capacité nucléaire testés par la Russie ?
OGIVE La Russie a simulé le lancement de missiles à capacité nucléaire mercredi, renforçant la menace brandie par Vladimir Poutine depuis le début de la guerre
- Mercredi, la Russie a effectué des manœuvres militaires dans l’enclave de Kaliningrad. Elle a notamment simulé des « lancements électroniques » de systèmes de missiles balistiques mobiles Iskander à capacité nucléaire, selon le ministère russe de la Défense.
- Depuis le début de la guerre en Ukraine, les « forces de dissuasion » nucléaire russes ont été placées en alerte par Vladimir Poutine. Le maître du Kremlin a depuis répété qu’il pourrait utiliser l’arme nucléaire si les Occidentaux intervenaient militairement.
- Que sont ces missiles Iskander ? Quelle est leur portée ? Quels dégâts font-ils ? Vladimir Poutine pourrait-il vraiment les utiliser ? 20 Minutes fait le point.
Depuis le 24 février, l’Ukraine vit sous le feu russe et l’Europe s'inquiète d’un embrasement du conflit sur le terrain du nucléaire. En effet, dès les premiers jours de la guerre, Vladimir Poutine a placé les forces de dissuasion nucléaire en alerte et n'a cessé de rappeler qu’il pourrait bien en faire usage si l’Occident intervenait directement. Dernier coup de semonce en date, l’exercice militaire qui s’est déroulé mercredi dans l’enclave de Kaliningrad, lors duquel la Russie a procédé à la simulation de tirs de missiles à capacité nucléaire. Quels sont ces missiles ? Quelle est leur portée, leur puissance ? Pourquoi le Kremlin montre qu’il se prépare à les utiliser ? 20 Minutes fait le point avec Vincent Desportes, professeur de stratégie à HEC et SciencesPo.
Qu'est-ce qu'un missile Iskander ?
Dans le détail, la Russie a procédé mercredi à la simulation de « lancements électroniques » de systèmes de missiles balistiques mobiles Iskander à capacité nucléaire, selon le ministère russe de la Défense. Reprenons cette dénomination complexe mot à mot. En clair, aucun missile n’a quitté son pas de tir et le lancement fictif a été simulé à distance. Plusieurs missiles étaient concernés, la Russie détaillant d’ailleurs leurs cibles fictives (aérodromes, équipements militaires, etc.). De plus, les missiles Iskander sont installés sur et tirés depuis des camions, d’où cette appellation de « mobiles ».
Reste les deux éléments les plus décisifs. De par sa taille [plus de 7 mètres de haut et un diamètre proche du mètre], l’Iskander peut emporter soit une charge traditionnelle, comme il l’a fait jusqu’ici en Ukraine, mais aussi en Syrie, soit une petite bombe nucléaire. Enfin, c’est un missile balistique, « ce qui signifie qu’il monte puis redescend » suivant une trajectoire calculée à l’avance, explique à 20 Minutes Vincent Desportes, professeur de stratégie à HEC et SciencesPo. Cela l’oppose, détaille l’ancien général de division de l’armée de terre, aux « armes à tir direct » comme les chars, ainsi qu’aux missiles hypersoniques « de croisière », dirigés par la main de l’homme du début à la fin. Il faut toutefois noter que le missile Iskander peut-être guidé par GPS.
Quelle est la portée de ce type de missiles ?
« Ces missiles peuvent être réglés pour tirer jusqu’à Paris, c’est justement pour ça que Vladimir Poutine les a installés au plus près », à Kaliningrad, énonce Vincent Desportes. Mais au contraire d’une arme dite stratégique, tels que les missiles intercontinentaux « qui peuvent détruire New York en une bombe », le missile Iskander est une arme tactique, « de bataille », utilisée pour détruire des sites spécifiques avec une précision redoutable.
L’auteur de l’essai Visez le sommet (Ed. Denöel) indique que l’usage de ce missile est prévu dans la doctrine d’emploi des forces russes. « Si les chars sont bloqués, on fait basculer la situation en créant un trou dans la défense adverse », image-t-il. Mais avec la tête nucléaire embarquée, le trou est conséquent. « Si Poutine tire sur l’usine Azovstal, il n’y a plus rien, vous avez les mêmes images qu’à Hiroshima », clarifie l’ancien général.
Est-ce que Vladimir Poutine pourrait vraiment utiliser un missile nucléaire ?
« Vladimir Poutine ne perdra pas sans avoir utilisé une partie des 6.000 ogives nucléaires » à sa disposition, affirme Vincent Desportes. La menace nucléaire est présente depuis le début de la guerre, au point que certains ne se demandent plus si un missile nucléaire peut être tiré, mais quand. « Depuis deux semaines, nous entendons à la télévision que les silos nucléaires devraient être ouverts », s’est même récemment alarmé Dimitri Muratov, rédacteur en chef d’un journal russe indépendant. La télévision d’Etat prépare doucement les esprits, rend acceptable cette idée. Hier, en parallèle de l’exercice à Kaliningrad, « l’avion de l’apocalypse » à bord duquel Vladimir Poutine commanderait la Russie en cas de conflit nucléaire, a d’ailleurs survolé Moscou. Une première depuis 2010, officiellement en vue de préparer le défilé du 9-Mai.
Tout l’enjeu est donc « que Poutine ne soit pas acculé à ce point », prévient Vincent Desportes. Car au-delà de la destruction de Marioupol, « invivable pour des décennies, Severodonetsk et Kramatorsk aussi probablement », une frappe nucléaire aura des conséquences sur toute l’Europe. Car, comme le rappelle le professeur de stratégie, les retombées radioactives ne s’arrêteront pas à la frontière « comme avec le nuage de Tchernobyl ».