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Mort de Philippe Tesson : "La presse a perdu un grand homme et le pays un de ses derniers mousquetaires"

Publié le par Marianne par Denis Olivennes

Philippe Tesson est décédé ce 1er février à 94 ans. Patron de presse, savant observateur et critique de la scène dramatique parisienne, il a été le père de toute une génération de journalistes et de polémistes. Denis Olivennes lui rend hommage.

Philippe Tesson, avec son beau et noble visage, une espèce de gentilhomme de la Régence, bretteur libertin et cultivé, suffisamment conscient que l’histoire est tragique pour ne pas se prendre lui-même au sérieux. SIPA

Philippe Tesson, avec son beau et noble visage, une espèce de gentilhomme de la Régence, bretteur libertin et cultivé, suffisamment conscient que l’histoire est tragique pour ne pas se prendre lui-même au sérieux. SIPA

« Il se hâte de vivre » disait de Philippe Tesson, son fils Sylvain. Et en effet, quand on croisait cet homme qui, quoique déjà âgé, était incroyablement ingambe, on sentait immédiatement sa disposition au bonheur. Son anticonformisme, sa curiosité, son courage intellectuel, son ironie, son regard qui frisait, son sourire moqueur, tout exprimait en lui le goût irrépressible de la liberté. En ces temps puritains où l’on voit surgir les inquisiteurs et les censeurs de tous poils, cet amour aristocratique de la licence était rafraîchissant.

Entré dans la presse à une époque où on y recrutait des jeunes gens qui se rêvaient écrivains, il avait été le rédacteur en chef de Combat la maison d'Albert Camus. Il y voisinait aussi bien avec l’ancien maurrassien Pierre Boutang qu’avec le futur gauchiste Maurice Clavel. Inclassable et pluraliste, le journal soutiendra par exemple la révolte de la jeunesse hongroise contre le pouvoir soviétique comme, dix ans après, celle des étudiants de Nanterre contre le pouvoir gaulliste.

Le journal ayant disparu, Tesson fondera Le Quotidien de Paris, au moment où Serge July créait Libération. Brouillé avec François Mitterrand, le titre connaîtra son heure de gloire en entrant dans l’opposition au pouvoir socialiste à partir de 1981. Combien de journalistes, de Dominique Jamet à Michel Field, en passant par tant d’autres, venus de droite, de gauche ou de nulle part, ont fait leurs classes à l’école Tesson comme on aurait dit autrefois l’école Lazareff ? Sa passion pour la presse – une presse libre, inclassable, polémique, culturelle – n’avait d’égale que son amour du théâtre dont il a fréquenté les salles, les textes, les metteurs en scène et les auteurs jusqu’à son dernier souffle avec une gourmandise joyeuse que rien ne pouvait rassasier. Ainsi composait-il, avec son beau et noble visage, une espèce de gentilhomme de la Régence, bretteur libertin et cultivé, suffisamment conscient que l’histoire est tragique pour ne pas se prendre lui-même au sérieux. La presse a perdu l’un de ses grands hommes et, le pays, l’un de ses derniers mousquetaires.

Source : Mort de Philippe Tesson : "La presse a perdu un grand homme et le pays un de ses derniers mousquetaires"

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