Armes nucléaires russes en Biélorussie : faut-il s'inquiéter ?

Publié le par Le Point par Théo Sauvignet

Pour la première fois en presque 30 ans, la Russie stationnera en Biélorussie des armes nucléaires dites « tactiques », soit les plus petites bombes atomiques de son arsenal.

Le président russe a évoqué des têtes nucléaires portées par des missiles balistiques de moyenne portée Iskander tirés depuis le sol, ou des bombes tactiques portées par des chasseurs bombardiers Su-30 SM dont dispose la Biélorussie. © PAVEL PAVLOV / Anadolu Agency via AFP

Le président russe a évoqué des têtes nucléaires portées par des missiles balistiques de moyenne portée Iskander tirés depuis le sol, ou des bombes tactiques portées par des chasseurs bombardiers Su-30 SM dont dispose la Biélorussie. © PAVEL PAVLOV / Anadolu Agency via AFP

Vladimir Poutine a annoncé samedi 25 mars que des armes nucléaires tactiques seraient déployées prochainement en Biélorussie, pays allié de Moscou. Ces armes resteraient sous contrôle de la Russie mais utilisées depuis des missiles balistiques ou avions biélorusses. Dans l'Otan, un système similaire existe déjà en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Turquie et Italie, où des bombes comparables sont stockées et contrôlées par Washington, mais peuvent être mises en œuvre par des chasseurs bombardiers de pays de l'alliance.

Il n'existe pas de réelle définition d'une arme nucléaire tactique : c'est leur doctrine d'emploi qui les définit. Elles sont de relativement petite taille. En comparaison, la puissance de leur explosion est cinquante fois inférieure à celle de la bombe larguée en 1945 sur Hiroshima et mille fois inférieure à celle des têtes nucléaires actuellement en service en France. Ces armes ont vocation à être utilisées contre des objectifs militaires et pas civils, d'où leur qualification de tactique et pas de stratégique. Dans cette optique, leur portée est généralement assez courte : de l'ordre de 200 kilomètres, bien loin des milliers de kilomètres que peut parcourir un missile balistique stratégique. Cependant, emportées sous un avion, par exemple, elles peuvent parcourir une bien plus longue distance.

Au vu de leur puissance limitée, les bombes nucléaires tactiques n'entrent dans aucun traité de limitation des armes nucléaires, hors traité de non-prolifération (TNP) qui interdit d'en transmettre à des pays qui n'en disposent pas. La taille des deux principaux arsenaux (russe et américain) est mal connue. On suppose que Moscou dispose de milliers de ces têtes dans ses stocks. Les armes qui seraient déployées en Biélorussie sont comparables aux bombes B-61que les Américains stockent en Europe, bien que le doute subsiste sur leur transport. Vladimir Poutine a fait allusion aux missiles balistiques Iskander, de 500 km de portée maximum, mais il serait aussi question de chasseurs bombardiers Su-30 dont la Biélorussie dispose d'une dizaine d'exemplaires.

Renucléarisation du territoire biélorusse

Cette annonce fait suite à une modification constitutionnelle de début 2022 voulue par le président biélorusse Alexandre Loukachenko visant à autoriser à nouveau le stationnement d'armes nucléaires dans le pays, interdit en 1994 après la chute de l'URSS. À noter que la Russie empile des armes nucléaires de tous types dans l'enclave de Kaliningrad, entre la Pologne et la Lituanie, presque au cœur de l'Union européenne.

Créées dans un contexte de guerre froide, elles sont utiles pour renverser une situation militaire mal engagée : envoyées contre un poste de commandement ou une concentration de forces ennemies, elles peuvent très vite renverser l'équilibre d'une guerre. Le but est aussi de disposer d'une capacité de riposte limitée dans le cas où l'intégrité du pays serait menacée par des forces conventionnelles (sans arme nucléaire). L'utilisation d'une frappe nucléaire dite « tactique » constitue également un avertissement, un coup de semonce avant l'utilisation des armes stratégiques, capables, elles, de raser une capitale. Aucune d'entre elles n'a été utilisée en dehors d'essais.

Les experts tiennent cependant à avertir sur le danger qu'elles représentent : une frappe nucléaire reste une frappe nucléaire. La plupart des pays qui employaient ce genre d'armes dans les années 1980, dont la France, se sont rendu compte de la difficulté de gérer un champ de bataille radioactif et ont freiné leur utilisation. Leur emploi sur le champ de bataille constituerait un champ inédit, où il est impossible de prévoir la réaction des autres puissances nucléaires et où le risque d'escalade reste le plus probable. Parler d'armes « préstratégiques » semble alors plus juste.

En France, les armes nucléaires tactiques ont existé sous la forme de missiles courte portée (Pluton et Hadès) employés par l'Armée de Terre jusqu'en 1997. La France ne dispose pas, aujourd'hui, de capacités nucléaires de première frappe dans sa doctrine, qui est uniquement défensive.

Source : Armes nucléaires russes en Biélorussie : faut-il s'inquiéter ?

Publié dans Articles de Presse

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