Maia Sandu, la présidente moldave face à la menace russe
La Moldavie sera-t-elle la prochaine cible de Moscou ? Maia Sandu, la présidente de ce pays de 2,6 millions d’habitants, frontalier de l’Ukraine, a accusé lundi 13 février la Russie de fomenter un coup d’État pour renverser le pouvoir moldave. Portrait de cette présidente résolument pro-européenne.
Silhouette frêle, coupe au carré, Maia Sandu livre un discours offensif devant la presse. Sur la base d’informations fournies par l’Ukraine, la présidente moldave accuse la Russie de vouloir déstabiliser son pays : attaques d’édifices publics, prises d’otages… Moscou voudrait faire sauter le pouvoir en place afin « d’entraver le processus d’intégration à l’Union européenne et se servir de la Moldavie dans sa guerre contre l’Ukraine ».
Le ton déterminé de Maia Sandu tranche avec sa prudence habituelle à l’égard de Moscou, alors que son pays, peuplé de 2,6 millions habitants, dépend entièrement de la Russie pour ses ressources énergétiques. La présidente moldave semble donc aller à l’affrontement, analyse Nicolas Trifon, écrivain spécialiste de la Moldavie* :
« C’est la première fois que Moscou a été mis en garde et désigné comme responsable des problèmes de la Moldavie. Cela ne veut pas dire que la menace est réelle et que les preuves sont suffisantes, mais la question reste ouverte et le plus important, c'est cet affrontement avec Moscou qui a eu lieu pour la première fois dans un pays comme la Moldavie où les dirigeants sont en général très attentifs à leurs relations avec Moscou ».
Compétence et intégrité
Maia Sandu, 50 ans, est la première femme élue à la tête de la Moldavie en 2020. Résolument pro-européenne, elle affiche un parcours exemplaire : ancienne économiste de la Banque mondiale, ministre de l’Éducation entre 2012 et 2015, Première ministre en 2019 avant d’être élue à la présidence un an plus tard. Elle a été choisie sur un programme de lutte contre la corruption dans un pays miné par ce fléau. « L’intégrité et la compétence sont probablement les qualités les plus louées chez Maia Sandu, souligne Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po. Elle est de ce point de vue sur un modèle assez différent de Volodymyr Zelensky qui a plus des talents de tribun, à même de rallier par sa personnalité peut être plus charismatique. Mais l’élément de confiance qui permet aux Moldaves de se retrouver majoritairement dans Maia Sandu ce sont vraiment ces deux qualités : la compétence et l’intégrité ».
Pro-européens contre pro-russes
Pour autant, Maia Sandu a des adversaires. On lui reproche de ne pas en faire assez pour le pouvoir d’achat des Moldaves, dans un pays très pauvre, de ne pas obtenir assez d’aides de l’Union européenne, elle qui a déposé une candidature d’adhésion de son pays à l’UE, l’an dernier.
La Moldavie compte un certain nombre de partisans pro-russes, pas seulement dans la région séparatiste de Transnistrie. Des partis d’opposition sont à la manœuvre et pourraient tenter de déstabiliser le pouvoir moldave. « Il y a une reprise des manifestations par rapport aux factures d’électricité et de gaz, menées par le parti Shor qui est le principal relai de Moscou aujourd’hui dans le pays, explique Nicolas Trifon. Évidemment, les manifestations sont justifiées, mais elles portent aussi sur autre chose. Les manifestants disent qu’ils veulent la tranquillité, ils ne veulent pas de l’Otan, etc. Ils sont très déterminés contre le gouvernement actuel, contre Maia Sandu, c’est un mouvement pro-Moscou, très clairement. »
Menaces réelles de Moscou ou pas, Maia Sandu a promis de faire adopter une série de lois pour mieux protéger la Moldavie. Un nouveau Premier ministre, Dorin Recean, vient également d’être nommé. Il est spécialiste des questions de défense et de sécurité.
* co-auteur avec Matei Cazacu d’« Un État en quête de nation, la République de Moldavie » (Non Lieu éditions)
Source : Maia Sandu, la présidente moldave face à la menace russe