Honoré d'Estienne d'Orves
Honoré d’Estienne d’Orves, né le 5 juin 1901 à Verrières-le-Buisson et mort le 29 août 1941 au Mont-Valérien (Suresnes), est un officier de marine français, héros de la Seconde Guerre mondiale, martyr de la Résistance, mort pour la France, Compagnon de la Libération à titre posthume par décret du 30 octobre 1944. Le réseau de renseignement de la France libre, qu'il a organisé avec Jan Doornik, Maurice Barlier et d'autres, s'appelait Nemrod.
Honoré d’Estienne d’Orves naît à Verrières-le-Buisson, fief de sa famille maternelle, les Vilmorin (il était le cousin germain de Louise de Vilmorin). Sa famille paternelle (son père est Marc d'Estienne d'Orves), de vieille souche provençale est royaliste légitimiste ; c'est une branche de la famille d'Estienne de Saint-Jean. Il descend du général vendéen Charles d'Autichamp, et à la maison, le drapeau blanc est de rigueur, (comme chez les Hauteclocque d’ailleurs). Il entre, en 1910, au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, puis rejoint Louis-le-Grand en 1919 (il étudie aussi au lycée privé Sainte-Geneviève) pour préparer le concours d'entrée à l'École polytechnique, qu'il intègre en 1921. Lycéen proche de l'Action française, il s'éloigne de la politique en entrant à Polytechnique. Durant ses études à Polytechnique, lui et son ami Pierre Henri Bertrand de Saussine du Pont de Gault courtisent Louise de Vilmorin, rescapée de la tuberculose osseuse. Elle leur préférera un temps Antoine de Saint-Exupéry. Parallèlement, il participe au groupement confessionnel catholique des Équipes sociales de Robert Garric.
Marin
Sorti de l'École polytechnique en 1923, Honoré d'Estienne d'Orves s'engage dans la Marine nationale, élève officier à l'École navale. Il participe à la campagne d'application à bord du croiseur école Jeanne d'Arc. En 1929, il épouse Éliane de Lorgeril, descendante de Louis de Lorgeril, maire de Rennes, avec qui il aura cinq enfants :
- Marguerite Honoré d'Estienne d'Orves ;
- Monique Honoré d'Estienne d'Orves ;
- Rose Honoré d'Estienne d'Orves ;
- Marc Honoré d'Estienne d'Orves (1937-2016), comte d'Estienne d'Orves, capitaine de corvette honoraire ;
- Philippe Honoré d'Estienne d'Orves, comte d'Estienne d'Orves.
Il est promu Lieutenant de vaisseau en 1930. En décembre 1939 il est embarqué à bord du croiseur lourd Duquesne, comme aide de camp de l'amiral Godfroy, commandant la Force X. Cette escadre se trouvant internée à Alexandrie lors de l'opération Catapult le 3 juillet 1940, d'Estienne d'Orves ne se satisfait pas de l'inaction à laquelle il est contraint.
La volonté de continuer le combat
En juillet 1940, avec plusieurs de ses camarades, il tente de rejoindre le général Legentilhomme, commandant supérieur des troupes de la Côte française des Somalis, qui a annoncé son intention de refuser l'armistice. La colonie s'étant finalement ralliée au gouvernement de Vichy en évinçant le général Legentilhomme, d'Estienne d'Orves décide, en août 1940, de rejoindre l'Angleterre. Il parvient à Londres à la fin de septembre après un long périple autour de l'Afrique, il prend le nom de « Chateauvieux » et se présente au quartier-général du général de Gaulle. Il est affecté au 2e bureau des Forces navales françaises libres.
Mission en France
Le 21 décembre 1940, il est envoyé en mission en France : il traverse la Manche à bord d'un petit chalutier, accompagné du quartier-maître radiotélégraphiste « Georges Marty » (un Alsacien dont le vrai nom est Alfred Gaessler). Ils débarquent à Plogoff (Pors Loubous). Installé à Nantes dans le quartier de Chantenay, il organise un réseau de renseignement en France, le réseau Nemrod. Il établit la première liaison radio entre la France occupée et Londres. Du 6 au 19 janvier 1941, il est à Paris, où il séjourne entre autres chez Max André, une connaissance d'avant-guerre, qui accepte, à sa demande, de monter un réseau de renseignement dans la capitale.
Arrestation
À son retour à Nantes, il est trahi par Alfred Gaessler qui est en réalité un agent du contre-espionnage allemand. Il est arrêté le 22 janvier 1941, ainsi que les époux Clément, chez qui il se trouvait, et, par la suite, les vingt-trois autres membres du réseau. Les accusés sont transférés à Berlin puis à Paris où, le 23 mai, la cour martiale allemande condamne Estienne d'Orves à mort ainsi que huit de ses camarades qui sont transférés à Fresnes. Les condamnés ne sont pas immédiatement exécutés. Ce sursis peut s'expliquer par la volonté du général von Stülpnagel, commandant des forces d'occupation en France, de garder des otages pour une occasion spectaculaire. Il est aussi possible qu'il ait été tenu compte de la forte émotion provoquée par la condamnation d'un officier de marine, au point de susciter l'intervention du gouvernement de Vichy auprès des autorités allemandes. L'amiral Darlan, vice-président du Conseil, intervient, le 25 mai 1941, dans le cadre de ses tractations avec les Allemands concernant les Protocoles de Paris, pour demander la grâce d'Estienne d'Orves à l'amiral Canaris, en proposant en échange la fourniture de renseignements provenant du centre d'écoutes secret des Oudaïas (Rabat), afin que les Allemands soient informés sur les mouvements de la Marine britannique et le 27 mai des militaires français, proches de la Résistance, sont arrêtés, dont André Beaufre, semble-t-il (selon Loustaunau-Lacau) sur instructions de Darlan.
Exécution
Le 22 juin 1941, c'est l'entrée en guerre de l'URSS et, le 21 août 1941, le résistant communiste Pierre Georges — le futur colonel Fabien — assassine de deux balles dans le dos l'aspirant d'intendance de la Kriegsmarine Alfons Moser au métro Barbès. Le lendemain, les Allemands promulguent une ordonnance transformant les prisonniers français en otages et le général von Stülpnagel profite de l'occasion pour faire un exemple. En représailles, cent otages sont exécutés dont Estienne d’Orves le 29 août 1941 au Mont-Valérien, en compagnie de Maurice Barlier, sous-lieutenant FFL, et de Jan Doornik, officier hollandais. Estienne d’Orves a laissé un journal où il exalte sa foi patriotique et sa ferveur religieuse, ainsi que des lettres émouvantes à sa famille. Ses enfants sont recueillis par des camarades de l'École polytechnique, dont Jean Freysselinard, gendre du président Albert Lebrun, installé à Vizille (Isère).
- Chevalier de la Légion d'honneur
- Compagnon de la Libération à titre posthume par décret du 30 octobre 1944
- Officier de l'ordre du Ouissam alaouite (Maroc)
- Officier de l'ordre de la Couronne (Roumanie)
- Officier de l'ordre du Mérite militaire (Bulgarie)
- Chevalier de l'ordre de l'Épi d'or (Chine)