El-Sadate Anouar
Anouar el-Sadate est un homme d'État égyptien, né le 25 décembre 1918 et assassiné le 6 octobre 1981. Président de l'Assemblée du Peuple, vice-président de la République du général Gamal Abdel Nasser, il occupe les fonctions de président de la République arabe d'Égypte de 1970 à son assassinat, en 1981. Il reçoit le prix Nobel de la paix en 1978, conjointement avec le Premier ministre israélien Menahem Begin, après les accords de Camp David, au cours desquels il joue un rôle essentiel.
Sadate est né en Égypte, dans un village du Delta du Nil à Mit Aboul Koum dans le Gouvernorat de Menufeya, au sein d'une famille pauvre comptant treize enfants, d'un père égyptien et d'une mère soudanaise. Il étudie à l'académie militaire royale du Caire et en sort diplômé en 1938. À l'issue de ses études, il est affecté au corps des télécommunications. En 1942, Sadate est emprisonné par les troupes britanniques pour les activités qu'il mène contre l'occupation britannique en animant un réseau d'espionnage en faveur de l'Afrika Korps. Après la guerre israélo-arabe de 1948, il participe à la création de l'association clandestine du Mouvement des officiers libres (il a alors le grade de lieutenant-colonel), dont le but est de libérer l'Égypte du contrôle britannique, et participe en 1952 au coup d'État qui détrône le roi Farouk Ier. En 1960, après avoir assumé quelques fonctions ministérielles dans le gouvernement égyptien, il devient président de l'Assemblée du Peuple, la Chambre basse du Parlement. puis est nommé le 20 décembre 1969 vice-président par son ami le président Gamal Abdel Nasser.
Le 5 octobre, après la mort de Nasser, il est désigné par l'Union socialiste arabe - parti unique - comme candidat unique à la présidence de la République arabe unie. Son élection est entérinée par référendum à près de 90%. Sa désignation par le parti surprend les experts qui voyaient comme successeur possible à Nasser le pro-soviétique Ali Sabri, ou le pro-américain Zacharia Mohieddine. En 1973, Sadate, de concert avec la Syrie, mène l'Égypte dans la guerre de Kippour contre Israël pour tenter de reprendre le Sinaï perdu en 1967 lors de la guerre des Six Jours. Il élabore dans ce but une manœuvre militaire afin de masquer ses plans : faisant passer ses mouvements de troupes le long du canal de Suez pour des exercices militaires - fréquents à l'époque dans l'armée égyptienne - il met ainsi l'armée égyptienne dans une position favorable sans éveiller les soupçons israéliens. En parallèle, il s'assure suffisamment de soutien militaire et logistique, sans que ses alliés ne soient au courant du jour où l'armée passerait à l'offensive. Seul Hafez el-Assad, président syrien, est informé afin de mener une offensive coordonnée avec l'assaut égyptien.
Le 6 octobre, jour de Yom Kippour (jour du Grand Pardon, le jour le plus saint pour les Juifs), alors que Sadate ordonne le début des hostilités, avec l'opération Badr, l'état-major israélien est surpris et doit se rendre à l'évidence : malgré une nette supériorité militaire de Tsahal, les forces égyptiennes sont décidées à reprendre les territoires perdus en 1967, profitant de la diminution des effectifs du fait de la fête religieuse en Israël. Et même si l'effet escompté par Sadate est réussi, les Égyptiens, tout comme les Syriens, ne peuvent contenir les contre-attaques israéliennes. Finalement, un cessez-le-feu est négocié par les États-Unis et l'Union des républiques socialistes soviétiques, alliés respectifs d'Israël et de l'Égypte, et des pourparlers de désengagement peuvent alors débuter au Kilomètre 101 de la route Le Caire-Suez. Sadate sort certes perdant sur le plan militaire et territorial, il n'en demeure pas moins le grand gagnant : il a prouvé que Tsahal n'est pas invincible - en parvenant à lui faire face quelques jours durant - tout en restaurant l'honneur arabe perdu en 1967 avec une défaite cinglante.
En novembre 1977, Sadate devient le premier dirigeant arabe à effectuer une visite officielle en Israël. Il y rencontre le premier ministre Menahem Begin, et prend la parole devant la Knesset à Jérusalem. Il effectue cette visite après avoir été invité par Begin et recherche un accord de paix permanent. Beaucoup d'autorités du monde arabe réagissent très défavorablement à cette visite, du fait qu'Israël est alors considéré comme un état « voyou » et un symbole de l'impérialisme. Le 17 septembre 1978, les accords de Camp David sont signés, pour lesquels Sadate et Begin reçoivent le prix Nobel de la paix. Néanmoins, cet accord est extrêmement impopulaire dans le monde arabe et musulman. L'Égypte est alors la plus puissante des nations arabes et une icône du nationalisme arabe. De nombreux espoirs reposaient en effet dans la capacité de l'Égypte à obtenir des concessions d'Israël pour les réfugiés, principalement palestiniens, dans le monde arabe. En signant les accords, Sadate fait défection aux autres nations arabes qui doivent désormais négocier seules. Ceci est donc considéré comme une trahison du panarabisme de son prédécesseur Nasser, détruisant la vision d'un front arabe uni.
En septembre 1981, Sadate lance une offensive majeure contre les intellectuels et les activistes de tout le spectre idéologique. Sont ainsi emprisonnés des communistes, des nasséristes, des féministes, des islamistes, des professeurs d'université, des journalistes et des membres de groupes d'étudiants. Il fait également assigner le patriarche copte orthodoxe Chénouda III à résidence, dans le Monastère Saint-Bishoy et emprisonne aussi un grand nombre de prêtres et évêques de son Église. Au total, près de 1 600 personnes sont arrêtées. Parallèlement, le soutien interne de Sadate disparait sous la pression d'une crise économique, et en réaction à la violence de la répression des dissidents.
Le 6 octobre, un mois après la vague d'arrestations, Sadate est assassiné durant une parade militaire au Caire par des membres de l'armée qui appartiennent à l'organisation du Jihad islamique égyptien, fondée par d'anciens membres des Frères musulmans. Ils s'opposaient à la négociation entamée par Sadate avec Israël ainsi qu'à son usage de la force durant l'opération de septembre. Une fatwa approuvant l'assassinat avait été émise par Omar Abdel Rahman, un imam qui sera par la suite inculpé par les États-Unis pour son rôle dans l'attaque à la bombe du World Trade Center le 26 février 1993. Des règles de retrait des munitions lors de la parade avaient été mises en place afin de parer à tout risque de révolte, mais les officiers chargés de leur application étaient en pèlerinage à La Mecque.
Au passage des avions de combat Mirage, un camion de transport de troupes, simulant une panne, s'arrête devant la tribune présidentielle, le lieutenant Khalid Islambouli en sort, et se dirige vers le président. Sadate se tient debout pour recevoir son salut, lorsqu'Islambouli jette une grenade fumigène, signal de l'assaut. Les conjurés sortent alors du camion, lancent des grenades et tirent à l'aide de fusils d'assaut. Khalid Islambouli fait feu à plusieurs reprises sur le président égyptien, secondé par d'autres assaillants, au cri de « Mort au Pharaon ». Il sera par la suite jugé coupable de cet acte et exécuté en avril 1982. Durant l'assaut de nombreux dignitaires présents sont blessés, parmi lesquels James Tully, alors ministre irlandais de la Défense.
Dans la fusillade qui s'ensuit, sept personnes sont tuées, dont l'ambassadeur de Cuba et un évêque copte orthodoxe, et vingt-huit blessées. Sadate est conduit à l'hôpital, mais il est déclaré mort dans les heures qui suivent. Le vice-président Hosni Moubarak, qui a été blessé à la main durant l'attaque, lui succède. Un nombre record de dignitaires du monde entier se rendent aux funérailles de Sadate, incluant notamment trois anciens présidents américains Gerald Ford, Jimmy Carter et Richard Nixon, mais en l'absence du président en exercice Ronald Reagan pour des raisons de sécurité. A contrario aucun dirigeant arabe ni musulman n'assiste aux obsèques. Contrairement à ce qui s'était produit pour Nasser, en 1970, la cérémonie, très sobre, n'est pas perturbée par un débordement de foule : les autorités ont pris pour mesure radicale de tenir le peuple à l'écart en bouclant les rues proches du monument au soldat inconnu. C'est aux côtés de la dépouille de ce dernier qu'est inhumé Anouar el-Sadate.