Faure Félix
Félix Faure, né le 30 janvier 1841 à Paris et mort le 16 février 1899 dans la même ville, est un homme d'État français. Il est président de la République du 17 janvier 1895 à sa mort. Issu d'une famille modeste, il entame une carrière de tanneur, avant de devenir un riche négociant en cuir. Progressivement, il entre en politique, œuvrant d'abord à l'échelon local, dans la ville du Havre, avant d'être élu député de la Seine-Inférieure à quatre reprises, siégeant parmi les Républicains modérés à la Chambre des députés. Désigné ministre de la Marine par Charles Dupuy en 1894, il est élu, quelques mois plus tard, président de la République grâce à l'appui des monarchistes et des modérés ligués contre la candidature d'Henri Brisson, du centre-gauche. Sa présidence est d'emblée marquée par l'affaire Dreyfus, qui divise la France en deux camps résolument opposés. Les circonstances de sa mort, survenue brutalement au palais de l'Élysée quatre ans seulement après son élection et alors qu'il se trouvait en compagnie de sa maîtresse Marguerite Steinheil, sont passées à la postérité.
Né au 71, rue du Faubourg-Saint-Denis (devenu le no 65) à Paris, François Félix Faure est issu d'une famille rhodanienne de menuisiers et d'ébénistes des communes de Meys et de Saint-Symphorien-sur-Coise, par son père Jean-Marie Faure (1809-1889), comme par la première épouse de celui-ci, sa mère Rose Cuissard (1819-1852). Du remariage de son père, il aura un demi-frère, Constantin Faure, qui sera officier de marine (1860 - disparu en mer, 1884). Il passe les trois premières années de sa vie rue du Faubourg-Saint-Denis, à Paris. En 1844, la famille déménage au faubourg Saint-Antoine, où son père crée une petite fabrique de meubles. Il suit sa scolarité au collège communal de Beauvais (1852-1854), puis à l'école Pompée (1854-1857), internat privé d'Ivry-sur-Seine, où ses résultats sont en nette amélioration. Un lycée de Beauvais porte aujourd'hui son nom. Alors que Félix Faure n'est âgé que de onze ans, sa mère meurt de la tuberculose. Afin de parfaire sa formation, il part deux ans pour l'Angleterre, où il apprend l'anglais et les notions du commerce. Par la suite, engagé dans les chasseurs d'Afrique, Félix Faure envisage une carrière militaire, mais la campagne d'Italie de 1859 l'en dissuade. En 1861, il effectue un stage de 18 mois à la tannerie d'Amboise.
En 1863, Félix Faure est employé dans une maison de peausserie du Havre (Seine-Inférieure). En janvier 1867, devenu négociant en cuir, il fonde sa première société, « Félix Faure et Cie » : il est ainsi l'un des premiers à acheter des cargaisons avant leur accostage en Europe. Lorsqu'il sera élu président de la République, c'est son cousin germain Marius Cremer qui le remplacera à la tête de la société.
Félix Faure est franc-maçon. Sa loge « Aménité » au Havre lui délivre le grade d'apprenti en 1865, puis de maître à partir de 1869. Il y tient des conférences en 1883 et 1885 en compagnie de Paul Doumer, autre futur président de la République (élu en 1931).
Débuts
Premier acte de son engagement en politique, Félix Faure signe avec des opposants à Napoléon III, en 1865, le programme de Nancy en faveur de la décentralisation. Républicain modéré, de plus en plus enraciné au Havre, il fait pour la première fois acte de candidature aux élections municipales des 6 août 1870 et 7 août 1870, en pleine guerre franco-allemande. Benjamin de la « liste démocratique » qui remporte tous les sièges au conseil municipal, Félix Faure est élu au 22e rang. Le 4 septembre 1870, à la suite de la bataille de Sedan, Léon Gambetta prononce la déchéance du Second Empire : la IIIe République est proclamée au balcon de l'hôtel de ville de Paris et un gouvernement provisoire est formé. Le lendemain, sur ordre du préfet, le conseil municipal du Havre est remanié et Félix Faure, ardent défenseur du nouveau régime, devient le 3e premier adjoint, à l'âge de 29 ans. Chargé de la défense de la ville, menacée par les Prussiens, il négocie notamment l'achat d'armes et de munitions, réquisitionne plusieurs milliers de Havrais, supervise l'installation d'une ligne de défense…
À la Chambre des députés
Félix Faure fut élu député de la Seine-Inférieure de 1881 à 1885, de 1885 à 1889, de 1889 à 1893 et enfin de 1893 à 1895.
Au gouvernement
Il est sous-secrétaire d'État aux Colonies dans plusieurs cabinets successifs, puis sous-secrétaire d'État à la Marine et enfin ministre de la Marine. Il publie un atlas statistique sur Les Budgets contemporains : Budgets de la France et des principaux États de l'Europe depuis 1870, Paris, Guillaumin, 1887, 568 p., in-folio, couronné du prix Montyon de statistique l'année suivante.
Président de la République
Le 17 janvier 1895, à la suite de la démission de Jean Casimir-Perier, il est élu président de la République par 430 voix sur 801 votants, soit 54 %, contre 361 voix à Henri Brisson. Le président Faure contribue au rapprochement franco-russe, recevant en 1896 le tsar Nicolas II dans le cadre de l'alliance franco-russe et faisant une visite officielle en Russie en 1897. Il participe à l'expansion coloniale, notamment avec la conquête de Madagascar. Mais les relations avec le Royaume-Uni seront tendues avec la crise de Fachoda. Le mandat présidentiel de Félix Faure est marqué par l'affaire Dreyfus. C'est à lui qu'Émile Zola adresse, le 13 janvier 1898, sa célèbre lettre ouverte « J'accuse… ! ». Félix Faure demeure, par « légalisme commode », hostile à une révision du procès, bien que son journal5 montre que progressivement il est convaincu de l'innocence du capitaine. La presse grinçante le surnomme « Président Soleil » à cause de son goût du faste et de l’élégance vestimentaire. Pendant cinq jours, une foule défile devant le cercueil du président, exposé dans la grande salle des fêtes du palais de l'Élysée. Les obsèques nationales ont lieu le 23 février 1899 à la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Circonstances
Félix Faure meurt au palais de l'Élysée le 16 février 1899, à l'âge de 58 ans. Des quatre présidents de la République française décédés en fonction, il est le seul à être mort dans le palais présidentiel. En 1897, il avait rencontré à Chamonix Marguerite Steinheil, dite « Meg », épouse du peintre Adolphe Steinheil, auquel fut confiée la commande officielle d'une toile monumentale intitulée La remise des décorations par le président de la République aux survivants de la redoute brûlée. De ce fait, Félix Faure se rendit souvent à la villa « Le vert logis », au no 6 de l'impasse Ronsin à Paris, où résidait le couple Steinheil. Marguerite devint rapidement sa maîtresse et le rejoignait régulièrement dans le « salon bleu » du palais de l'Élysée. Le 16 février 1899, Félix Faure téléphona à Marguerite et lui demanda de passer le voir pour 17 heures après son conseil des ministres consacré à l'affaire Dreyfus.
Bien qu'elle fût arrivée, les entretiens du président avec l’archevêque de Paris François-Marie-Benjamin Richard et Albert Ier de Monaco, venus intercéder en faveur du capitaine Dreyfus, se prolongèrent, aussi absorba-t-il probablement une trop forte dose de cantharide officinale, puissant aphrodisiaque mais aux effets secondaires importants (à moins qu'il ne s'agît de l'aphrodisiaque à base de quinine qu'il se faisait apporter par son huissier comme à son habitude, afin de se montrer à la hauteur avec sa maîtresse). Peu de temps après que le couple se fut installé dans le « salon bleu » de l'Élysée (ou le « salon d'argent » selon d'autres versions), le chef du cabinet Le Gall, alerté par des cris, se précipita et découvrit le président sans autre vêtement qu'un gilet de flanelle, râlant, allongé sur un divan et la main crispée dans la chevelure de sa maîtresse, pendant que Marguerite Steinheil déshabillée réajustait ses vêtements en désordre. Félix Faure mourut vers 22 heures d'une congestion cérébrale comme on disait à l'époque.
Selon Pierre Darmon, historien de la médecine né en 1939, il s’agirait d’une légende : Félix Faure présentait des signes de tachycardie. Une rencontre houleuse avec le prince de Monaco (dreyfusard demandant que l'Allemagne se portât caution pour l'innocent capitaine) aurait aggravé l'état du président. Celui-ci aurait ensuite passé quelques minutes avec sa maîtresse avant de défaillir et de rejoindre son bureau. C'est entouré de sa famille et de son médecin qu'il serait mort. Mais la presse aurait surenchéri. Selon Germain Galérant, médecin et membre de la Société internationale d'histoire de la médecine, Félix Faure serait mort d'un accident vasculaire cérébral dont les premiers signes se seraient manifestés plusieurs heures auparavant, et l'historien met la version des ébats mortifères sur le compte de la « mythomanie de Mme Steinheil ».
Causes de la mort
La nouvelle que le président était mort dans les bras de sa maîtresse se répandit rapidement16. Si certains journaux affirmèrent, tel le Journal du Peuple du 18 février, qu'il était mort d'avoir « trop sacrifié à Vénus », c'est-à-dire d'avoir abusé de ses forces durant une relation sexuelle, d'autres, tel La Presse du 22 février, se demandèrent s'il « …n'avait pas été victime des dangers inhérents à sa haute fonction, si pour être plus catégorique, il est bien mort de mort naturelle. ». Ce journal évoquait l'hostilité à son égard provoquée par son attitude dans l'affaire Dreyfus, thèse qui fut reprise par Édouard Drumont dans son journal La Libre Parole, où il affirmait qu'un cachet empoisonné avait été placé par des « dreyfusards » parmi ceux que prenait le président.
Plaisanteries, rumeurs et quolibets
Les circonstances croustillantes du décès prirent rapidement le pas sur la tragédie d'une mort subite (ou d'un simple arrêt cardiaque). La légende rapporta que l'abbé Herzog, curé de la Madeleine, fut mandé par son épouse Berthe Faure pour lui administrer les derniers sacrements mais, sans attendre son arrivée, il fut remplacé par un prêtre de passage devant l'Élysée qui, en demandant à son arrivée : « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? » se serait entendu répondre : « Non, elle est sortie par l'escalier de service ! ». Mme Faure habitant l'Élysée, la maîtresse dut en effet, pour éviter le scandale, s'éclipser tellement vite qu'elle en oublia son corset, vêtement que le chef de cabinet Le Gall a conservé en souvenir. La rumeur populaire colporta que c'était une fellation pratiquée par sa maîtresse qui avait provoqué une épectase, autrement dit un orgasme fatal, ce qui valut à Marguerite Steinheil le surnom de « pompe funèbre ». Les chansonniers de l'époque affirmèrent : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée », ce qui est autant une allusion au goût du président pour le faste qu'à la cause prétendue de sa mort. Cette phrase a été attribuée également à Georges Clemenceau, qui ne l'aimait guère. Ce dernier aurait également déclaré à cette occasion : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui » et « Ça ne fait pas un Français en moins, mais une place à prendre. ».
Obsèques mouvementées
Le président eut droit à des obsèques nationales, célébrées le 23 février 1899. Elles furent marquées par une tentative de coup d'État de la Ligue des patriotes fomenté par Paul Déroulède, qui essaiera en vain de faire prendre d'assaut le palais présidentiel. Félix Faure est inhumé au cimetière du Père-Lachaise à Paris, 4e division. Son gisant en bronze, réalisé par le sculpteur René de Saint-Marceaux, le représente couché sous les plis des drapeaux français et russe, pour rappeler son rôle dans l'alliance franco-russe.
Il épouse, le 18 juillet 1865 à Amboise, Marie-Mathilde Berthe Belluot, de laquelle il aura deux filles :
- Lucie Faure (1866-1913), fondatrice de la Ligue fraternelle des enfants de France, épouse sans postérité de l'écrivain Georges Goyau, membre de l'Académie française (1922). Femme de lettres elle-même, elle publiera un certain nombre d'ouvrages sous le nom de « Lucie Félix-Faure Goyau », notamment une biographie d'Eugénie de Guérin ;
- Antoinette Faure (1871-1950) qui épouse, en 1892, l'ingénieur René Berge (1862-1948), avec qui elle a trois enfants (dont le psychanalyste André Berge, père du mathématicien Claude Berge).
Toutes deux seront amies de jeunesse de Marcel Proust.
- 1870 : élu au conseil municipal du Havre
- 1881 - 1895 : député républicain modéré de la Seine-Inférieure de la circonscription du Havre
- 1881 - 1882 : sous-secrétaire d'État au Commerce et aux Colonies
- 1883 - 1885 : 1888 : sous-secrétaire d'État à la Marine
- 1894 - 1895 : ministre de la Marine
- 17 janvier 1895 - 16 février 1899 : président de la République
- Chevalier de la Légion d'honneur en 1875
- Grand-croix de la Légion d'honneur en 1895 et grand maître de l'ordre de 1895 à 1899 en tant que président de la République
- Chevalier de l'ordre de Saint-André en 1895 - Empire russe
- Chevalier de l'ordre de la Toison d'or en 1898 - Royaume d'Espagne
- Ordre de la Dynastie Chakri en 1897 - Thaïlande