HHhH, entre "je" et "nous"
Avec HHhH, Laurent Riglet parle d'Histoire et interroge l'écriture.
Agrégé de lettres, Laurent Binet a 37 ans. En effectuant son service militaire en Tchécoslovaquie, il rencontre les lieux et la mémoire des deux résistants qui, envoyés par Londres à Prague, avaient pour mission d'exécuter Reinhard Heydrich, le numéro deux de la hiérarchie SS. La mission a été remplie et l'événement eut dans le système nazi un effet de sidération considérable.
L'homme, Heydrich, était en effet un concentré de la mythologie nazie. Par son physique - il était surnommé "la bête blonde" -, qui le faisait incarner le surhomme aryen. Par sa cruauté, qui lui valait l'appellation de "bourreau de Prague". Par son "efficacité" germanique, qui le rendait redoutable à la tête de la Gestapo. Par son sens de l'organisation, enfin, qui le désignait pour être l'homme de Wannsee, le planificateur de la solution finale.
Les deux jeunes hommes parviendront à leurs fins, mais ils en périront. Le récit est conduit de manière originale et maîtrisée. L'auteur alterne le récit historique et des interrogations sur la légitimité de l'écrivain à se mettre "dans la peau" de ses personnages. Cette "modestie", doublée d'un sens de l'humour appliqué aux affres de l'écriture, permet avec virtuosité de passer du "je" contemporain au "nous" de l'histoire, des temps héroïques d'hier aux petites misères d'aujourd'hui.