Hitler en prière dans le ghetto juif, une œuvre qui divise
publié le 18/01/2013 à 22h36 par Maja Zoltowska
Sur la belle avenue Ujazdowskie, au centre de Varsovie, une affiche attire tous les regards. Elle représente la statue d’un garçon à genoux, les mains croisées pour la prière, le regard levé
vers le ciel. La silhouette juvénile contraste avec le visage, qui est celui d’Adolf Hitler. Ce n’est pas la
première fois que l’artiste italien controversé Maurizio Cattelan montre cette statue en cire intitulée Him («lui»). Mais c’est la première fois qu’il l’a installée dans un lieu chargé de
mémoire, au cœur de l’ancien ghetto érigé par les hitlériens en plein Varsovie pour y anéantir toute sa population juive.
Le geste provocateur de l’artiste suscite étonnement et colère. Premier à réagir, le Centre Simon-Wiesenthal de Jérusalem a qualifié le 27 décembre l’installation de la statue «d’utilisation
déplacée de l’art, qui insulte les victimes des nazis», et «de provocation dénuée de sens». «Concernant les Juifs, la seule "prière" d’Hitler était de les voir effacés de la surface de la Terre», a écrit Efraim Zuroff, le directeur du Centre. Le grand
rabbin de Pologne, Michael Schudrich, s’est lui aussi indigné du choix de l’emplacement. L’installation de la statue à quelques pas de la synagogue dénote d’«un manque de sensibilité» envers les
victimes, a-t-il déclaré. Seul un public avisé, ayant vu l’affiche ou visité, au musée d’Art contemporain de Varsovie, l’exposition intitulée «Amen» dont la statue fait partie, sait que le visage
du garçon représente celui du plus grand bourreau du XXe siècle.
Bon nombre de passants, qui traversent la rue Prozna où la statue est donc discrètement exposée derrière une porte cochère, ne réalisent d’ailleurs pas ce dont il s’agit. On voit juste une
silhouette de dos à travers un trou dans la porte. Cette ruelle du cœur de la capitale polonaise est une sorte de musée vivant du ghetto. De grandes photos rappellent le passé juif de la
ville.
Les réactions des visiteurs sont hétérogènes. Les personnes âgées sont profondément choquées. Les jeunes y voient de l’art. «Hitler fut élevé comme beaucoup d’autres enfants, et qu’est-il devenu ? N’est-ce pas un avertissement au monde des adultes
?» se demande Malgorzata Popiolko, étudiante qui a visité l’exposition. «Il n’aurait jamais demandé pardon, dit sa mère. Mais nous, la nation des victimes, nous aurions aimé voir nos bourreaux à
genoux.»