Hussein de Jordanie
Hussein ben Talal (14 novembre 1935 – 7 février 1999) a été roi de Jordanie pendant plus de 46 ans du 11 août 1952 au 7 février 1999. Hussein a su faire de la Jordanie un « îlot de stabilité ». Son règne exceptionnellement long durant la seconde moitié du XXe siècle contraste avec les autres dirigeants dans une région marquée par les guerres (guerre des Six Jours, guerre du Kippour, guerre civile libanaise, guerre Iran-Irak, guerre du Koweït, guerre civile yéménite de 1994, les coups d'État (Salah Jedid, Hafez el-Assad au Liban, Abdul Karim Qasim, Abdel Salam Aref, Ahmad Hassan al-Bakr en Irak, etc.) et assassinats politiques (Salah al-Din al-Bitar, Anouar el-Sadate, Bachir Gemayel, René Moawad, Yitzhak Rabin, etc.).
Hussein est né le 14 novembre 1935 à Amman, c'est le troisième souverain hachémite à avoir régné sur la Jordanie. La famille Hachémite prétend descendre du prophète de l'islam Mahomet. Élevé à Amman, son grand-père le roi Abdallah Ier l'envoie étudier au collège Victoria d'Alexandrie en Égypte avant de l'envoyer en Angleterre au collège d'Harrow et à l'école militaire de Sandhurst. Cependant il fait de nombreux retours dans son pays natal pour apprendre la manière de gouverner. Le 20 juillet 1951, son grand-père, le roi Abdallah Ier se fait assassiner sous ses yeux à Jérusalem par Mustapĥa Ashu, âgé de 21 ans, de deux balles dans la poitrine et une dans la tête, et ce, sur ordre probable de Hadj Amin al-Husseini via le colonel El Tell. Cet assassinat est lié à l'annexion de la Cisjordanie par Abdallah Ier lors de la première guerre israélo-arabe.
À l'âge de seize ans, il devient donc l'héritier du trône. Le 11 août 1952, poussé par le Parlement qui ne le considère pas à la hauteur, son père, le roi Talal, abdique officiellement pour raisons de santé (il souffrait de schizophrénie). Il monte sur le trône le 11 août 1952, après l'abdication de son père. Dans l'attente de sa majorité un conseil de régence est institué. C'est son oncle maternel, Chérif Nasser ben Djemil qui prend la présidence de ce conseil. Le début de son règne paraît dans un premier temps difficile. En effet, bien qu'il soit parfaitement accepté par les autorités occidentales, notamment grâce à son interdiction en 1953 du parti politique communiste (créé en 1951), il semble que son propre peuple remette en cause sa légitimité à cause de l'influence des différents mouvements panarabes et de la propagande nassérienne qui s'oppose à l'occident. Le Parlement jordanien forme rapidement une opposition. La famille Hachémite semble alors trop en accord avec la politique britannique, ce qui va à l'encontre des idées des Palestiniens jordaniens, qui ne veulent plus de la tutelle des Occidentaux, et principalement des Britanniques.
Dans les années 1950, la carrière politique du roi Hussein prend une tournure totalement différente. Il rejette l'influence occidentale et l'alliance avec la Grande-Bretagne après la crise du canal de Suez en 1956 durant laquelle il se rapproche de l’Égypte de Nasser. Il se voit ainsi obligé d'accepter un gouvernement nationaliste progressiste pour ainsi disposer du soutien d'un Parlement élu en octobre 1957. Mais en avril 1957, il dissout le parlement et instaure un régime autoritaire pour asseoir son autorité et limiter l'emprise des radicaux. Le 25 avril, la loi martiale est décrétée, et la constitution mise en place en 1952, qui affirmait que « le Royaume hachémite de Jordanie est un souverain indépendant et son système de gouvernement est parlementaire avec une monarchie héréditaire » et qui mettait en place la répartition des différents pouvoirs sur le territoire jordanien est suspendue.
Devant les instabilités externes, le roi Hussein fait appel aux Américains, pour notamment faire face à la menace Syrienne dans le nord de le Jordanie. En 1958 la République arabe unie (RAU) est créée entre les deux grandes menaces de la Jordanie : l’Égypte de Nasser, et la Syrie de Shukri al-Kuwatli. Ainsi, pour faire face à ces pays, Hussein va essayer de trouver de l'aide et du soutien auprès de son cousin hachémite, Fayçal II, qui est à la tête de l'Irak. Ensemble, ils mettent en place la Fédération arabe d'Irak et de Jordanie pour contrer une éventuelle attaque de la RAU. Mais en juillet 1958, la révolution en Irak mené par Abdul Karim Qasim met fin au règne de Fayçal II qui est exécuté ainsi que toute sa famille. Hussein décide alors de nouveau faire appel aux États-Unis, et parvient à sauver la Monarchie de son pays.
Il parvient alors à garder une certaine stabilité, jusqu'en 1960, où il s'oppose de nouveau à Nasser, qui lui demande de l'aide pour la guerre civile yéménite opposant les républicains pro-nassériens aux royalistes pro-saoudiens. Néanmoins, malgré les tensions entre les deux gouverneurs, leurs relations tendues ne s'arrêtent qu'à de petites provocations notamment lors du premier sommet arabe au Caire le 13 janvier 1964. La même année, Hussein décide de faire alliance avec les Palestiniens et est l'un des précurseurs de l'OLP, l’Organisation de la Libération de la Palestine en 1964. Mais l'OLP tente de s'établir en Cisjordanie. Hussein l'interdit alors dans tout son royaume. Le 30 mai 1967, l’Égypte et la Jordanie signent un commun accord de défense. Hussein est alors contraint de s'engager sous la pression de sa population avec la Syrie, l'Irak et l’Égypte, dans la guerre des Six Jours, contre Israël entre le 5 et le 10 juin 1967. Les pertes sont importantes pour la Jordanie et lors de ce conflit, il perd Jérusalem-Est et la Cisjordanie désormais occupés par Israël.
À la fin des années 1960, le Fatah, faction de l'OLP, a installé en Jordanie un véritable « État dans l'État » : nombre sans cesse croissant de postes de contrôle tenus par les fedayins, des impôts perçus, le refus des Palestiniens de voyager avec des plaques minéralogiques jordaniennes sur leurs véhicules, etc. L’OLP organise des détournements d’avions. Très rapidement, le Mouvement national palestinien va s’opposer rapidement au gouvernement jordanien qui est prêt à reconnaitre Israël. Les régions de Jordanie où les Palestiniens rejettent en masse l'autorité du roi Hussein se multiplient. De ces zones palestiniennes, l'OLP effectue des raids et des attaques terroristes contre le reste du territoire jordanien et contre Israël. C'est l'époque où Yasser Arafat appelle ouvertement au renversement de la monarchie hachémite en s’appuyant sur le fait que 75 % des habitants de la Jordanie étaient alors Palestiniens à un degré ou à un autre. Le roi Hussein cherche désespérément un compromis avec l'OLP pour calmer le jeu. Ces tentatives de médiations sont rejetées en bloc par Arafat.
Absorbé par sa lutte de palais avec Arafat, Hussein cherche également un compromis et la paix avec Israël. C'est le « plan Rogers » qui prévoit la fin des opérations militaires jordaniennes contre l'État hébreu, et la paix également entre l'Égypte et Israël. Le Fatah et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habache considèrent ce plan comme une trahison de la cause palestinienne. En 1970, le VIIe Congrès national palestinien déclare que tout état arabe qui ne soutienne pas l’OLP serait déclaré comme traitre et pourrait être renversé. Au début de l'année 1970, le roi Hussein décide de réduire l'influence d'Arafat et des fedayins en Jordanie. Les choses vont alors s'envenimer et les événements s'accélérer.
Le 1er septembre 1970, le roi Hussein échappe à un attentat palestinien. Le 6 septembre, le FPLP détourne en même temps quatre avions de ligne : une tentative échoue (le détournement du vol d'El Al Amsterdam-New York par un groupe mené par Leïla Khaled), mais les trois autres avions se posent sur l'ancienne base aérienne Dawson à Zarka. Ce détournement est connu le nom de Dawson's Field hijackings. Georges Habache déclare : « Tout ce que nous voulons, c'est combattre Israël et rien d'autre. Mais le régime jordanien considère que notre seule présence dans le pays représente pour lui un danger (...) Pour nous, le roi Hussein est un dirigeant réactionnaire, chef d'un État réactionnaire et donc un obstacle. Et pour réussir notre révolution, nous devons supprimer cet obstacle ». Le 10 septembre, l'armée jordanienne prend d'assaut l'hôtel où sont retenus 125 femmes et enfants occidentaux en otages et les libère.
Le 12 septembre 1970, sur Dawson Field, où sont retenus des otages juifs et israéliens, les pirates de l'air du FPLP font exploser les trois avions vides devant la presse internationale. C'est l'événement qui met le feu aux poudres, et Hussein ne peut plus reculer. Le 16 septembre, il décrète la loi martiale. Le 17 septembre 1970, l'armée jordanienne intervient massivement contre les fedayins, et l'artillerie commence à bombarder les camps de réfugiés et les bâtiments qui abritent les organisations palestiniennes. Au bout de dix jours de pilonnages, les camps sont rasés et les organisations palestiniennes doivent trouver refuge au Liban et même en Israël, certains des fedayins de Yasser Arafat préfèrent traverser la frontière israélienne pour ne pas se faire massacrer par les soldats Jordaniens.
La Syrie envoie alors des blindés à la frontière afin de venir en aide aux Palestiniens, mais Hussein sollicite l'aide des États-Unis et de quiconque prêt à empêcher la Syrie d'intervenir. Israël répond à l'aide des Jordaniens en envoyant des avions simuler des attaques contre les chars syriens. L'armée syrienne fait demi-tour, abandonnant les troupes d'Arafat à leur sort. Le 27 septembre 1970, le président égyptien Nasser parvient à faire cesser les hostilités entre la Jordanie et l'OLP. Les estimations du nombre de victimes palestiniennes oscillent entre 3 500 (source jordanienne) et 10 000 morts et plus de 110 000 blessés (source palestinienne). L'implantation en masse de combattants palestiniens au Liban, pays politiquement fragile, a été l'un des facteurs déclenchant de la guerre du Liban.
Le 15 mars 1972, il déclare vouloir un État rassemblant les deux rives du Jourdain pour les Palestiniens. Il présente ce qu'on appellera le « plan Hussein » : il veut que ce soit la Cisjordanie qui serve de territoire palestinien autonome et formant un état fédéral avec la Jordanie. Hussein obtient le soutien des États-Unis, mais pas des Israéliens qui doivent leurs rendre la région pour que le plan prenne forme, ainsi que la désapprobation de l'OLP, et des États Arabes, qui pensent qu'il veut rétablir une autorité Hachémite sur la Cisjordanie qui ne lui appartient plus. Durant la guerre du Kippour en 1973 (ou troisième guerre israélo-arabe), Hussein va rester à l'écart des combats ce qui lui a valu des reproches de l’Égypte, de la Syrie et de l'OLP.
Du 26 au 29 octobre 1974, lors du sommet de Rabat, le roi Hussein reconnaît l'OLP comme « l’unique représentant légitime du peuple palestinien », ce qui les amène à des relations plus ou moins correctes. De plus, il s'accorde avec tous les chefs d’État arabes pour le refus de la signature d'un traité de paix entre l’Égypte et Israël. Pour continuer d'améliorer ses relations avec l'OLP, il les autorise à revenir à Amman, et reçoit même Yasser Arafat en juin 1980, dans son pays. Néanmoins, Hussein ne renonce toujours pas à récupérer la Cisjordanie, et devant le refus de négociations des États arabes et des Palestiniens, ainsi que des soulèvements de plus en plus nombreux des Palestiniens, des réunions secrètes sont organisées et tout liens, que ce soit au niveau économique ou politique, avec les territoires occupés sont rompus. Néanmoins en 1983, en accord avec l'OLP, il tente de faire une Fédération jordano-palestinienne. Mais le 31 juillet 1988, devant l'échec de son projet, il finit par renoncer totalement à la Cisjordanie, qui était annexé depuis le règne de son grand-père, Abdallah Ier (premier roi de Jordanie).
Lors de la guerre du Koweït, qui oppose l'Irak de Saddam Hussein et 34 états coalisés et soutenus par l'ONU (Organisation des Nations unies) entre 1990 et 1991, le roi Hussein se positionne en faveur de l'Irak et de Saddam Hussein qui prononce un discours panarabiste, ce qui provoque la colère des États-Unis et des monarchies du Golfe. Mais contrairement aux pays extérieurs, la population palestinienne semble apprécier ce choix, ce qui le rend de plus en plus populaire au sein de son pays. Malgré tout, il arrive quand même à devenir l'un des principaux interlocuteurs dans les conférences visant la paix dans la région. Après les accords d'Oslo (signés à Washington, le 13 septembre 1993) qui posent les premières pierres quant à la résolution du conflit israélo-palestinien, le roi Hachémite se range du côté des États-Unis et signe un traité de paix avec Israël le 26 octobre 1994. L'année d'après, il cesse toutes sortes de négociations et d'associations avec l'Irak, et laisse la surveillance de ce pays aux États-Unis par l'intermédiaire son propre territoire.
Mais atteint d'un cancer, il se fait régulièrement hospitaliser aux États-Unis, tout en continuant à jouer un rôle important sur la scène politique, notamment dans les accords de Wye Plantation le 23 octobre 1998 entre les Israéliens et les Palestiniens. Ces accords ont pour but de retirer l'occupation des Israéliens de 13 % du territoire de la Cisjordanie. Mais ces accords sont gelés puis abandonnés deux ans plus tard. Le roi Hussein meurt des suites de sa maladie le 7 février 1999, laissant son fils Abdallah II monter sur le trône.
Ainsi, malgré ses nombreux changements de position et les différentes crises, autant intérieure que venant de l’extérieure, le roi Hussein de Jordanie a su ramener la paix dans son territoire, et une certaine stabilité. La dynastie Hachémite est ainsi complètement ancrée et installée en Jordanie. Son fils, le roi Abdallah II est aujourd'hui encore à la tête du royaume. Il est considéré comme le père de la Jordanie moderne, en ayant mené son peuple vers la paix et vers une certaine stabilité autant interne qu'externe. À sa mort, son fils devient le roi Abdullah II. Le roi Hussein de Jordanie s'est marié quatre fois :
1) le 18 avril 1955 à Sharifa Dina Abdul-Hamid (devenue la reine Dina), née en Égypte le 18 avril 1929 ; ils ont eu une fille avant leur divorce en 1957 :
- la princesse Alia (née le 13 février 1956)
2) le 25 mai 1961 à Antoinette Avril Gardiner (dite Toni Gardiner), Britannique née le 25 avril 1941, devenue la princesse Mouna après leur divorce en 1971. Ils ont eu deux fils et deux filles :
- le roi Abdallah II (né le 30 janvier 1962), qui dirige actuellement le pays,
- le prince Fayçal (né le 11 octobre 1963)
- les princesses jumelles Aisha et Zein (nées le 23 avril 1968)
3) le 24 décembre 1972 à Alia Baha ed-Din Toukan (dite la reine Alia), née en Égypte le 25 décembre 1948, elle était jordanienne d'origine palestinienne, et est décédée dans un accident d'hélicoptère le 9 février 1977. Ils ont eu une fille et un fils :
- la princesse Haya (née le 3 mai 1974) qui a épousé le prince héritier de Dubaï, Mohammed ben Rached al-Maktoum.
- le prince Ali (né le 23 décembre 1975), marié à la journaliste algérienne de CNN, Rym Brahimi.
4) le 15 juin 1978 à Lisa Najeeb Halaby (devenue la reine Noor), née aux États-Unis le 23 août 1951. Ils ont eu deux fils et deux filles:
- le prince Hamzah (né le 29 mars 1980), marié avec la princesse Noor al-Hamza, il a été le prince héritier de Jordanie de 1999 à 2009.
- le prince Hashim (né le 10 juin 1981).
- la princesse Iman (née le 24 avril 1983)
- la princesse Raiyah (née le 9 février 1986)
De ses quatre épouses, le roi Hussein a eu onze enfants (six filles et cinq garçons).