La prison dorée de Stroessner

Publié le par Le Point par Annie Gasnier

Renversé par une révolution de palais en 1989, chassé du pays qu'il avait mis en coupe réglée trente-cinq années durant, Alfredo Stroessner n'a pas revu son Paraguay natal depuis qu'il en a été banni, voilà neuf ans. Ce vieillard aux yeux bleus, qu'au pays des Indiens Guaranis on appelait « le grand blond », vit en exil au Brésil. Retraite forcée dans une prison dorée : Alfredo Stroessner habite une vaste maison d'un quartier chic de Brasilia, la capitale.

La prison dorée de Stroessner

Sa femme préférant demeurer à Miami, le caudillo, âgé de 85 ans et miné par un cancer de la peau, traîne son pathétique ennui en compagnie de son fils et de deux gardes du corps paraguayens qui l'escortent jusqu'à la boulangerie ou l'accompagnent lors de ses promenades quotidiennes au bord du lac Paranoa. Parfois, on voit l'ancien maître du Paraguay distribuer quelques miettes de pain aux oiseaux.

Réduit au silence total par son statut d'exilé politique, l'homme qui avait envoyé, en tout, 350 000 Paraguayens en prison (1 habitant sur 10) suit l'évolution politique de son pays. Puisant dans son immense fortune, estimée à 1 milliard de dollars, il consacre de grosses sommes pour soutenir son candidat et ami Luis Maria Argaña. Fidèle, l'ex-président de la Cour suprême est le seul homme politique paraguayen qui consulte encore le vieil homme.

Leader des « stroessnérites », Argaña n'a pourtant pas gagné l'investiture du parti Colorado (colonne vertébrale de la société paraguayenne depuis des décennies), ce qui en aurait fait le candidat favori pour la présidentielle du 10 mai. Celui qui s'est imposé est au contraire l'ennemi juré de Stroessner, cet homme qui l'a humilié un beau matin, une grenade à la main, un revolver dans l'autre, pour le déposséder du pouvoir : le général Lino OviedoAlfredo Stroessner n'a sans doute pas misé sur le bon cheval.

Publié dans Articles de Presse

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