La société israélienne ne sait pas ce qu'elle veut
Le Point publié le 16/02/2001 à 18:03 par Mireille Duteil
Le Point : Votre visite à Paris est-elle surtout politique ou économique ? Rafic Hariri : Politique avant
tout. L'important est de parvenir à un consensus entre la France et le Liban sur la situation régionale et le processus de paix au Proche-Orient. Depuis l'élection d'Ariel Sharon, tout le monde
réétudie la situation dans la région. Romano Prodi, le président de la Commission européenne, que je viens de recevoir, nous a dit qu'il fallait donner sa chance au gouvernement israélien. Mais
aussi qu'il fallait reprendre les négociations avec les Palestiniens là où elles étaient restées.
Le Point : L'arrivée de Sharon ne va-t-elle pas relancer la tension au Sud-Liban ? Rafic Hariri : Je ne le crois pas. Les Libanais ne fourniront aucun prétexte aux Israéliens
pour raviver la tension. On connaît le passé de Sharon, mais on ne sait pas ce qu'il fera dans l'avenir. On va être patient, consulter nos amis, répéter que nous sommes pour la paix et
l'application de la loi internationale.
Le Point : Certains voient un risque de guerre régionale avec l'arrivée de Sharon. Rafic Hariri : Les Arabes ne veulent pas la guerre ! Ce sont les gens faibles qui disent qu'il
faut utiliser la force. Ceux qui parlent de paix le font parce qu'ils ont confiance en eux. Les Arabes ont changé : ils ont plus confiance en eux-mêmes. Quand ils disent qu'ils veulent la paix,
c'est un choix stratégique.
Le Point : Et Israël ? Rafic Hariri : La société israélienne ne sait pas ce qu'elle veut. Elle veut la sécurité, la stabilité, mais elle ne comprend pas ce qu'est la paix. Il n'y
aura pas de paix si elle n'est pas liée à la justice, au respect de la loi internationale. On ne peut faire la paix avec quelqu'un si on lui prend sa maison.
Le Point : Etes-vous inquiet de l'arrivée concomitante de Sharon et d'une nouvelle administration américaine ?
Rafic Hariri : J'ai reçu une lettre de Colin Powell annonçant sa tournée au Proche-Orient. Ni Sharon ni George Bush ne sont des inconnus. Je ne vais pas juger le président américain sur son passé
dans l'administration américaine, mais sur sa position à propos de la région. Elle est très bien.
Le Point : Vous avez déclaré que la présence syrienne est « nécessaire, légitime et temporaire ». Ce temporaire, jusqu'à quand ? Rafic Hariri : Dans l'immédiat, nous avons besoin
de l'armée syrienne. Quand nous n'en aurons plus besoin, nous en discuterons tranquillement avec elle. Le Liban ne prendra aucun risque tant qu'il aura un problème avec Israël. Les Syriens jouent
un rôle utile dans la stabilité du pays. Au sud, la résistance [NDLR : le Hezbollah] est toujours là. La présence syrienne permet de garder un équilibre entre tous.
Le Point : Vous avez connu la présidence de Hafez el-Assad et celle de son fils, Bachar. Les deux hommes ont-ils la même vision du Liban ? Rafic Hariri : Leur politique est la
même, si leur style est différent. Bachar a les qualités d'un homme jeune, énergique, qui veut moderniser son pays.
Le Point : Le Liban abrite 370 000 réfugiés palestiniens. Comptez-vous les intégrer ? Rafic Hariri : Non. Ils doivent partir. Peu m'importe où ils vont. C'est un problème entre
Israéliens et Palestiniens, pas le nôtre.