Le système Baylet - Ses adversaires

Publié le par L'Express par Jacques Molénat

Des affaires embarrassantes

Evelyne Baylet en 1991

Evelyne Baylet en 1991

L'épisode a duré plus d'une décennie. En 1988, Dany Malet, née Baylet, entre en guerre contre sa mère, son frère cadet Jean-Michel et sa jeune soeur Martine. Elle ne supporte pas d'être écartée de la direction de La Dépêche et exige, devant les tribunaux, le partage de la succession, jusqu'alors en indivision. Elle obtient sa part d'héritage, 22% des actions. Mais elle s'estime lésée, demande les comptes de La Dépêche, réclame même en justice que son frère soit remplacé par? un administrateur judiciaire. Des demandes dont elle est déboutée en 1997 par le tribunal de commerce de Toulouse. Le 13 mars 2003, Dany, Jean-Michel, Marie-France et Evelyne-Jean Baylet ont été réunis par la cour d'appel de Toulouse pour s'entendre condamner, ensemble, pour abus de biens sociaux, à des peines d'emprisonnement avec sursis. Dans les années 1990, sur les deniers de La Dépêche, les membres de la famille s'étaient offert moult avantages: femmes de ménage, secrétaires personnelles, voyages, location d'appartements, foie gras, alcools. Sa mise en examen avait empêché la nomination de Jean-Michel Baylet dans le gouvernement de Lionel Jospin en 1997.

Jean-Christophe Tortora

De ce jeune homme entreprenant, proche de Dominique Baudis, Jean-Michel Baylet avait fait, en 2001, le directeur des relations extérieures du Groupe La Dépêche. Parallèlement, les magazines qu'il avait fondés et regroupés dans Hima Media entraient dans le giron de La Dépêche. En mai 2005, Marie-France Baylet ayant découvert, selon ses dires, un projet d'interview de Dominique Baudis - "Le plus grand adversaire de La Dépêche" - elle destitue illico Tortora de la présidence d'Hima Media et prend sa place. Les tribunaux sont saisis du conflit. Tortora, lui, a entrepris la rédaction d'un libelle vengeur: "Ils m'ont volé mon entreprise." (Lire le droit de réponse de La Dépêche du Midi.)

Claude Llabres

Ce fils de résistants espagnols fut chargé de la culture dans la maison Baudis après avoir été un communiste refondateur. Il n'a pas supporté que, le 26 juin 1997, célébrant le cinquantenaire de sa reparution, La Dépêche affirme avoir enduré sous Vichy "les pires souffrances, un véritable martyre". Une allusion à l'assassinat de son directeur, Maurice Sarraut, par des hommes de la Milice et, en 1944, l'enfermement de Jean Baylet au camp de Neuengamme. Il rédige La Dépêche du Midi et René Bousquet: un demi-siècle de silence (Fayard, 2001). Dans ce livre, il fustige, exemples à l'appui, la soumission du quotidien toulousain à la censure allemande et rappelle l'étrange participation, de 1960 à 1971, de René Bousquet, ancien chef de la police de Vichy devenu un proche d'Evelyne Baylet, au conseil d'administration de La Dépêche.

Serge Didier

En 1988, cet avocat, adjoint UMP à la mairie de Toulouse et proche de Dominique Baudis, rachète L'Opinion indépendante, un petit hebdomadaire d'annonces légales, et en fait une affaire prospère. Il assure que Jean-Michel Baylet l'a convoqué pour lui annoncer: "Je veux entrer dans votre journal." "J'ai refusé." Depuis, L'Opinion est en guerre contre "l'hégémonie" de La Dépêche, qui, en retour, qualifie l'agaçant hebdo de "pétainiste".

Brigitte Barèges

Leurs relations commencèrent dans l'euphorie. Elue maire UMP de Montauban, après trois décennies de domination socialiste, cette pétulante sarkozyste tint à remercier Jean-Michel Baylet pour le traitement équilibré de la campagne municipale par La Dépêche. Aujourd'hui, elle s'estime "matraquée" par le quotidien et "financièrement asphyxiée" par le conseil général. Du coup, sourde aux conseils de circonspection de ses amis parisiens, elle mène au "système Baylet" une guerre totale jusque sur le front picrocholin, mais sensible, du protocole.

Jacques Briat

Entre lui et Baylet, c'est la haine. En 1993, cet ancien pharmacien a enlevé à Jean-Michel Baylet son fief de la 2e circonscription, l'a perdu en 1995 et l'a retrouvé en 2002. L'année précédente, il fut à deux doigts - 32 voix - d'emporter la mairie de Valence-d'Agen. La Dépêche ne parle jamais de ce député UMP. Il s'en est fait une raison: "Si, aujourd'hui, j'apparaissais dans le journal de Baylet, cela signifierait mon ralliement au système." Il est l'auteur d'une proposition de loi, cosignée par une vingtaine de députés de droite, qui, au nom de l'égalité des candidats, veut rendre inéligible tout patron de presse.

Jean-Claude Héral

Il était premier secrétaire de la fédération socialiste de Tarn-et-Garonne et conseiller régional. Il est aujourd'hui chef d'entreprise dans l'alimentation animale et vice-président du Medef départemental. Lors des élections régionales de 1998, il entra en conflit avec Jean-Michel Baylet, qui avait laissé entendre qu'il mènerait la liste de gauche en Tarn-et-Garonne avant de laisser cette place à Jacques Bousquet, aujourd'hui maire PRG de Valence. Furieux, Héral se dressa contre cette "OPA" et entra dans l'arène avec une liste dissidente, qui n'obtint que 4,5% des suffrages. Depuis, Héral assimile La Dépêche à la Pravda et fustige en Baylet un "chef de tribu": "Si l'on n'en fait pas partie, on n'a pas le droit d'être candidat."

François Bonhomme

En 2001, le fils de Jean Bonhomme, ancien député maire gaulliste de Caussade et vieil adversaire des Baylet, enlève le siège de conseiller général de Caussade qu'occupa son père et reprend illico le flambeau de la lutte anti-Baylet. Inlassablement, le jeune élu UMP fouine dans les comptes et les marchés du conseil général. De ses explorations il rapporte quelques anomalies de taille. Des frais de restaurant selon lui faramineux. Ou l'attribution toujours à la même entreprise de Montauban du service des transports scolaires, qu'il demande au tribunal administratif d'annuler pour favoritisme. Jean-Michel Baylet l'ayant traité de "crétin", il a obtenu la condamnation pour injure du président du conseil général. La Dépêche n'en a pas soufflé mot.

Alain Paga

Face à Goliath, il est David. Depuis 1985, cet ancien boucher de Montauban fabrique de bric et de broc Le Petit Journal de Tarn-et-Garonne, un hebdomadaire devenu quotidien en 2002. Sa recette: faits divers, communiqués, tribune ouverte aux opposants de Baylet. Son équipe: lui, Laurent, son fils de 31 ans, et une secrétaire. Au-delà du Tarn-et-Garonne, Le Petit Journal a pris pied dans six départements voisins. Au démarrage, des émissaires du patron de La Dépêche lui avaient, dit-il, transmis une avantageuse proposition de rachat. Sa réponse: "Je ne suis pas à vendre."

Jean-Marie Colombani

En voulant prendre possession de La Dépêche du Midi, le patron du Monde s'est cassé les dents. C'était en 1998, Colombani avait approché avec succès Dany Malet, la sour de Jean-Michel Baylet, et Lucien Caujolle, petit-fils de Maurice Sarraut, détenteurs à eux deux de 40% des actions. Mais Baylet a bloqué la manoeuvre et en a profité pour restructurer à son avantage le capital du groupe, avec le concours de Jean-Luc Lagardère et de Pierre Fabre, l'industriel pharmaceutique de Castres. Colombani a de nouveau échoué face à La Dépêche en arrêtant, le 26 juin 2002, à son 82e numéro, l'hebdomadaire Tout Toulouse, que Le Monde avait lancé en association avec Midi libre.

Dominique Baudis

L'ancien maire UDF de Toulouse et le patron de La Dépêche ne se parlent plus que par avocats interposés. Dans son livre Face à la calomnie (Fixot), il a accusé La Dépêche de l'avoir mis en cause dans "une série d'articles terrifiants"... En tête des "manipulateurs" de l'affaire Alègre, il place Jean-Michel Baylet et son épouse. Des "attaques extravagantes", tempête Jean-Michel Baylet, qui a répliqué en déposant deux plaintes en diffamation. Baudis a été relaxé en première instance et en appel.

Publié dans Articles de Presse

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