Mère Elisabeth de l'Eucharistie

Publié le par Roger Cousin

JournalLa Croix publié le 09/04/1998 par Patricia Marie

Elisabeth de l'EucharistieC'était un Vendredi saint. Le vendredi 30 mars 1945, au camp de Ravensbruck. Ce jour-là, Mère Elisabeth de l'Eucharistie a accompli son destin : la « mère de tout le monde », comme la surnommaient ses codétenues, est partie, volontairement, pour la chambre à gaz, plusieurs jeunes filles terrifiées littéralement accrochées à elle.

Elle venait de répondre présent à un autre numéro matricule que le sien, sauvant la vie d'une de ses compagnes de misère. Répondre présent, jusqu'au bout du calvaire, avec « le sourire aux lèvres et la croix au coeur », selon sa devise... Elle ne souriait sans doute pas, Elisabeth, mais elle est pourtant allée jusqu'au bout d'elle-même, au bout d'une logique d'amour, d'une compassion plus forte que la peur de la mort, à la suite de Celui qui lui avait tout appris et qu'elle rejoignait, à cet instant, au coeur du Mystère : « Je m'appelle Rivet, disait-elle, et je reste rivée à mon Seigneur. »

Pour l'état-civil, elle était, en effet, Elise Rivet, née en 1890. Plus tard, « Betty » fut son nom de code dans les réseaux de résistance. Au centre, il y avait Elisabeth de l'Eucharistie, entrée au couvent des Augustines de Lyon à l'âge de 22 ans et qui y avait prononcé ses voeux perpétuels trois ans plus tard.

En 1933, elle devenait la supérieure générale du refuge Notre-Dame de la Compassion, lieu d'accueil et de réinsertion de jeunes filles « en danger », implanté par sa congrégation sur la colline de Fourvière. Pour ses pensionnaires comme pour les autres religieuses, elle y était ressentie comme une véritable mère, énergique, courageuse et, surtout, toujours miséricordieuse.

Une mère qui, quelques années plus tard, dès qu'elle comprit la réalité des persécutions contre les juifs, organisa un réseau de sauvetage d'enfants. L'un d'eux, un nouveau-né, fut même, admirable symbole, couché dans une crèche vivante, un soir de Noël, dans l'attente de l'arrivée de la famille lyonnaise qui, prévenue par ses soins, allait le cacher, afin de le soustraire à la barbarie des hommes.

En 1943, entrée en contact avec le colonel Chambonnet et d'autres membres de l'Armée secrète, elle transformait un petit local de son monastère, à Fourvière, en cache d'armes pour les MUR (Mouvements unis de la Résistance). En mars 1944, elle était dénoncée et arrêtée par la Gestapo.

Comme les autres, elle fut envoyée en voyage vers l'enfer. Une seule fois, ses tortionnaires eurent l'illusion d'avoir réussi à la briser, après l'avoir dépouillée de ses habits religieux et l'avoir vue anéantie par cette perte. Mais cela ne dura pas : l'âme était bien plus forte que le corps.

Comme elle l'avait été au couvent, puis pour les enfants injustement pourchassés, Elisabeth de l'Eucharistie fut, pour tous les jours qui lui restaient à vivre, une mère aimante, calme, à l'écoute de tous. Dans sa miséricorde tellement plus grande que le mal, elle sut être, pour celles qui l'entouraient, un indestructible îlot de sérénité et d'espérance.


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