Alexandre Millerand, né à Paris le 10 février 1859 et mort à Versailles le 7 avril 1943, est un homme d'État français, président de la République de 1920 à 1924. D'abord de tendance socialiste, il évolue à droite au fur et à mesure de son parcours politique. Il est le premier socialiste (quoique indépendant) à entrer dans un gouvernement français.
Né à Paris le 10 février 1859, Alexandre Millerand est le fils de Jean François Millerand (3 décembre 1826 à Gentilly – 1897 à Paris), négociant en drap installé dans le quartier du Sentier, originaire de la Haute-Saône (de Roche-sur-Vanon, aujourd'hui Roche-et-Raucourt), et de Mélanie Caen (née en 1835). Il épouse le 26 octobre 1898 à la mairie du 9e arrondissement de Paris, Jeanne Levayer, fille d'un marchand de bois de la Sarthe et belle-fille de Jehan de Bouteiller, président du conseil municipal de Paris. Ils auront quatre enfants :
- Jean (1899 – 1972), industriel, marié à Andrée Lebert, fille d'Albert Lebert (1877 – 1957), banquier, directeur général de la Société de construction des Batignolles, commandeur de la Légion d'honneur ;
- Alice (1902 – 1980), resta célibataire ;
- Jacques (1904 – 1979), avocat, puis magistrat, marié à Miquette Lazard, fille de Christian Lazard, associé de la Banque Lazard, et petit-fils d'Ernest May ;
- Marthe (1909 – 1975), mariée à Jean-Paul Alfassa, docteur en droit, petit-fils d'Eugène d'Eichthal.
Licencié en droit, il s'inscrit au barreau de Paris en 1881 et devient un avocat d'affaires important. Il défend les révolutionnaires se réclamant de Narodnaïa Volia, 27 membres de l'organisation terroriste ont comparu devant la cour de justice, le 5 juillet 1890, en correctionnelle, à Paris ; certains d'entre eux, défendus par Alexandre Millerand, ont été condamnés à trois ans de prison. Il entame parallèlement une carrière de journaliste — il collabore notamment au journal de Georges Clemenceau, La Justice — et une carrière d'homme politique. Il devient franc-maçon le 21 mai 1883 en adhérant à la loge L'Amitié du Grand Orient de France. Lors des élection législatives de 1885, âgé de 26 ans, il est élu député dans le département de la Seine. Il siège à l'extrême gauche. Il est réélu sans interruption jusqu'à son accession à la présidence de la République. Il fait signer les « décrets Millerand » qui réglementent et réduisent le temps de travail tout en garantissant un temps de repos hebdomadaire. Il préconise en 1892 la nationalisation de toutes les mines.
Encouragés par leurs scores électoraux de 1892 et 1893, les divers courants socialistes envisagent « une première tentative de programme commun. » Le 30 mai 1893, à l'occasion des élections municipales, les maires socialistes français sont conviés à un grand banquet à la Porte Dorée. Millerand y prononce son discours dit de Saint-Mandé, où il développe un programme minimum autour de plusieurs thèmes : outre « la substitution nécessaire et progressive de la propriété sociale à la propriété capitaliste », Millerand souligne que seul le suffrage universel permet la conquête des pouvoirs publics : à ses yeux, « il s'agit donc d'intégrer le parti socialiste au jeu parlementaire. » Par ailleurs, il n'oppose pas nécessairement l'internationalisme au patriotisme. Il accepte une place dans le gouvernement « bourgeois » de Pierre Waldeck-Rousseau en 1899, situation inédite pour un socialiste sous la Troisième République. Cette entrée au gouvernement, en pleine affaire Dreyfus, aux côtés du général de Galliffet, suscite la désapprobation de nombreux socialistes, dont Jules Guesde et Rosa Luxemburg. Jaurès, ainsi que le radical Clemenceau, le soutiennent toutefois.
Il affirme son patriotisme en créant en 1914 la Fédération des gauches (avec les députés favorables à la loi Briand des Trois ans) puis la Ligue républicaine nationale. Il entre au ministère de la Guerre tout d'abord dans le premier gouvernement Poincaré (de janvier 1912 à janvier 1913), puis y est à nouveau nommé dans le second gouvernement Viviani (26 août 1914 - 29 octobre 1915). Intermédiaire entre le Grand Quartier général du général Joffre et son gouvernement dans les débuts de la Première Guerre mondiale, il ne fait en fait qu'exprimer la volonté du commandant en chef durant tout son mandat, estimant que son rôle doit se contenir à assurer la satisfaction du généralissime, et non à lui donner des ordres. Fortement critiqué pour cette attitude au Parlement, et jusqu'au sein même du conseil des ministres, il est rapidement considéré comme la principale faiblesse du gouvernement. Il n'est pas reconduit à la chute de Viviani. Sa carrière politique culmine en 1920, d'abord avec sa nomination comme président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, puis par son élection à la présidence de la République le 23 septembre, après la démission de Paul Deschanel dont il assura d'abord l'intérim à la tête du gouvernement (du 21 au 23 septembre 1920).
Alexandre Millerand, qui était le président du Conseil de Paul Deschanel, lui succède le 23 septembre 1920 en obtenant de l'Assemblée nationale (le Sénat et la Chambre des députés réunis) 695 suffrages sur 892 voix. Il connaît des relations difficiles avec les présidents du Conseil en raison de son intention d'appliquer la Constitution à la lettre et qui de fait donne une importance réelle au chef de l'État ; il se heurte au refus du président du Conseil, Raymond Poincaré, de soumettre une réforme de la Constitution en 1923. Mais c'est avec le président du Conseil Aristide Briand que les relations sont les plus difficiles car Briand voulait tendre la main à l'Allemagne alors que Millerand était pour une politique de fermeté, au sujet des réparations notamment. Millerand s'engage dans la politique intérieure notamment dans son discours d'Évreux en 1923, dans lequel il témoigne son attachement à la majorité sortante. Le Cartel des gauches, qui gagne les élections législatives françaises de 1924, le lui reproche et demande sa démission.
Dans un premier temps, Millerand refuse car rien ne l'y oblige ; par provocation, il charge même un modéré, ministre des Finances du gouvernement Poincaré, Frédéric François-Marsal, de former le nouveau gouvernement. La Chambre des députés lui refuse sa confiance. Alexandre Millerand présente sa démission dans une lettre aux deux Chambres en ces termes : « Monsieur le Président [du Sénat], j'ai l'honneur de vous présenter ma démission de Président de la République. » Georges Clemenceau en a brossé ce portrait : « Il a l'air idiot, mais méchant (…) une tête carrée, fermée à tout, des yeux de myope, et pourtant il a des lueurs de bon sens ». En avril 1925, il est élu sénateur dans le département de la Seine. En janvier 1927, il est battu par Pierre Laval. Il fait son retour au Sénat comme représentant de l'Orne en octobre 1927, à la suite du décès de Leneveu, ayant été élu avec 536 voix sur 845 exprimés au premier tour de scrutin. Il reste sénateur jusqu'à sa mort. Le 10 juillet 1940, âgé et affaibli, il ne prend pas part au vote des pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Il meurt à son domicile, rue Mansart à Versailles, le 7 avril 1943.
Mandats et fonctions
Président de la République
- 23 septembre 1920 - 11 juin 1924 : président de la République française
Fonctions ministérielles
- Ministre du Commerce, de l'Industrie et des Postes et Télégraphes dans le gouvernement Pierre Waldeck-Rousseau du 22 juin 1899 au 7 juin 1902
- Ministre des Travaux publics et des Postes et Télégraphes dans le gouvernement Aristide Briand (1) du 24 juillet 1909 au 3 novembre 1910
- Ministre de la Guerre dans le gouvernement Raymond Poincaré (1) du 14 janvier 1912 au 12 janvier 1913
- Ministre de la Guerre dans le gouvernement René Viviani (2) du 26 août 1914 au 29 octobre 1915
- Président du Conseil, gouvernement Alexandre Millerand (1) du 20 janvier 1920 au 18 février 1920
- Président du Conseil, gouvernement Alexandre Millerand (2) du 18 février 1920 au 24 septembre 1920
Mandats parlementaires
- 1885 – 1919 : député pour le département de la Seine
- 1925 – 1927 : sénateur pour le département de la Seine
- 1927 – 1943 : sénateur pour le département de l'Orne