Mort de Richard Holbrooke

Publié le par Rodney42

JournalLe Point publié le 14/12/2010 à 07:13 par Arshad Mohammed et Missy Ryan avec JoAnne Allen, Henri-Pierre André pour le service français

WASHINGTON (Reuters) - Le diplomate Richard Holbrooke, artisan de la paix en Bosnie en 1995 et émissaire de Barack Obama pour l'Afghanistan et le Pakistan, est mort lundi à Washington à l'âge de 69 ans.

Holbrooke Richard"Michelle et moi sommes profondément attristés par le décès de Richard Holbrooke, un véritable géant de la politique étrangère américaine qui a rendu l'Amérique plus forte, plus sûre et plus respectée", a déclaré Barack Obama, rendant un vibrant hommage à cette figure parmi les plus connues de la diplomatie américaine des cinquante dernières années.

"Il était une personnalité véritablement unique dont on se souviendra pour sa diplomatie infatigable, son amour du pays et sa recherche de la paix", a-t-il ajouté dans un communiqué. Hospitalisé en urgence vendredi à Washington à la suite d'un malaise au département d'Etat, Holbrooke avait été opéré samedi d'une déchirure de l'aorte.

"Ce soir l'Amérique a perdu l'un de ses champions les plus acharnés et l'un de ses fonctionnaires les plus dévoués", a réagi la secrétaire américaine d'Etat, Hillary Clinton, saluant "son intelligence et sa détermination sans égale". L'hebdomadaire Time l'avait naguère présenté comme "le tacticien le plus coriace de la diplomatie américaine", "le diplomate de la dernière chance". En janvier 2009, dès le début de sa présidence, Barack Obama l'avait nommé au poste d'émissaire pour le dossier brûlant de l'Afghanistan et du Pakistan, l'"AfPak".

Un "Bulldozer" de la diplomatie

Richard Holbrooke était surtout le maître d'oeuvre des accords de Dayton, en novembre 1995, qui avaient mis fin à 43 mois de guerre en Bosnie et lui avaient valu dans les Balkans la réputation de "bulldozer" ou de "Raging Bull" de la diplomatie. Trois semaines durant, ce négociateur acharné avait réuni sur une base de l'armée de l'air dans l'Ohio les présidents serbe Slobodan Milosevic, bosniaque Alija Izetbegovic et croate Franjo Tudjman.

A ceux qui lui reprochaient sa proximité avec Milosevic, mort en détention en 2006 au Tribunal pénal international de La Haye pour l'ex-Yougoslavie où il était jugé pour génocide, Holbrooke répondait n'avoir aucun scrupule à négocier avec des interlocuteurs "dont les actes sont immoraux".

"Si on peut éviter que des vivants meurent, ce n'est pas faire du tort à ceux qui ont été tués que d'agir ainsi. Et je n'ai par conséquent aucune excuse à présenter pour avoir négocié avec Milosevic et des interlocuteurs pires encore", avait-il expliqué à la BBC. Au cours de sa longue carrière entamée à la fin des années 1960, Holbrooke avait également été ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne et auprès des Nations unies.

"Énergique mais abrasif"

Né le 24 avril 1941 à New York, diplômé en 1962 de la Brown University, entré très vite après ses études au département d'Etat, Holbrooke avait été à sept reprises en lice pour le prix Nobel de la paix. En 1996, un an après le succès diplomatique de Dayton qu'il relate dans un livre - "To End a war" -, il avait rompu avec la diplomatie, rejoignant l'état-major de la CS First Boston, une banque d'investissement. Mais les difficultés d'application de l'accord de paix en Bosnie et les prémisses de la guerre au Kosovo l'avait rapidement fait revenir dans l'administration de Bill Clinton, qui l'avait nommé en 1999 ambassadeur aux Nations unies.

L'élection de George W. Bush l'avait écarté un temps de la diplomatie américaine. Conseiller d'Hillary Clinton lors de la primaire démocrate, il avait accepté de devenir en janvier 2009 l'émissaire d'Obama pour l'Afghanistan et le Pakistan. Il présentait cette dernière mission comme "la plus difficile de (sa) carrière", dont il est difficile aussi d'évaluer le bilan.

S'il avait su développer une relation de travail étroite avec le président pakistanais Asif Ali Zardari et le chef d'état-major de l'armée pakistanaise, le général Ashfaq Kayani, le contact passait moins bien avec le président afghan Hamid Karzaï, dont la réélection l'an dernier a été entachée d'accusations de fraudes.

Pour Teresita Schaffer, ancienne ambassadrice américaine, Holbrooke aura eu "un impact mitigé pour ce qui concerne les relations avec l'Afghanistan et le Pakistan, énergique mais aussi abrasif", commente-t-elle. Sa disparition ne devrait pas avoir de lourdes conséquences sur la stratégie américaine dans la région, estiment des analystes qui soulignent qu'avec 100.000 soldats déployés sur le terrain, le rôle des militaires du Pentagone en Afghanistan a éclipsé celui des diplomates du département d'Etat.

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