Solidor Suzy
Suzy Solidor, de son vrai nom Suzanne Marion, est une chanteuse, actrice et romancière française, née le 18 décembre 1900 à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) et morte le 31 mars 1983 à Cagnes-sur-Mer. Celle que l'on nomma « la Madone des matelots », fut une figure emblématique des années 1930. Symbole de la garçonne des « Années folles », elle a contribué à populariser auprès du grand public le milieu lesbien parisien, célébrant par l'interprétation de plusieurs chansons les amours saphiques (par exemple : Ouvre, ou Obsession).
Suzy Solidor naît de père inconnu à Saint-Servan-sur-Mer (commune aujourd'hui rattachée à Saint-Malo) dans le quartier de la Pie. Sa mère, Louise Marie Adeline Marion, âgée de près de trente ans, est alors domestique de Robert Henri Surcouf, avocat, député de Saint-Malo et armateur, descendant de la famille du célèbre corsaire (selon Suzy Solidor, le député serait son père biologique). Pour échapper à sa condition de fille-mère, Louise Marion épouse le 10 septembre 1907 Eugène Prudent Rocher qui reconnaît la petite Suzanne, alors âgée de sept ans. Celle-ci prend dès lors le nom de Suzanne Rocher. La famille s'installe dans le quartier de Solidor à Saint-Servan, qui inspirera plus tard son nom de scène à Suzy. Elle est alors la voisine de Louis Duchesne, chemin de la Corderie, sur la cité d'Aleth.
Elle apprend à conduire en 1916 et passe son permis l'année suivante, ce qui à l'époque était exceptionnel pour une femme. Peu avant l'armistice de 1918, promue chauffeur des états-majors, elle conduit des ambulances sur le front de l'Oise, puis de l'Aisne. Après la guerre, elle s'installe à Paris. C'est à cette époque qu'elle rencontre Yvonne de Bremond d'Ars, la célèbre et très mondaine antiquaire, qui sera sa compagne pendant onze ans. « Ce fut Bremond d'Ars qui la première lança Solidor en tant qu’œuvre d'art et qui la présenta au public comme image / icône (...) Elle m'a sculptée , déclara Solidor ». Après leur séparation en 1931, Suzy Solidor aura plusieurs liaisons avec des femmes. On lui prête une aventure amoureuse avec l'aviateur Jean Mermoz qui fera réaliser d'elle un portrait par Paul Colin...
Elle se tourne vers la chanson en 1929, et prendra peu après le pseudonyme sous lequel elle est connue. Elle fait ses débuts à Deauville, au cabaret Le Brummel. Son répertoire se compose essentiellement de chansons de marins et d’œuvres plus sensuelles, équivoques et audacieuses. Sa voix grave, quasi masculine (« une voix qui part du sexe » selon Jean Cocteau), son physique androgyne, ses cheveux blonds et sa frange au carré marquent les esprits. Surnommée « l'Amiral », icône de la chanson maritime, elle se produit en 1933 avec succès à L'Européen puis ouvre rue Sainte-Anne « La Vie parisienne », un cabaret « chic et cher », lieu de rencontres homosexuelles, où chante entre autres le jeune Charles Trenet.
Sa réputation lui vaut d'apparaître en 1936 dans l'adaptation cinématographique du roman sulfureux de Victor Margueritte, La Garçonne. Elle devient parallèlement l'égérie des photographes des magazines de mode et des peintres, sa silhouette sculpturale inspirant plus de 200 d'entre eux, parmi lesquels Jean-Denis Maillart, Raoul Dufy, Maurice de Vlaminck, Yves Brayer, Francis Picabia, Man Ray, Jean-Gabriel Domergue, Jean-Dominique Van Caulaert, Kees van Dongen, Arthur Greuell, Foujita, Suzanne Van Damme, Marie Laurencin, Francis Bacon et Jean Cocteau. Son portrait le plus célèbre est réalisé par Tamara de Lempicka en 1935. Celle qui fut la chanteuse la plus croquée du siècle disait d'elle-même avec humour : « Je suis plus à peindre qu'à blâmer ».
Durant l’Occupation, son cabaret La Vie Parisienne, rouvre en septembre 1940, et est fréquenté par de nombreux officiers allemands. Suzy Solidor ajoute à son répertoire une adaptation française de Lili Marleen, une chanson allemande adoptée par les soldats de la Wehrmacht (avant de l'être par les armées alliées), qu'elle interprète de façon régulière à la radio. Ses activités (selon André Halimi, « elle mériterait un brevet d'endurance pour l'inlassable activité qu'elle mena pendant l'Occupation, car elle passe d'un cabaret à l'autre, d'une radio à l'autre, d'un music-hall à l'autre ») lui valent d'être traduite à la Libération devant la commission d'épuration des milieux artistiques, qui lui inflige un simple blâme mais lui impose une interdiction de 5 ans d’exercer. Elle cède alors la direction de son cabaret à la chanteuse Colette Mars, qui y avait fait ses débuts, et part chanter aux États-Unis.
De retour à Paris, elle ouvre en février 1954 le cabaret « Chez Suzy Solidor », rue Balzac (près des Champs-Élysées) qu'elle dirige jusqu'au début de 1960 avant de se retirer sur la Côte d'Azur. Elle s'installe à Cagnes-sur-Mer où elle inaugure la même année un nouveau cabaret, « Chez Suzy », décoré de 224 de ses portraits. Elle s'y produit jusqu’en 1967 avant de prendre la direction d'un magasin d'antiquités, place du château du Haut de Cagnes. En septembre 1973, elle offre à la ville de Cagnes-sur-Mer une quarantaine de ses portraits, qui figurent aujourd'hui parmi les œuvres remarquables du musée-château Grimaldi dans le Haut de Cagnes. Elle meurt le 31 mars 1983 et est enterrée à Cagnes-sur-Mer.
- Escale (1935) de Jean Dalray
- La Garçonne (1936) de Jean de Limur, d'après le roman-éponyme de Victor Margueritte
- La Femme du bout du monde (1937) de Jean Epstein
- Ceux du ciel (1941) d'Yvan Noé
- Dans un port (Suzy Solidor)
- C'est à Hambourg
- Je t'espère
- La Fille des bars
- Ohé capitaine
- La Brume sur le quai
- Le Matelot de Bordeaux
- Une fille dans chaque port
- Le Bateau espagnol (Léo Ferré)
- Tout comme un homme
- Comme une feuille au vent
- Obsession, 1933 (Edmond Haraucourt - Laurent Rualten)
- La Belle Croisière, 1934
- Une femme, 1934
- Ouvre, 1934 (Edmond Haraucourt - Laurent Rualten)
- La Maison des marins, 1934
- Les Filles de Saint-Malo, 1934
- La Fille des bars, 1934
- La Belle Escale, 1935
- Le Doux Caboulot, 1935
- Si l'on gardait, 1935
- La Belle d'Ouessant, 1935
- Mon légionnaire, 1936
- Sous tes doigts, 1936
- La Tonnelle des amoureux, 1936
- Hawaï nous appelle, 1936
- La Java du clair de lune, 1936
- La Chanson de la belle pirate, 1936
- Nuit tropicale, 1937
- Mon secret, 1938
- Johnny Palmer, 1938
- Si j'étais une cigarette, 1938
- Escale, 1938
- La danseuse est créole, 1938 (Jacques Plante - Louiguy)
- On danse sur le port, 1939
- J'écrirai, 1939 (Suzy Solidor)
- Mon cœur est triste sans amour, 1940
- Je ne veux qu'une nuit, 1941
- Lily Marlène, 1942
- La Jolie Julie, 1942
- À quoi songes-tu ?, 1943
- Le Soldat de marine, 1943
- Trois lettres de toi, 1943
- Le Petit Rat, 1947
- Un air d'accordéon, 1947
- Un refrain chantait, 1947
- Amours banales, 1947
- L'amour commande, 1948
- Saïgon, 1948
- Congo, 1948
- Nature boy, 1948
- L'Inconnue de Londres, 1948 (Léo Ferré)
- Soir de septembre, 1948
- J'aime l'accordéon, 1949
- Casablanca, 1949
- Valsez, Laurence, 1950
- La Foule, 1951
- Brasileira, 1951
- Judas, 1952
- La Brume, 1952
- Danse de la corde, 1952
- La Dame qui chante, 1952
- Si le Rhône rencontrait la Seine, 1952
- Amor y mas amor, 1952
- 1937 : L'Opéra de quat'sous de Bertolt Brecht, adaptation française de André Mauprey et Ninon Tallon, mise en scène de Raymond Rouleau et Francesco von Mendelssohn, théâtre de l'Étoile : Jenny-la-Paille
- 1951 : L'École des hommes de Jean-Pierre Giraudoux, théâtre Michel - pièce écrite pour elle, où elle incarne une artiste peintre qui n'aime pas les hommes.
- Térésine, éditions de France, Paris, 1939 (220 p.)
- Fil d'or, éditions de France, Paris, 1940 (217 p.) - roman dédié « à ceux du large et à ceux du bled, à tous ceux des avant-postes, à ceux qui tiennent les portes de l'Empire... »
- Le Fortuné de l'Amphitrite, éditions de France, Paris, 1941 (213 p.)
- La vie commence au large, éditions du Sablon, Bruxelles-Paris, 1944 (242 p.)