Un avocat aux trousses des complices des nazis
pubié le 13/02/2001 à 22:51 par par Pascal Riche
Michael Hausfeld représente cinq survivants qui poursuivent IBM.
Michael Hausfeld, 54 ans, ressemble à tous les avocats de Washington. Tiré à quatre épingles, le ventre plat, dégarni mais
légèrement bronzé, la bouche ronde et un peu pincée, la voix douce, une gestuelle des mains d'une précision millimétrique... Mais, de temps en temps, sa voix devient plus aiguë, et une légère
rougeur gagne ses joues. Car Michael Hausfeld ne s'occupe pas seulement de procès de consommateurs contre Firestone ou Microsoft. Depuis vingt ans, il traque tous ceux qui ont aidé les nazis à
faire tourner leurs camps, où une grande partie de sa famille a disparu. Plus ces complices sont gros et respectables, plus Hausfeld est déterminé.
Fichage. Il part aujourd'hui en guerre contre IBM. Hier, chez Cohen, Milstein, Hausfeld & Toll, un cabinet spécialisé dans les class actions (actions en justice collectives), il présentait la
plainte introduite vendredi par cinq victimes de l'Holocauste contre la compagnie informatique. Comme l'historien Black, avec lequel il a échangé des informations, Hausfeld accuse la compagnie
d'avoir aidé les nazis à ficher les victimes des camps: «Sans l'aide d'IBM, Hitler n'aurait jamais identifié et
arrêté avec autant d'efficacité les juifs, pour en faire des esclaves ou pour les exterminer.» Les documents qu'il a trouvés, malgré le refus d'IBM de lui ouvrir ses archives, tendent à montrer
que la firme n'a jamais vraiment coupé les liens avec sa filiale allemande, même après 1942. A un journaliste qui lui demande si un document démontre que la direction d'IBM «savait», Hausfeld
s'énerve: «Non, je n'ai pas de document de la direction d'IBM se félicitant d'avoir fait passer la cadence de 2 000 à 6 000 juifs par heure. [...] Mais un peu de bon sens. Un technicien qui
s'occupe de la maintenance d'une machine dans un camp ne va-t-il pas rapporter ce qu'il a vu à son entreprise? Des millions de cartes ont été vendues, cela ne pouvait passer inaperçu!»
C'est en 1980 que Michael Hausfeld a commencé à s'attaquer aux complices du régime nazi, lorsqu'il a réussi à coincer le Croate Andrija Artukovic, ancien ministre de l'Intérieur de Yougoslavie («le Himmler des Balkans»): ce dernier avait
imprudemment décidé de passer sa retraite en Californie.
Liste. Hausfeld a, par la suite, conduit l'offensive contre les principales banques suisses qui avaient aidé les nazis à recycler l'or volé aux juifs (elles ont dû verser 1,25 milliard de
dollars). Il était aussi l'un des principaux avocats du procès qui a conduit à la création par l'Allemagne d'un fonds de 5 milliards pour indemniser les travailleurs forcés. Il y a deux ans, il a
commencé l'examen des archives du Trésor des Etats-Unis, pour déterminer quelles entreprises avaient tiré profit des atrocités nazies. Ford et General Motors, qui ont fourni des véhicules à
l'armée allemande, ont été ses deux premières cibles. IBM est la troisième. Quel sera le suivant? «Notre liste compte encore une centaine de noms», répond-il.