Un Coûteaux bien saignant
Comment la France a-t-elle pu abdiquer devant l'impérialisme américain? Paul-Marie Coûteaux l'explique. Comment devrait-elle résister? On attend la réponse.
Traité de savoir disparaître de Paul-Marie Coûteaux
Dans la guerre des civilisations, l'imparfait du subjonctif est un obus de 75, et la grammaire une automitrailleuse. Paul-Marie Coûteaux l'a bien compris, qui combat par le verbe le monde dont il ne veut pas. Dans son Traité de savoir disparaître à l'usage d'une vieille génération, il ne se contente donc pas de moucher les soixante-huitards, en un écho à Raoul Vaneigem. Coûteaux, c'est Fabrice à Waterloo cherchant la vérité dans trente années de ruine - un déclin français. Le curriculum de l'auteur trahit ses convictions: collaborateur de Jean-Pierre Chevènement puis de Philippe Séguin, il sert la nation avant tout autre maître. «L'internationalisme, c'est la guerre», lance-t-il ainsi pour contredire François Mitterrand et proclamer les vertus de l'Etat, de la tradition et de la République, autant de chefs-d'oeuvre en péril.
Gaullo-gaullien, gaullomane, Paul-Marie Coûteaux ne fait pas de quartier: de Pompidou à Chirac, de Giscard à Madelin, de Mendès France à Balladur, tous sont complices du meurtre à petit feu du Général, tous sont coupables de l'abdication française, tous sont, en fait, esclaves des Etats-Unis. Car Coûteaux, pour détourner la boutade antibritannique de l'amiral Darlan, n'est pas américanophobe, mais américanophage. Résister à cet impérialisme, telle est la mission des patriotes d'aujourd'hui.
L'auteur, son nom l'indique, a un style tranchant. Il a aussi de belles fulgurances, substituant au clivage droite-gauche une opposition républicains-démocrates, dressant en un choc de titans de Gaulle le souverain contre Napoléon l'empereur, retraçant trois siècles de querelle des anciens et des modernes en cycles trentenaires, métronome pour l'histoire de France. Mais, syndrome séguiniste, Coûteaux ne sait ajouter à son brillant diagnostic la moindre solution. Sa pensée est forte et stérile, chaconne, de véhémence et d'amertume mêlées, digne d'une aristocratie fin de race. L'espoir de l'abîme, la tragédie comme thérapeutique et une inquiétante faim d'apocalypse ne valent rien pour l'avenir. Coûteaux est si tourné vers hier qu'il mérite le titre de «rétrophète», tribun nous annonçant l'avènement du passé, avec, en guise de postillons pour sa harangue, quelques inexactitudes historiques et une bruine de mauvaise foi. Pourtant, il ne réclame pas une restauration, mais une révolution. Que ne la fait-il pas.
Traité de savoir disparaître à l'usage d'une vieille génération, par Paul-Marie Coûteaux. Michalon, 203 p., 90 F.