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Paul Celan, à l'origine Paul Pessach Antschel (en allemand) ou Ancel (en roumain), né le 23 novembre 1920 à Cernăuți (à l'époque en Roumanie) et mort le 20 avril 1970 à Paris, est un poète et traducteur roumain de langue allemande, naturalisé français en 1955. Son nom d'écrivain est la métathèse de son patronyme roumain. Auteur d'une œuvre absolument novatrice, il est souvent considéré comme le plus grand poète de langue allemande de l'après-guerre.
Il est le fils unique d'une famille juive de Cernăuți, en Bucovine, région aujourd'hui située en Ukraine, mais qui durant l'entre-deux-guerres faisait partie de la Roumanie (voir la page Grande Roumanie historique). Du XVIIIe siècle à 1918, la Bucovine avait été une province de l’empire des Habsbourgs d'Autriche. La population de Cernăuți, comme celle des autres grandes villes de la région, se composait d'environ 30 % de Roumains (orthodoxes), 30 % d’Ukrainiens (catholiques ou orthodoxes) et 30 % de Juifs ashkénazes (recensement de 1911). En août 1940, en application du pacte germano-soviétique d'août 1939, les troupes soviétiques entrent en Bucovine et occupent Cernăuți. En 1941, à la suite de l'attaque allemande contre l'URSS, les Roumains récupèrent le nord de la Bucovine, entre les fleuves Dniestr et Prut, qui inclut Cernăuți. Après la Seconde Guerre mondiale, la partie nord de la Bucovine est annexée par l’URSS et se trouve de nos jours en Ukraine.
Les parents de Paul, Leo Antschel-Teitler et Friederike, née Schrager, sont des germanophones, qui parlent allemand en famille. À partir de six ans, il est élève d'une école élémentaire de langue allemande puis est envoyé à l'école juive Safah Ivriah (Langue hébraïque). Après sa Bar Mitsvah en 1933, il rejoint un groupe de jeunesse antifasciste, qui publie un magazine marxiste l'Étudiant rouge. Mais il est moins attiré par Karl Marx que par des auteurs libertaires comme Pierre Kropotkine et Gustav Landauer. Il étudie ensuite la médecine en 1938 en France, puis rentre en Roumanie pour étudier la littérature de langue romane à l’université de Cernăuți.
En 1942, ses parents sont envoyés dans un camp d’internement nazi en Transnistrie. Son père y meurt du typhus et sa mère y aurait été exécutée d'une balle dans la nuque. En 1943, Paul est envoyé dans un camp de travail forcé en Moldavie et est libéré par l'Armée rouge en 1944. Installé à Bucarest comme traducteur et éditeur, il adopte successivement les pseudonymes de Paul Aurel, Paul Ancel, et finalement Paul Celan.
En 1947, il quitte la Roumanie pour Vienne en Autriche et y publie son premier livre Le sable des urnes (Der Sand aus den Urnen). Il s’installe ensuite à Paris, où il exerce la fonction de lecteur d'allemand et de traducteur à l'École normale supérieure. En 1952, il épouse Gisèle de Lestrange, qu'il avait rencontrée en 1951 et à qui il écrira plus de 700 lettres en 19 ans. Cette correspondance a été publiée en 2001 grâce à l'aide de son fils Éric. Une autre correspondance importante, celle qu'il entretint avec sa "femme aimée", Ingeborg Bachmann, a été publiée en août 2008 par l'éditeur Suhrkamp sous le titre Herzzeit (Le temps du cœur). En 1960, Paul Celan reçoit le Prix Georg-Büchner, et prononce pour l'occasion un magnifique discours Le Méridien où il présente à travers une lecture du théâtre de Büchner ce que sont pour lui l'art et la poésie.
À partir de 1965, il est interné à plusieurs reprises dans des hôpitaux psychiatriques6, où il écrit quelques textes en hébreu. En 1967, il se rend à Todtnauberg pour rencontrer Martin Heidegger duquel il attend une parole pour les Juifs exterminés, parole que le philosophe ne prononcera pas. Ce silence lui inspire le poème Todtnauberg. En 1968, il rejoint André du Bouchet, Jacques Dupin, Yves Bonnefoy, Michel Leiris et Louis-René des Forêts au comité de rédaction de la revue L'Éphémère. En octobre 1969, il se rend en Israël et y donne plusieurs conférences.
Dans la nuit du 19 au 20 avril 1970, Paul Celan se jette dans la Seine, probablement du pont Mirabeau. On ne trouvera son corps que le 1er mai suivant, dix kilomètres en aval, à Courbevoie. Henri Michaux lui rend hommage dans une « Méditation sur la fin de Paul Celan », poème intitulé « Le jour, les jours, la fin des jours » qui se termine ainsi : « Partir. / De toute façon partir. / Le long couteau du flot de l'eau arrêtera la parole. » Il est inhumé dans la 31e division du Cimetière parisien de Thiais. La mort de ses parents dans les camps nazis et son propre passage dans un camp de travail l'ont profondément marqué. À la fois témoin et victime du nazisme, il contredit la célèbre formule d’Adorno, philosophe post-marxiste, en 1955, selon laquelle « Écrire un poème après Auschwitz est barbare…».
Niemand
zeugt für den
Zeugen.
(Personne ne témoigne pour le témoin.).
Ses premiers poèmes, publiés dans différents périodiques, datent de 1940, mais son second livre, Mohn und Gedächtnis (Pavot et mémoire, 1952) assoit sa réputation de poète de l'Holocauste, d'abord en Allemagne, puis dans le monde entier. Son poème le plus connu, Todesfuge (Fugue de la mort) a pour thème le sort des Juifs dans les camps d'extermination. Il reçoit le prix de littérature de Brême, et considère avec ses amis poètes René Char, Edmond Jabès et Nelly Sachs, que le langage doit se libérer de l'Histoire, et doit être utilisé avec des mots qui répondent au silence imposé sur la situation terrible qu'il a vécue. Ses vers deviennent alors de plus en plus cryptés, fracturés et monosyllabiques, se comparant en cela à la musique de Webern.
Toute la poétique de Celan tient dans son impératif, à la fois moral et esthétique, de créer ce qu'il appelait une "contre-langue", qui consistait en une mise en accusation implacable et définitive de la langue et de la culture allemandes dont la Shoah était l'aboutissement. L'accusation de plagiat de l'œuvre d’Yvan Goll lancée par l'épouse de celui-ci, Claire Goll, le conduit à la dépression nerveuse. Claire Goll a ensuite entretenu une campagne de diffamation contre Paul Celan tout au long de sa vie. Il a traduit en effet des poèmes de Yvan Goll, ainsi que des textes de Jean Cocteau, Henri Michaux, Ossip Mandelstam, Giuseppe Ungaretti, Fernando Pessoa, Arthur Rimbaud, Paul Valéry, René Char, Emil Cioran, André du Bouchet, Jean Bazaine et Jacques Dupin. Toute son œuvre se rattache, par la forme, à la tradition de la poésie hermétique et symbolique moderne, en particulier à Baudelaire et Rilke.
A déjà été publiée, en allemand et en français, en partie ou totalité, la correspondance avec :