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Revue de presse de l'Histoire - La Seconde guerre mondiale le cinéma les acteurs et les actrices de l'époque - les périodes de conflits mondiales viètnamm corée indochine algérie, journalistes, et acteurs des médias

Leçons de ténèbres

Leçons de ténèbresDans les dernières années de la guerre, le général de Lattre me confia la mission de franchir coûte que coûte les "murailles de l'enfer". Cette instruction avait un sens précis : le commandement américain invoquait des considérations "sanitaires" pour interdire l'irruption dite "précipitée" dans les camps de concentration.

"Le roi Jean", dont la vaillance était réhaussée par un coeur généreux, jugeait sévèrement cet excès de prudence ; il ne reconnaissait à personne le droit de retarder, fût-ce d'une seconde, la vraie délivrance des survivants. L'uniforme rayé qui m'accueillit à l'entrée du camp de Dachau fut celui d'Edmond Michelet, mon ami d'avant le grand drame. Je venais de tomber dans ses bras quand ses premières paroles me firent frémir : "Tu vas voir, tu vas pleurer, mais tu ne comprendras pas. Pour comprendre, il faut avoir été ici avec la mort." Depuis lors, j'ai toujours hésité à parler de la déportation : ma crainte est de m'arroger un privilège dont les seuls détenteurs devraient être ceux qui ont échappé par miracle aux fours crématoires, à la pendaison ou au typhus. Cependant - après avoir tenté pendant une nuit entière de faire entendre à chaque mourant qu'il était un vainqueur, puis avoir participé à la première messe d'action de grâces - j'ai été, pendant des années, tourmenté par une obsession trouver parmi les bourreaux un homme, un seul, gagné par le repentir. Faute de l'avoir rencontré, je l'ai inventé. Ainsi naquit le héros imaginaire de mon premier roman que j'ai toujours considéré comme une offrande à ceux et à celles qui ont le plus cruellement souffert pour le rétablissement de notre dignité; Le propre de ces volontaires est d'avoir fait la guerre sans y être contraints par aucune loi humaine et de l'avoir détestée, tout en livrant un combat sans merci pour eux-mêmes.

Les concours scolaires nous montrent que ceux qui sont nés plus d'un quart de siècle après la victoire ont compris le sens profond de cette haute et terrible aventure, librement poursuivie au nom de la liberté. Sur ce seul point, Edmond Michelet s'était trompé. Cinquant ans après, il serait le premier à se féliciter que le sacrifice de ses compagnons soit à tout jamais gravé dans la mémoire de la France.
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