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Revue de presse de l'Histoire - La Seconde guerre mondiale le cinéma les acteurs et les actrices de l'époque - les périodes de conflits mondiales viètnamm corée indochine algérie, journalistes, et acteurs des médias

A la mémoire du commandant Honoré d’Estienne d’Orves, fusillé il y a 70 ans

A la mémoire du commandant Honoré d’Estienne d’Orves, fusillé il y a 70 ans

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les hommes et les femmes ayant fait preuve de courage, de détermination et d’abnégation ne manquèrent pas. Et le commandant Honoré d’Estienne d’Orves en fit partie.

A la mémoire du commandant Honoré d’Estienne d’Orves, fusillé il y a 70 ans

Issu de la noblesse provençale, catholique fervent aux sympathies monarchistes, homme attaché à la terre de ses ancêtes tout en étant avide d’horizons lointains et d’apprendre des autres cultures, Honoré d’Estienne d’Orves est né le 5 juin 1901 à Verrières-le-Buisson, dans l’Essonne. Après une jeunesse privilégiée mais exigeante et ses études au lycée Saint-Louis de Gonzague, puis à celui de Louis Le Grand, il est admis à l’Ecole Polytechnique en 1921. Deux ans plus tard, il choisit de servir au sein de la Marine et intègre l’Ecole navale. A l’issue de ce que l’on appelle aujourd’hui son stage d’application à bord du croiseur-école « Jeanne d’Arc », il est affecté au cuirassé Provence, avec les galons d’enseigne de vaisseau.

Promu lieutenant de vaisseau en 1930, il se voit décerner la Légion d’Honneur en 1935, juste avant de suivre les cours de l’Ecole de guerre navale. Il apprend la débâcle française de mai-juin 1940 et l’armistice alors qu’il sert au sein de l’état-major de la Force X, sous les ordres de l’amiral Godfroy, à bord du croiseur lourd Duquesne.

Malgré l’affaire de Mers el-Kebir, au cours de laquelle les Britanniques, soucieux de voir des unités de la Royale tomber dans les mains allemandes, bombardent une escadre française alors au mouillage dans ce port alégérien (près de 1.300 marins français tués), le lieutenant d’Estienne d’Orves choisit de continuer le combat à Londres, au sein des Forces françaises libres, qui se constituent autour du général de Gaulle.

Après avoir faussé compagnie à son unité et accompli un long périple le long des côtes africaines, commencé à Aden à bord du cargo armé Jeehangier, l’officier arrive à Londres en septembre 1940 et rencontre le général de Gaulle et l’amiral Muselier. Avide d’action et désireux de reprendre la mer, il est nommé chef du 2e bureau des Forces navales françaises libres (FNFL) après avoir été promu capitaine de corvette.

Adjoint du colonel Passy au sein du BCRA, le commandant d’Estienne d’Orves entreprend de constituer le réseau de renseignement Nemrod. Et bien que le général de Gaulle, qui manque d’officiers de sa valeur, est réticent à l’envoyer en première ligne, il embarque à Newtyn, le 21 décembre 1940, à bord d’un chalutier sous le nom de Jean-Pierre Girard et avec un radiotélégraphiste se faisant appeler Georges Marty, pour rejoindre la Bretagne, puis la région de Nantes. Là, il s’installe chez la famille Clément, à Chantenay-sur-Loire.

A partir de cette « base », et avec Maurice Barlier, qui l’aide dans ses mouvements, il sillonne la région et obtient des renseignements aussi précis qu’utiles sur les forces allemandes (défenses, aérodromes, matériels, dépôts, etc…). Et ce sera lui qui établira la première liaison radio entre la France occupée et Londres. Un an plus tard, à l’issue d’un court séjour à Paris où il rencontre Jan Doornik pour y créer un second réseau de renseignement, il est arrêté chez les Clément le 22 janvier 1941, après avoir vainement résisté. Il se trouve que l’officier avait des soupçons sur son radio-télégraphiste, lesquels étaient fondés puisque c’est lui qui le vendit à la police allemande. En réalité, Georges Marty s’appelait Alfred Geissler, agent du contre-espionnage allemand…

Avec d’Estienne d’Orves, c’est l’ensemble du réseau Nemrod qui tombe. Au total, 26 membres sont interpellés, dont Barlier et Doornik. Transférés à Berlin, ces résistants de la première heure sont finalement incarcérés à la prison du Cheche-Midi, à Paris.

Malgré des conditions de détention très dures, le commandant d’Estienne d’Orves ne s’en laisse pas compter et trouve même les ressources nécessaires pour relever et maintenir le moral de ses compagnons d’infortune.

Au cours de son procès, le 13 mai 1941, devant la cour martiale allemande, il prend la défense de ses co-accusés et prend sur lui toutes les responsabilités afin de leur éviter d’être condamnés trop lourdement. Dix jours plus tard, le verdict est rendu : le commandant d’Estienne d’Orves est condamné à mort, avec 8 de ses compagnons.

Des tentatives pour obtenir sa grâce vont alors être faites. L’amiral Darlan, face à l’émotion que cette condamnation suscite dans les rangs de la marine française, intervient auprès de l’occupant. Le conseiller juridique allemand Keyser tente lui aussi de plaider la cause de l’officier à Berlin. Sans succès.

Les 9 condamnés à mort sont alors transférés à la prison de Fresnes. Commence alors le compte-à-rebours vers une issue fatale, au cour duquel l’officier va rédiger ses cahiers de captivité, où il fait part de ses lectures, de ses pensées, de sa vie spirituelle. Le 28 août au soir, l’ordre d’exécution tombe : il concerne le commandant d’Estienne d’Orves, Barlier et Doornik. Leurs 6 compagnons ont pu bénéficier d’une remise de peine.

Le lendemain, à l’aube, les trois hommes sont fusillés au Mont-Valérien. « Ils sont morts tous les trois en héros, refusant le bandeau, refusant de se laisser lier les mains; ils ont accueilli la mort ‘au garde-à-vous’ en priant pour leur famille et pour la France. J’eu l’occasion ultérieurement de parler d’eux avec l’abbé Stock, aumônier (allemand) de la prison, et aussi avec le feldwebel qui commanda le feu. Tous les deux furent unanimes à me dire qu’ils avaient vu de très nombreuses exécutions, mais que jamais ils n’avaient été témoins d’autant de courage et d’autant de crânerie française » écrira, plus tard, M. Le Gigan, un témoin de la douloureuse scène.

A l’aumônier allemand, qui l’accompagnait alors dans ses derniers instants, le commandant Honoré d’Estienne d’Orves dira : « Je prie Dieu de donner à la France et à l’Allemagne une paix dans la justice, qui rende aussi à mon pays sa grandeur ». Ces paroles avaient ému l’ancien chancelier Gerhard Schröder, qui, après les commémorations du 60e anniversaire du débarquement en Normandie auxquelles il participa, écrivit à la fille de l’officier en ces termes : « Il n’y a probablement que peu d’êtres humains qui, face à la mort, expriment aussi fortement leur foi dans un avenir paisible de nos peuples, et qui ont déjà pardonné à leurs bourreaux. Que ses derniers mots nous soient à tous offerts comme un don. Je me réjouis d’avoir pu contribuer, à Caen, à la réalisation de l’ultime rêve de la vie de votre père ».

La veille de son exécution, le commandant Honoré d’Estienne d’Orves, compagnon de la Libération à titre posthume, a écrit une lettre à sa soeur, tout aussi émouvante que celle laissée par Guy Môquet, dont la lecture dans les écoles, décidées par le président Sarkozy, avait fait polémique il y a quelques temps.

« Ma caqui chérie;

Ma chère petite soeur, je t’aime profondément. Je te remercie du fond du coeur de tout ce que tu as fait pour moi. Il m’a été infiniment doux de te sentir en communion avec moi. Il ne faut pas avoir un trop grand chagrin. Pensez à ceux qui meurent sur le champ de bataille. Moi, j’ai eu le privilège inouï de pouvoir presque vivre une vie de famille depuis trois mois. Et j’en ai joui beaucoup. Songe, surtout, chérie, que j’aurais pu être tué au moment de mon arrestation! Dans quel état moral serais-je mort… Dieu m’a donné ces sept mois pour me rapprocher de Lui, qu’il en soit béni.

Je vais retrouver Papa et Maman. C’est un grand bonheur.

Mais ce que je vous demande, c’est de continuer votre vie bien tranquillement, de vous étayer les uns les autres. Eliane (ndlr, son épouse) aura besoin d’aide, je sais que tu la lui donneras. A toi imcombera la mission de lui annoncer ma mort.

Sachez que je suis parfaitement calme. Mes deux camarades et moi passons la soirée à parler tranquillement, à blaguer même, et j’ai du mal à obtenir le silence pour pouvoir t’écrire. Excuse donc cette lettre décousue. Tout ceci te montre notre sérénité. J’espère que nous ne nous en départirons pas demain matin.

Je ne fais pas de nouveau testament, celui que tu as déjà (ou qu’Eliane a) me paraît suffisant. Les enfants, comme les miens, vivront j’espère une période de paix, qu’ils prennent papa comme modèle, papa qui a tant aimé les siens et a tant travaillé pour nous tous. Réunissez tout ce que trouverez de sa main, ainsi que ce que maman a écrit – que notre génération et celle de nos enfants en profitent.

Mes petits frères, hélas! que j’aime tant, que nous étions donc unis, toi et nous trois, sans oublier le souvenir de François, le cher compagnon de mon enfance. Notre union était une belle chose; que rien ne la ternisse, et que nos enfants prennent modèle sur nous!

Je voudrais écrire ici les noms de tous les membres de la famille, d’Estienne ou Vilmorin, pour leur dire que ma pensée va vers eux tous. Je te charge de cette commission. En particulier notre chère tante Félicie, que Dieu vous garde longtemps. Et aux A…, artisans d’un mariage qui me rendit si heureux.

L’oberlieutnant Moerner, que j’ai vu tout à l’heure, ne voit pas d’inconvénients à ce que je te donne les noms des personnes arrêtées avec moi :

Mme Maurice Barlier-Nayemont, Ban-de-Sapt (Vosges), femme de mon camarade qui doit être exécuté en même temps que Doornik et moi. Plus tard, si les circonstances le permettent, elle sera peut-être heureuse de te connaître.

M. et Mme Clet Normand, et leur fille, Mme Jeannic, à Plogoff (Finistère). Serait-il possible de leur donner un petit secours d’argent (200 francs par mois par exemple?)

Mme Le Gigan, 48 rue Gutenberg à Nantes-Chantenay. Elle est actuellement libérée, n’ayant été arrêtée qu’à cause de son fils, actuellement à Fresnes. J’aimerais que quelqu’un la vît, c’est une vieille femme de soixante-quinze ans, et j’ai peur qu’elle ne soit sans ressources.

M. et Mme Clément, chemin du Bois-Haligand, Nantes-Chantenay (ces deux-là sont encore en prison).

Tous ces gens m’aiment bien. Je ne pourrai pas leur dire adieu. J’ai une certaine responsabilité dans les malheurs qui ont fondu sur eux, et qu’ils ont tous acceptés avec une grandeur d’âme admirable.

Je ne vous demande pas de prier pour moi, je sais que vous le ferez. Pensez que la prière pour les morts rapproche les vivants de Dieu, et par là est bonne. Que l’on continue à faire dire une messe par semaine à Verrières pour les morts de la famille.

Maintenant, je vais dormir un peu. Demain matin, nous aurons la messe.

Que personne ne songe à me venger. Je ne désire que la paix dans la grandeur retrouvée de la France. Dites bien à tous que je meurs pour elle, pour sa liberté entière, et que j’espère que mon sacrifice lui servira.

Je vous embrasse tous avec mon infinie tendresse.

Honoré. »

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