Chevènement Jean-Pierre

Publié le par Roger Cousin

Jean-Pierre Chevènement, né le 9 mars 1939 à Belfort (Territoire de Belfort), est un homme politique français qui a été plusieurs fois ministre dans les années 1980 et 1990 et candidat à l'élection présidentielle de 2002. Il est actuellement sénateur du Territoire de Belfort, après avoir été longtemps maire de sa ville natale.

Chevènement Jean-Pierre Chevènement Jean-Pierre

Cofondateur du Parti socialiste et fondateur du Mouvement des citoyens, il est président d'honneur du MRC du 26 janvier 2003 au 22 juin 2008. Devenu président effectif de ce parti, il est à nouveau président d'honneur depuis le 27 juin 2010. Il est également président de la Fondation Res Publica, signataire de « Gauche avenir » et vice-président du RDSE. Jean-Pierre Chevènement est le fils de Pierre Chevènement, instituteur, et de Juliette Garessus, institutrice. La famille Chevènement est une famille franc-comtoise d'origine suisse (canton de Fribourg), dont le nom était à l'origine Schwennemann, francisé en Chevènement au xviiie siècle.

Lauréat du Concours général en grec et géographie, il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris (1960) et ancien élève de l'ENA dans la même promotion (promotion Stendhal 1963-1965) que Lionel Jospin, Jacques Toubon et Ernest-Antoine Seillière. Il est aussi diplômé d'allemand de l'Université de Vienne. Il milite alors à « Patrie et Progrès », cercle prônant l’élitisme technocratique qui regroupe gaullistes de gauche favorables à l'Algérie française, dirigé par un autre énarque Philippe Rossillon et financé par les beaux-parents de celui-ci, René Seydoux et Geneviève Schlumberger. À sa sortie l'ENA , il devient attaché puis conseiller commercial au ministère de l'Économie et des Finances (1965-1973). Il préside de 1957 à 1959 la Conférence Olivaint.

Jean-Pierre Chevènement, préfet d’Oran par intérim, cite le chiffre de 807 victimes fournis par ses services (chiffre qu’il estime devoir être légèrement minoré, des habitants ayant peut-être gagné le port ou l’aérodrome, et trouvé un départ), et préfère pour sa part se résoudre à parler de centaines de victimes. Sous-lieutenant, Jean-Pierre Chevènement était alors chef de cabinet adjoint du préfet d’Oran, chargé des liaisons militaires. Le général Katz le jugeait trop curieux sur la question des disparus. « J'ai bien failli moi-même disparaître dans la tourmente, écrit Jean-Pierre Chevènement, car j'ai été arrêté ce jour-là vers midi par des policiers qu'on appelait ATO — auxiliaires temporaires occasionnels, une sorte de police supplétive composée à la va-vite de gens peu sûrs, qui n'avaient aucune formation. Je me revois coincé par un de ces ATO, appuyant sur moi le canon de son pistolet-mitrailleur MAT 49, culasse en arrière s'il vous plaît. »

Tout en s'engageant dans la vie politique, membre de la SFIO dès 1964, il se montre partisan d'une profonde rénovation du socialisme. Dans cet esprit, lors du congrès d'Épinay en 1971 qui fonde le PS, il apporte son soutien à François Mitterrand qui prend la tête du nouveau parti. Dirigeant le Centre d'études, de recherches et d'éducation socialiste (CERES), qui constitue l'aile gauche du PS, il est chargé par Mitterrand d'élaborer le programme du PS et favorise le rapprochement avec le PCF, concrétisé par la signature du Programme commun de gouvernement en 1972. Cependant, son discours jugé trop radical et l'arrivée au sein du PS de Michel Rocard, auquel il s'oppose, entraînent sa mise à l'écart.

Il se forge par ailleurs une solide assise d'élu local en devenant député du Territoire de Belfort en 1973 (réélu en 1978 et 1981), conseiller régional de Franche-Comté (1974-1988) et premier adjoint au maire de Belfort et président du conseil de district de l'agglomération belfortaine (1977-1983). En 1979, avec le CERES (aile gauche du PS), il soutient François Mitterrand au congrès de Metz contre Michel Rocard et Pierre Mauroy. François Mitterrand l'emportant, il a la charge de rédiger le programme socialiste en vue de la présidentielle de 1981. La même année, il est élu président du conseil régional de Franche-Comté. Le 22 mai 1981, il est nommé ministre d'État, ministre de la Recherche et de la Technologie. Il démissionne le 22 mars 1983 pour protester contre la « parenthèse libérale » et lance sa célèbre phrase : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l'ouvrir, ça démissionne ».

À partir du 14 mars 1983, il est constamment réélu maire de Belfort ; il devient cependant premier adjoint de sa ville en 1997 lorsque Lionel Jospin demande à ses ministres de choisir entre leurs fonctions gouvernementale et locale. Le 19 juillet 1984, nommé ministre de l'Éducation nationale, il occupe cette fonction jusqu'en mars 1986. Il rétablit à cette occasion l'enseignement de l'éducation civique, alors abandonné depuis 1969. Il est de nouveau élu député du Territoire de Belfort en 1986 et 1988. Nommé le 13 mai 1988, ministre de la Défense des gouvernements Rocard I et II, il démissionne le 29 janvier 1991 pour protester contre l'engagement de l'armée française dans la guerre en Irak. Il retrouve son siège à l'Assemblée nationale lors d'une élection partielle en 1991, et est réélu en 1993 et 1997. En 1992, il fait campagne contre la ratification du traité de Maastricht, puis, critiquant la « dérive gestionnaire » des socialistes, il quitte le PS en 1993 et transforme le Mouvement des Citoyens (fondé en 1992) en parti politique, dont il prend la présidence.

Le 4 juin 1997, il est nommé ministre de l'Intérieur du gouvernement Jospin. La circulaire du 24 juin 1997, passée un an après l'expulsion de l'Église Saint-Bernard décidée par son prédécesseur à l'Intérieur, Jean-Louis Debré (ministre RPR du gouvernement Juppé), aboutit à la régularisation de 80 000 sans-papiers sur 140 000 demandes. Dans un contexte de mobilisation du mouvement de l'immigration et d'une partie de la gauche (Verts, PCF, etc.), ces derniers critiquent des critères trop stricts de régularisation. La droite critique au contraire ces régularisations. Le 28 novembre 1997, Chevènement déclare au Sénat, en réponse à une question de Jean-Pierre Camoin (RPR): « Notre volonté est justement de mettre un terme aux situations inextricables et insupportables de personnes qui sont à la fois irrégularisables et inexpulsables. C'est, très largement, le produit d'une législation mal adaptée. »

Deux lois portent son nom : la loi Reseda du 11 mai 1998, sur le droit des étrangers, et la loi sur l'intercommunalité du 12 juillet 1999. Lors des débats sur la loi Reseda, qui visent à assouplir les lois Pasqua-Debré, Chevènement s'oppose à Charles Pasqua qui déclare, en janvier 1998, à propos de la carte de séjour pour les étrangers malades, « la France n’a ni vocation ni intérêt à devenir l’hôpital du monde. » Le Gisti note qu'un an plus tard, Pasqua réclame la régularisation de tous les sans-papiers. Le 2 septembre 1998, il est opéré de calculs à la vésicule biliaire à l'hôpital d'instruction des armées du Val-de-Grâce. Il est alors victime d'un grave accident d'anesthésie dû à une allergie au produit « curarisant » utilisé : il est plongé dans le coma pendant huit jours, ne sort de l'hôpital que le 22 octobre, et est tenu éloigné de son ministère pendant quatre mois. Il se surnomme alors lui-même le « miraculé de la République ». L'intérim au ministère de l'Intérieur est assuré par Jean-Jack Queyranne.

Il est l'un des défenseurs d'une « politique sécuritaire de gauche », s'opposant notamment au garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, sur la question de la mise en détention des jeunes délinquants, et mettant en place la police de proximité. Manifestant une position « républicaine et souverainiste », il exprime aussi ses divergences de vue avec les autres membres du gouvernement à l’occasion du conflit au Kosovo, de la signature de la Charte européenne des langues régionales et au sujet de la Corse. En désaccord avec le plan de Lionel Jospin sur l’avenir de l’île, Jean-Pierre Chevènement démissionne le 29 août 2000 pour protester contre ce qu'il appelle les « accords de Matignon » (en référence aux accords de 1988 entre indépendantistes kanaks et loyalistes), qui reconnaissent les mouvements nationalistes corses sans que ceux-ci n'aient préalablement renoncé à l'utilisation de la violence.

En 2000, il est de nouveau élu député du Territoire de Belfort, lors d'une élection législative partielle provoquée par la démission de Gilberte Marin-Moskovitz. Il perd son siège en 2002 contre le candidat de l'UMP, Michel Zumkeller. Le 21 avril 2002, candidat à l'élection présidentielle soutenu par des grands résistants comme Lucie et Raymond Aubrac, Robert Chambeiron ou Pierre Marie Gallois et par des intellectuels comme Jean-François Kahn, Régis Debray ou Max Gallo, son directeur de campagne ; il est longtemps le troisième homme dans les sondages. Finalement, il recueille 5,33 % des suffrages exprimés, et se place en sixième position sur les 16 candidats présents à ce premier tour. Il fonde le Pôle républicain, qui devient le Mouvement républicain et citoyen (MRC) dont il est le président d'honneur. Il est l'un des rares « entartés » à avoir porté plainte : il a obtenu en octobre 2002 la condamnation de Noël Godin, un agitateur anarcho-humoristique belge à 800 euros d'amende pour « violences volontaires avec préméditation » (amende portée à 2 500 euros en appel en 2004).

En 2004, il fonde l'association pour la Fondation Res Publica. La même année, le MRC s'allie au Parti socialiste ou au PCF dans quelques régions pour les élections régionales et obtient 15 élus. Au mois d'août, il se prononce contre le Traité établissant une Constitution pour l'Europe, dénonçant un risque de vassalisation de l'Union européenne par les États-Unis. En mai 2005, Jean-Pierre Chevènement enchaîne les débats politiques pour soutenir le « non » au traité dit « constitutionnel » européen lequel sera refusé par 54,87 % des votants. Il s'oppose en 2007 au traité « simplifié ». Le 30 décembre 2005, la Fondation Res Publica a été reconnue d’utilité publique par décret. Il annonce sa candidature à la présidentielle 2007 le 6 novembre 2006, avant de se retirer le mois suivant, après un accord politique intervenu entre le MRC et le PS. Cet accord politique, qui prend la forme d'une déclaration commune MRC-PS, comporte un volet politique (accordant la priorité à la relance économique et à la lutte contre le chômage) et se prolonge par un volet électoral offrant la possibilité au MRC d'obtenir en juin 2007 des représentants à l'Assemblée nationale.

Au cours de la campagne électorale, Jean-Pierre Chevènement occupe une place très active auprès de Ségolène Royal. Aux élections législatives de 2007, il ne parvient pas à reprendre son siège de député à Michel Zumkeller. Il démissionne de son mandat de maire le lendemain de sa défaite, mais conserve la présidence de la communauté d'agglomération jusqu'en 2008, cédant à chaque fois son siège à Étienne Butzbach. Le 14 février 2008, il signe, avec 16 autres personnalités politiques de tous bords, l'« Appel du 14 février » pour une vigilance républicaine lancé par l'hebdomadaire Marianne. Le 22 juin suivant, il reprend la tête de la présidence effective du MRC lors du congrès de Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), avec l'appui de 167 voix sur 178 votants. À cette occasion, il fait part de son ambition de se présenter aux élections sénatoriales de septembre de la même année. Il a aussi lancé un appel au PS et au PCF pour la fondation d'un grand parti de la gauche, dont le leader serait le candidat unique de la gauche de gouvernement à l'élection présidentielle de 2012.

Redevenu président de MRC en juin 2008, après avoir laissé pendant quatre ans le poste à Georges Sarre, il est candidat au siège de sénateur contre le sortant socialiste Michel Dreyfus-Schmidt - décédé le 7 septembre - le candidat officiel du PS Yves Ackermann et à l'UMP. Il est élu sénateur du Territoire de Belfort le 21 septembre 2008. Le 14 mai 2009, il appelle à voter « blanc ou nul » aux élections européennes, affirmant que « cette élection à un Parlement-fantôme est un trompe-l’œil. » Lors des élections régionales de mars 2010, il passe un accord avec le PS et son parti le MRC obtient 19 élus. Il devient, en janvier 2011, président de l'association France-Algérie. Le 5 novembre 2011, il annonce qu'il se présente à la présidentielle de 2012, avant de retirer sa candidature le 1er février 2012. Il annonce le 13 mars 2012, son soutien à François Hollande pour la présidentielle. Le 23 octobre 2012, Jean-Pierre Chevènement est nommé représentant spécial pour la Russie dans le cadre de la « diplomatie économique » du Quai d'Orsay. Le 14 juin 2014, il annonce qu'il ne se représentera pas aux élections sénatoriales qui ont lieu en septembre de la même année.

L'épouse de Jean-Pierre Chevènement est Nisa Chevènement. Elle est peintre et sculptrice. Ils ont eu deux fils, Raphaël (scénariste, réalisateur et journaliste) et Jean-Christophe. En 1967, il a publié, sous un pseudonyme, avec son ami et premier collaborateur au CERES (alors courant de la SFIO), Didier Motchane, L'Énarchie ou les Mandarins de la société bourgeoise, premier livre grand public traitant de l'ENA. Jean-Pierre Chevènement est membre du club Le Siècle. Jean-Pierre Chevènement est locataire depuis 1983 d'un appartement de cinq pièces dans le cinquième arrondissement de Paris, propriété de la Régie immobilière de la ville de Paris. Durant les années 2000, plusieurs articles de presse ont évoqué cette situation en soulignant la relative modicité du loyer et cette location – dont la légalité n'est pas contestée – a attiré l'attention de l'Inspection générale de la Ville de Paris puis de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France. Jean-Pierre Chevènement a refusé de donner suite aux propositions de deux adjoints au maire de Paris (Jean-Yves Mano puis Pierre Aïdenbaum) qui lui ont suggéré de libérer ce logement « par souci d'exemplarité », soulignant qu'il a déjà accepté une importante augmentation de loyer et mettant en cause la motivation de ses accusateurs, purement politicienne selon lui.

Jean-Pierre Chevènement s’inscrit résolument dans la mouvance souverainiste, cela explique son opposition marquée à la construction de type État fédéraliste de l’Union européenne. Cette réticence s’exprime notamment au travers de ses charges régulières envers le traité de Maastricht (1992). Il regrette ainsi que la France n’ait pas davantage d’indépendance en matière de monnaie, de commerce extérieur, de flux financier mais aussi de manière plus générale la subordination du droit français au Droit de l'Union européenne. L’idée de construction européenne lui tient à cœur, il conteste cependant la forme prise par celle-ci. Sa volonté est d’imposer une vision républicaine de la nation, basée sur le consentement et l’adhésion. Il est également opposé à la réintégration par la France du commandement intégré de l'OTAN, y voyant une menace de subordination de la politique étrangère de la France à celle des États-Unis.

Économiquement, il se montre frondeur contre le capitalisme financier. Il juge que le Parti socialiste s’est conformé au dogme mondialiste néolibéral qu’il rejette. Il estime que les politiques mises en place pour sauver l’euro dans le cadre de la crise de la dette sont des politiques d’austérité qui mèneront à terme à la récession. Si les réformes appliquées ne permettent pas de sortir l’union monétaire de l’ornière, il se dit alors favorable à ce qu’un glissement d’une monnaie unique à une monnaie commune se mette en place. Il prône une relance salariale couplée à une politique de change visant à faire baisser le cours de l’euro. En cela, sa pensée peut être qualifiée de keynésienne. Il se fait par ailleurs le défenseur d’une politique de protectionnisme raisonnable : il a fait sien le concept de démondialisation marchande et financière visant à réindustrialiser la France. En effet, il est selon lui impossible de conserver des services publics et un système de protection sociale forts sans la solidité d'une base productive.

En ce qui concerne l'intérieur, il se montre favorable à une politique sécuritaire de gauche non laxiste, étant par exemple hostile à la légalisation des drogues. Il met cependant en garde contre d'éventuelles dérives liberticides des politiques de sécurité : il a ainsi marqué son opposition au développement des systèmes de vidéosurveillance publique ou encore à la loi Hadopi. L’école est un sujet important dans le projet de Jean-Pierre Chevènement, il souhaite tendre vers une économie de la connaissance[réf. nécessaire]. Selon lui, il faut mettre l’accent sur la formation des enseignants, l’école primaire et l’enseignement supérieur. Pour M. Chevènement, l'école publique doit reposer sur les valeurs de transmission et d'autorité du maître vers l'élève, ainsi que du travail et de l'égalité des chances.

Il est favorable à une laïcité assez stricte qui cantonne la religion uniquement à la sphère privée. Il souhaite une intégration poussée des immigrés, en opposition au communautarisme. Pour cela il préconise que les immigrés soient assimilés culturellement à la population d'origine (langue, traditions…) de manière à rendre pérenne l'idée d'une nation une et indivisible. Il est de fait opposé au concept de la discrimination positive. Sur le plan écologique, ses préférences vont à une sauvegarde du potentiel nucléaire français, condition essentielle à l'indépendance énergétique de la France ainsi qu'à la réduction des gaz à effet de serre qui constituent selon lui la véritable menace.

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