RESISTANCE/Les Allemands prennent la suite des Italiens, se livrant à une chasse aux juifs. La résistance, elle, s’organise.
« Les fascistes monégasques s’emploient à terroriser la population. Des étiquettes aux couleurs italiennes sont apposées sur les maisons portant l’inscription « Nice Italiennissime ». […] Les Monégasques vivent dans la crainte des rafles et des perquisitions incessantes. Des véhicules militaires sillonnent chaque jour la ville, chargés de soldats et de prisonniers arrêtés sur la base de listes préparées à l’avance à la Casa Italiana. […] Jusqu’au printemps 1943, des dizaines de Monégasques, Français et Italiens antifascistes sont arrêtées et expédiés au camp d’internement dans l’arrière-pays niçois puis dans les Hautes- Alpes. La famille Costa est particulièrement touchée. Après son père, Joséphine, future madame Detaille, est également arrêtée.
Même des pétainistes connus sont arrêtés, comme le colonel Bernis, chef de la légion des Combattants de Monaco-Beausoleil, envoyé au fort Hatry à Belfort. […]
Fin 1942, la résistance à Monaco commence à s’organiser. L’occupation italienne, les exactions des fascistes, l’arrogance insolente des collabos et la présence de moins en moins discrète des Allemands en radicalisent plus d’un. […] En novembre 1942, dès l’occupation de la Principauté par les troupes italiennes, un réseau de renseignement se forme sous le patronage des services de renseignements belges qui prend le nom de Reims-Remy.
Son PC est situé dans un garage de Monte-Carlo. Parmi ses agents, certains appartiennent à la Sûreté, d’autres au personnel de la SNCF.
Les renseignements collectés par le réseau sont photographiés sur microfilms, expédiés vers Marseille par un courrier, puis acheminés vers l’Espagne. […] Les rapports les plus détaillés sont transmis chaque semaine à Londres. […] Une autre tendance, bien plus active et plus puissante, se dessine dans la résistance monégasque à l’occupant. […] La MOI (Main d’Œuvre Immigrée), un sous-groupe du parti communiste, recrute par exemple Albert Sutto qui, par la suite, créera une unité locale FTP (Francs-Tireurs et Partisans). […] C’est à Monaco que Sutto doit trouver une cache pour des explosifs que la résistance communiste lui a confiée pour de futurs attentats. Il va créer un club dansant pour les jeunes Monégasques, sous lequel il dissimule ses pains de plastic et sa nitroglycérine. « Sans le savoir, ils ont dansé sur un volcan » rit-il !
En fait, lui et ses camarades sont actifs dans toute la région. La nuit, parce que le jour, lui et ses « légaux » ont un travail régulier. Alors, la nuit, il pose des bombes : « Une fois, j’ai fait sauter un pont tout en ferraille. » […] La présence de résistants en grand nombre dans les rangs des agents de la Sûreté et chez les carabiniers s’explique sans doute, même s’ils ne sont pas tous communistes ou sympathisants de la CGT, par la forte pénétration de la propagande communiste dans les années d’avant-guerre. »
Pendant toute la Seconde Guerre mondiale, le casino ne désemplit pas et les festivités continuent. Photo SBM - En tant de guerre, la vie continue tant bien que mal : on démaille les bas, les enfants des écoles fêtent Pâques, on continue à se ravitailler au CMAS. Photo Mairie de Monaco Fond Régional
« Il a fallu peu de temps au pétainiste Roblot pour se tourner vers les Allemands. Dès le 22 janvier 1942, avant l’occupation italienne et l’occupation allemande, le ministre d’État écrit à Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich. Après avoir réaffirmé l’indépendance de la Principauté, il en vient à l’essentiel : « Le gouvernement princier estime que la Principauté doit entretenir avec le Reich des rapports de confiante collaboration. Il n’y a aucune raison pour que l’État monégasque se réfugie dans un isolement qui n’est pas dans ses traditions surtout à l’égard de l’Allemagne […] ». Tout est dit, très tôt !
En quelques mois, le gouvernement monégasque, personnifié presque par le seul Roblot, collabore : création de Radio Monte-Carlo ; création d’entreprises et de holdings à Monaco ; achat par les Allemands ou leurs collaborateurs d’une partie du patrimoine immobilier et hôtelier de la ville ; nomination d’un officier allemand comme représentant de la Principauté à Berlin et bientôt, création d’une banque allemande ainsi que le développement d’une place financière « neutre » à la dévotion des Allemands… […]
Le 3 septembre 1943, au nom du roi Victor-Emmanuel, le maréchal Badoglio signe l’armistice avec les Alliés. Le 9 septembre, les troupes italiennes refluent en désordre et dans l’après-midi, à 14 heures, les premières formations allemandes font leur entrée en principauté.
Pendant l’occupation italienne, pas un Juif n’est arrêté à Monaco, pas plus que dans la zone d’occupation italienne en France. Hélas, la situation change après le départ des Italiens. Ce qui était un refuge devient un piège, les Juifs protégés sont pris dans la nasse. Peu arrivent à s’échapper. À partir du 10 septembre 1943, un commando spécial dirigé par le S.S. Aloïs Brunner fait son entrée à Nice. Brunner est sans doute le chasseur de Juifs le plus brutal et le plus répugnant que la France ait connu. Tous les témoins s’accordent à le décrire comme un antisémite pathologique. Arrivé directement du camp de Drancy avec comme mission de vider la Côte d’Azur de ses Juifs, il se met en chasse avec une équipe d’une dizaine d’hommes en civil parmi lesquels des « physionomistes » supposés reconnaître leurs victimes au premier coup d’œil. Les Juifs arrêtés, parmi lesquels des vieillards, des bébés, des femmes enceintes, sont systématiquement battus et torturés. […] Des milliers de Juifs français et étrangers sont terrorisés. Beaucoup grossissent les rangs des clandestins à Monaco, espérant bénéficier de l’immunité dans l’État « neutre ».
La loi « implacable » est promulguée le 21 décembre 1943 après avoir été approuvée sans débat « compte tenu de son caractère d’urgence » par le Conseil national dès le 14 décembre. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle est effectivement implacable : […] La loi précise que « tout étranger, refoulé, expulsé ou banni du territoire français et se trouvant dans la Principauté, sera, dès que la mesure aura été notifiée au gouvernement princier, refoulé ou expulsé du territoire monégasque et remis aux autorités françaises ». […]
Cette dernière clause évidemment implique la remise des étrangers expulsés aux Allemands puisque les autorités françaises les leur remettent systématiquement. […]
Officiellement « seulement » 87 Juifs ont été déportés entre 1942 et 1944 (111 en tenant compte des arrestations chez les habitants de deux communes voisines Beausoleil et Cap-d’Ail). Selon les estimations allemandes « on peut estimer le nombre des Juifs arrêtés et déportés, sans l’avoir forcément été sur le territoire même de la Principauté ni dans les communes limitrophes, à un nombre compris entre 150 et 250. […] Il y a peu de cas de spoliation puisque la majeure partie des Juifs arrêtés ou expulsés vivent à l’hôtel. »