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Rudolf Noureïev est un danseur classique, chorégraphe et directeur de ballet d'origine tatare né le 17 mars 1938 à Irkoutsk (Union soviétique) et mort le 6 janvier 1993 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Doué d'une technique exemplaire, Rudolf Noureev est considéré comme l'un des plus grands danseurs classiques et comme l'un des plus grands chorégraphes. Il est surnommé le « seigneur de la danse ». Rudolf Noureev fut l'un des meilleurs interprètes du répertoire classique, mais il affirma aussi son talent dans la danse contemporaine et fut l'un des premiers danseurs à s'intéresser de nouveau au répertoire baroque. Environ 5 à 6 millions de personnes l'ont vu réellement danser et sa notoriété, acquise grâce à son talent mais aussi grâce au mythe qui a découlé du roman de sa vie, dépassa le monde de la danse. Il marqua l'histoire du ballet à travers deux couples :
Rudolf Noureev fut directeur du Ballet de l'Opéra de Paris de 1983 à 1989, et également maître de ballet et chorégraphe en chef jusqu'à 1992. En tant que chorégraphe, il revisita tous les grands ballets classiques, en donnant dans ces derniers une place très importante aux hommes, qui jusqu'alors étaient souvent cantonnés à n'être que les faire-valoir des ballerines. Rudolf Noureev introduisit ainsi dans ses chorégraphies des variations pour hommes, comme dans le Lac des Cygnes. Rudolf Noureev ramena en France le flambeau du ballet, que Marius Petipa avait emporté à Saint-Pétersbourg au milieu du XIXe siècle. Noureev a apporté et renouvelé tout le répertoire de Marius Petipa qui n'apparaissait pas à Paris jusque-là. Les années de Rudolf Noureev à l'Opéra de Paris sont considérées comme un « âge d'or » pour le ballet. L’Opéra de Paris, « sa maison », ne l’oublie pas. Ses chorégraphies sont régulièrement reprises. Pas une saison ne passe sans que le corps de ballet ne brille dans un spectacle revisité par Rudolf Noureev.
Rudolf Noureev raconte dans son autobiographie sa naissance romantique : il naît le 17 mars 1938 en Union soviétique dans un wagon de troisième classe au cours d'un voyage en train en direction de Vladivostok, entre le lac Baïkal et Irkoutsk, de Farida (née à Kazan) et Hamet Noureev (né dans un village près d'Oufa). Farida vient en effet rejoindre en transsibérien son mari qui vient d'obtenir un logement de fonction à Vladivostok pour y accueillir sa famille. Hamet y a été affecté en tant que « politrouk », instructeur politique dans l'Armée rouge. Sa famille est originaire d'Oufa. C'était à l'origine des paysans bachkirs et tatars de culture musulmane. Le grand-père de Rudolf avait pour nom de famille Fasli. À cause d'une erreur d'enregistrement à la mairie, le patronyme « Noureev » devient son nom de famille. « Nour » signifie la lumière en arabe. Rudolf Noureev est le benjamin d'une fratrie où il naît après trois sœurs : l'aînée, Rosa qui a dix ans de plus que Rudolf, Lilia qui a cinq ans de plus et qui est sourde, et Razida qui a trois ans de plus. Il ne garde aucun souvenir de son père dans son enfance car ce dernier est mobilisé, au moment de l'invasion de l'URSS par l'Allemagne, en 1941, lorsque Noureev n'a que trois ans. Il ne le reverra pas avant 1946, cela explique en partie leur relation père-fils conflictuelle.
En 1941, sa famille est évacuée de Moscou et trouve refuge à Oufa, capitale de la Bachkirie. Ils partagent leur petite isba avec trois autres familles. Les conditions de vie sont précaires : l'habitation est sans eau ni électricité. Le climat y est très rude, froid et sec, la nourriture, rare et composée essentiellement de pommes de terre bouillies. À l'école, on se moque de lui car il n'a pas de chaussures et porte le manteau de l'une de ses sœurs. Mais Oufa possède un théâtre de bon niveau et dès son plus jeune âge, Rudolf Noureev est passionné de musique. Il a une révélation au soir du Nouvel An de 1945 : il assiste à un ballet patriotique intitulé Le Chant des cigognes avec la danseuse étoile Zaïtouna Nazretdinova. Il a trouvé sa vocation et commence la danse la même année, à l'âge de sept ans. Il commence à danser des danses folkloriques à l'école dans des groupes amateurs et avec les Pionniers. Puis on le recommande à Anna Oudeltsova qui, au bout de dix-huit mois, l'oriente vers Elena Vaïtovitch.
Toutes deux lui font comprendre que la danse n'est pas seulement une affaire de technique. Voyant son potentiel, elles lui suggèrent de continuer sa formation à l'Académie de ballet Vaganova à Saint-Pétersbourg, considérée par elles comme la meilleure école au monde. En 1953, à l'âge de 15 ans, Rudolf Noureev commence à faire de la figuration dans les spectacles du théâtre de la ville. Pour cela, il est un peu payé, ce qui lui permet de faire ses classes avec la compagnie. Progressant assez vite, il intègre la troupe de ballet. La compagnie est invitée pour une tournée de dix jours à Moscou. Noureev put faire partie du voyage, remplaçant au pied levé un danseur blessé dans un solo de danse de caractère. Il n’en connaissait pas les pas, n’eut pas le temps de répéter et ce fut pour lui la première occasion de puiser dans sa mémoire où tout ce qu’il voyait était enregistré instantanément. Mais il se blesse durant une représentation.
Rudolf Noureev se remet pour passer une audition à l'école de danse du Bolchoï de Moscou où il est accepté, mais il n'y entre pas, refusant aussi de rejoindre la troupe à Oufa qui lui offre un contrat à plein temps.
Rudolf Noureev préfère passer l'audition pour intégrer l'Académie de ballet Vaganova à Saint-Pétersbourg. Après avoir suivi onze ans de cours de danse, notamment en danse folklorique, à Oufa, où il a grandi, il entre à l'Académie de ballet Vaganova à Saint-Pétersbourg en sixième de huit divisions, en 1955 à l'âge de 17 ans. Il y est accepté avec le commentaire suivant : « Soit vous serez un danseur extraordinaire, soit le modèle des ratés, et plus probablement le modèle des ratés ». Il passe trois années à l'Académie liée au ballet du Mariinsky de Saint-Pétersbourg - appelé alors le Kirov de Leningrad. En deuxième année, il est promu en huitième division, la classe terminale. En troisième année, Rudolf Noureev redouble la classe terminale. Il garde sa spontanéité et son acharnement au travail. Diplômé de l'Académie de ballet Vaganova, Rudolf Noureev intègre le ballet du Mariinsky en 1958 ; il y passera 3 ans. Il en devient vite soliste et interprète les premiers rôles dans Le Corsaire, Don Quichotte, Le Lac des cygnes et la Belle au bois dormant.
L’Europe découvre Noureev un soir de mai 1961 lors d'une tournée du Kirov à Paris. Noureev ulcère les autorités soviétiques par ses frasques, ses heures passées au Louvre, à Montmartre et, écumant les nuits parisiennes après les représentations en compagnie des danseuses et danseurs de l’Opéra de Paris; Claire Motte, Claude Bessy, Jean Pierre Bonnefous et le chorégraphe Pierre Lacotte. Ainsi que Clara Saint, leur amie d’origine Chilienne. Le 16 juin 1961, sommé de rentrer à Moscou - alors que le ballet part pour Londres - il parvient à fausser compagnie à ses gardes du KGB et se jette vers deux policiers français à l'aéroport du Bourget et dépose une demande d'asile avec l’aide de Clara Saint, appelée à la rescousse, proche d’André Malraux - fiancée à son fils jusqu’à sa mort prématurée d’un accident de voiture. Elle alerta les inspecteurs en service présents et leur dit : « Il y a un danseur russe en bas qui veut rester en France ». Suite à sa fuite, Noureev est engagé pour jouer avec Nina Vyroubova dans La Belle au bois dormant. Ils se brouilleront durant cinq ans après qu'il aura ajouté quelques mesures au dernier solo de Vyroubova.
Rudolf Noureev accompagne Maria Tallchief à Copenhague où il fait la connaissance du danseur danois Erik Bruhn, qu'il admirait beaucoup pour l'avoir vu dans un film d'amateur. Ils entretiendront une relation amoureuse qui ne cessera qu'à la mort de Bruhn en 1986. Noureev, parlant peu anglais, rencontre à Copenhague une compatriote, Vera Volkova, qui lui donne ses premières leçons de danse. Ils resteront amis toute leur vie.
Noureev a fait ses débuts américains avec Sonia Arova en collaboration avec le Chicago Opera Ballet de Ruth Page en 1962. Ensemble, ils ont interprété le grand pas de deux de Don Quichotte à New York. Plus tôt en 1962, Noureev a fait ses débuts à la télévision en Amérique en dansant le pas de deux de "Flower Festival in Genzano" d'Auguste Bournonville avec Maria Tallchief pour le spectacle Bell Telephone Hour.
À partir de 1962, Rudolf Noureev danse pendant plusieurs années au Royal Ballet, Covent Garden, à Londres. Étoile du Royal Ballet, Margot Fonteyn alors âgée de 42 ans, deviendra sa plus belle partenaire. Tous les deux vont former le couple le plus célèbre de l'univers de la danse classique. Ils entretiendront des relations amicales étroites pendant les trente années qui suivront. Margot Fonteyn et Rudolf Noureev interprètent pour la première fois ensemble Giselle le 21 février 1962. Lorsque le rideau tombe ce soir-là, le public est tellement stupéfait qu’il y a un silence de quelques instants avant que les applaudissements retentissent, suivis de 23 rappels.
En 1964, Rudolf Noureev crée sa première chorégraphie du Lac des cygnes pour l'Opéra d'État de Vienne. Dans ce ballet il interprète le rôle du prince aux côtés de Margot Fonteyn qui interprète Odette et Odile. À la fin d'une représentation, on compte 89 levées de rideau, événement unique dans l'histoire du ballet.
"Noureev avait un travail de pieds inégalable", explique Mathias Heymann, danseur étoile à l’Opéra de Paris. Sur scène, Rudolf Noureev jaillit, comme monté sur ressorts. Pour Brigitte Lefèvre, directrice du ballet de l'Opéra national de Paris de 1995 à 2014, Noureev avait « une façon de faire ça, la beauté des lignes, l'exigence, cette façon de faire des grandes difficultés, une technique, cette foule, cette connaissance et cette curiosité. ».
Il est le monstre sacré qui déplace les foules à la manière d'une rock star, personnage au destin rocambolesque. Rudolf Noureev se produit sur la scène de toutes les grandes compagnies internationales. Il touche 7,9 millions de dollars par an, le plus gros cachet qu'un danseur a jamais reçu. Le 12 juillet 1967, après une représentation au Royal Ballet de San Francisco, Margot Fonteyn et Rudolf Noureev sont invités par de jeunes « hippies » à venir se joindre à eux pour fêter le Summer of Love, avec son lot de LSD et de marijuana. Arrêtés dans le quartier « hippie » de Haight-Ashbury par la police qui les soupçonne de consommation de drogues, ils ne sont pas poursuivis en justice. En 1977, on lui propose le poste du directeur du Royal Ballet. Rudolf Noureev refuse cette offre, préférant encore poursuivre sa carrière de danseur étoile.
Dans les années 1980, Rudolf Noureev danse régulièrement à l'Opéra de Paris. Il est nommé directeur du ballet de l'Opéra national de Paris à compter du 1er septembre 1983 par Jack Lang, alors ministre de la Culture. Ses premières années en tant que directeur soulèvent des critiques jusqu'au sein de l'Opéra. Rudolf Noureev rend le ballet de l'Opéra de Paris plus attractif et connu internationalement. Il fait entrer un grand nombre de chorégraphes à l'Opéra de Paris comme William Forsythe et Maguy Marin. Rudolf Noureev occupe le poste du directeur jusqu'en 1989. Rétrospectivement, dans une interview, Sylvie Guillem répond à David Lister, journaliste et co-fondateur du journal The Independent : « Ah oui », répond-elle, « l'enterrement où tous les gens qui ont cherché à le congédier pendant des années disaient à quel point c'était un grand homme. »
Également chorégraphe, admirateur de l'école française et inconditionnel de Bournonville et de Petipa, Rudolf Noureev remonte en Europe de nombreux ballets d'après Petipa. Ces grands ballets étaient pour la plupart alors inconnus des Occidentaux. Il fait découvrir au public parisien l'acte III de La Bayadère en 1961, puis remonte ses propres versions d'après Petipa. C'est à Vienne que Rudolf Noureev monte son premier Le Lac des cygnes (1964) et son premier Don Quichotte. Plus tard, il y reviendra pour monter La Belle au bois dormant (1966), Casse-Noisette et Raymonda. En 1982, Rudolf Noureev devient citoyen autrichien et est nommé membre honoraire de l’Opéra de Vienne. Il apparaît en 1977 sous la direction de Ken Russell dans le rôle principal dans Valentino, qui reçoit un accueil mitigé de la critique et du public malgré quelques scènes remarquables, notamment celle du tango de Valentino et Nijinski joué par Anthony Dowell. Après de nombreuses demandes, il obtient finalement de Gorbatchev, à la fin de 1989, un visa de quarante-huit heures à Léningrad pour voir sa mère. Il revient pour la première fois à Saint-Pétersbourg, en citant les vers de Ossip Mandelstam : « Revenu dans ma ville connue jusqu'aux larmes... », pour rendre visite à sa mère mourante. Il rapporte de ce voyage la photocopie de la partition complète de La Bayadère de Minkus avec l'intention de le remonter avec les notes originales de Petipa. Luttant contre la maladie, Rudolf Noureev remonte l'intégralité du ballet La Bayadère de 1977 en octobre 1992.
Rudolf Noureev fait se rencontrer l'école russe très technique et le style français à l'élégance racée. Il a avant tout respecté l'école française de danse et su y apporter de la théâtralité. Pour Mathias Heymann, danseur étoile de l'Opéra de Paris, Rudolf Noureev est le modèle. Au surplus, Rudolf Noureev a bouleversé la perception de la danse classique masculine, attachant beaucoup d'importance à la chorégraphie des danseurs.
« Le désir de "jusqu’au-boutisme" de Rudolf, appliqué à sa propre personne, jusqu’aux limites les plus dangereuses, valait aussi pour les danseurs qu’il faisait travailler. » Patrice Bart. Manuel Legris, qui est nommé étoile du ballet de l'Opéra de Paris par Rudolf Noureev le décrit ainsi : « Rudolf Noureev était un TGV. Après s'être fait huer, il a enfoncé son béret et retravaillé. » « Il attendait toujours beaucoup d'un danseur et de sa vie artistique. Rudolf Noureev travaillait tous les jours. Il était là, à l'Opéra, de dix heures du matin à sept heures du soir. [...] Il laisse derrière lui l'image d'un danseur d'exception, exigeant et charismatique. » Ses nombreuses chorégraphies de ballets classiques sont aujourd'hui largement reconnues. L'Opéra national de Paris organise chaque année plusieurs représentations de ses ballets. Les successeurs de Rudolf Noureev à la direction du Ballet l'Opéra de Paris, Patrick Dupond et Brigitte Lefèvre, ont souvent témoigné de l'héritage et de l'empreinte indélébile laissée par Rudolf Noureev à l'Opéra de Paris. Alors qu'il est directeur du Ballet de l'Opéra de Paris, Rudolf Noureev nommera cinq danseurs étoiles, parfois appelés des « bébés » Noureev parce que, tout comme leur maître, ils ont une grande carrière :
Rudolf Noureev fait vivre la tradition du ballet français. Nathalie Aubin, sujet à l'époque, note : « À l’Opéra de Paris, c’est Patrice Bart qui incarne le plus parfaitement la descendance de Noureev ». Le bilan de l'époque Noureev ressort lorsque Benjamin Millepied prend les rênes du Ballet de l'Opéra national de Paris en novembre 2014. « Rudolf Noureev a rendu le Ballet de l'Opéra de Paris sexy. » En 2013, inspiré par Rudoph Noureev, Pascal Crantelle, directeur artistique et metteur et scène de la compagnie Alexander Thaliway, écrit et crée Comment j'ai croisé Rudolf Noureev dans l'ascenseur ?, un spectacle théâtral et chorégraphique au théâtre du Marais à Paris.
Rudolf Noureev dit de lui, qu'il est direct et franc. Il a une vigilance extrême. Cela a pour conséquence qu'il est critique envers lui-même jusqu'au bout ce qui ressort de son commentaire sur la vidéo « Rudolf Noureev au travail à la barre » : « On dit que je suis le plus grand danseur du monde. - C'est vrai... C'est pas vrai. C'est vrai et c'est pas vrai. Je m'entraîne, ça, c'est vrai. Je m'entraîne chaque jour. Je suis un élève comme les autres. Exact, discipliné, obéissant, ni blanc ni noir. » Manuel Legris décrit Rudolf Noureev comme « très généreux avec des yeux qui brillaient ».
Rudolf Noureev devient une figure mythique. Brigitte Lefèvre, directrice du Ballet de l'Opéra de Paris de 1995 à 2014, décrit cet aspect de Rudolf Noureev de la façon suivante : « Lorsque le ballet s'est produit dans les années 1980 aux États-Unis, cela s'est fait sur la notoriété de Rudolf. Les gens ne connaissaient pas ou mal notre troupe. Je trouve formidable que Rudolf Noureev ait pu avoir ce côté mythique. Les gens sont persuadés de l'avoir vu danser... même si ce n'est pas le cas. » Rudolf Noureev demeure synonyme de grands ballets aux difficultés techniques redoutables pour les étoiles.
Rudolf Noureev est considéré comme monstre sacré, qui a laissé au Ballet de l’Opéra de Paris un répertoire classique exceptionnel. Intransigeant et passionné, il redonne au Ballet de l'Opéra de Paris sa première place internationale, organisant après plus de trente ans d'absence, trois tournées consécutives aux États-Unis. Il ramène la Compagnie à son plus haut niveau artistique et donne sa chance aux danseurs les plus jeunes sans toujours respecter la tradition des échelons. Il marque profondément toute une génération de danseurs demandant un total engagement de leur part et repoussant sans cesse les limites du possible. « Rudolf Noureev a fait exploser en moi l’amour de la danse, il m’a donné le ballet pour passion. » « C’était la découverte absolument magique d’un nouveau monde. Mais en même temps, si nous faisions mal notre travail de danseur, les oreilles nous sifflaient ! Noureev avait sacrifié sa vie à la danse, et il réclamait de nous la même chose. Mais nous étions prêts à nous donner à fond pour ne pas le décevoir. C’était un très grand Monsieur. »
Pour Rudolf Noureev, la star de la compagnie, c'est le corps de ballet. C'est comme ça que fonctionne Rudolf Noureev. Patrice Bart devient le bras droit de Rudolf Noureev. Dans les années de Rudolf Noureev en tant que directeur du ballet, Il est le cœur et Patrice Bart l'âme du Ballet de l'Opéra national de Paris.
Rudolf Noureev repousse sans cesse les limites du possible. Il est toujours très exigeant, mais exigeant envers lui-même déjà. Ce fait, Manuel Legris l'éprouve avec sa partenaire Élisabeth Maurin. Le couple interprète Romeo et Juliette à l'Opéra de Paris à l'âge de 17 ans. L'impression de Rudolf Noureev est très forte. Les deux jeunes danseurs interprètent les rôles Roméo et Juliette pour la première fois. Manuel Legris se souvient de Rudolf Noureev, décrivant les circonstances de ces répétitions. « Pour la scène du balcon, il était pratiquement avec nous, avec moi et Élisabeth sur scène. J'avais été très impressionné qu'il voulut être là, participer, car il était souvent présent en coulisse, mais du fait de ce théâtre, de son ouverture sur la scène et la conception du décor, j'ai eu la sensation qu'il était là avec nous sur scène. C'était très impressionnant ».
Après sa mission en tant que maître de ballet à l'époque de Rudolf Noureev, Patrice Bart reste gardien du temple. En 1990, il devient maître de ballet associé à la direction du ballet de l'Opéra de Paris et exerce sa fonction jusqu'à sa retraite, le 30 mars 2011. Manuel Legris poursuit le style de Noureev jusqu'à aujourd'hui. Inspiré par Rudolf Noureev, Manuel Legris fait une grande carrière de danseur étoile. Directeur du ballet de l'Opéra de Vienne depuis le 1er septembre 2010, Manuel Legris suit les pas de son ancien Maître et suit les répétitions du ballet de l'Opéra de Vienne. Rudolf Noureev déclenche la carrière de Sylvie Guillem en la nommant étoile alors qu'elle a seulement 19 ans, ce qui fut un évènement sans précédent. Il préférerait lui éviter cette phase, dans laquelle une grande danseuse est considérée comme étoile sans être nommé étoile si bien que la danseuse doit attendre et souffrir parce qu'elle veut danser maintenant au moment où ses ailes sont grandes.
En 1984, alors que Rudolf Noureev perd beaucoup de poids et qu'il est victime d'une fièvre persistante, il effectue des examens médicaux et découvre qu'il est atteint du VIH (SIDA). En 1988, lors de la représentation de La Sylphide de Bournonville Flemming Flindt à La Scala, les premières voix critiques, les doutes et les ragots autour de la forme de plus en plus décevante du danseur se font entendre. Pendant de nombreuses années, il nie le fait ; lorsque, vers 1990, il devient malade de façon évidente, il combat courageusement sa maladie sans cesser de danser. Il essaie plusieurs traitements expérimentaux qui ne ralentissent pas la dégénérescence inéluctable de son corps. Il apparaît amaigri et a de plus en plus de mal à se déplacer. Il doit cependant affronter la réalité. À cette époque, son courage suscite l'admiration de beaucoup de ses détracteurs. Sa déchéance physique le fait souffrir, mais il continue à se battre en se montrant en public.
Au cours de sa dernière apparition publique, le 8 octobre 1992, pour la première de sa production de La Bayadère au palais Garnier d'après Marius Petipa, le public lui fait une ovation debout. Rudolf Noureev meurt dans une clinique de Levallois-Perret trois mois plus tard, le 6 janvier 1993, à l'âge de 54 ans. Il est enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l'Essonne. Entièrement revêtu de mosaïque, son tombeau se présente sous la forme d'un kilim (somptueux tapis qui retombe de chaque côté de la pierre en plis chatoyants) recouvrant les malles de l'errance. Il est l'œuvre d'Ezio Frigerio, décorateur qui a souvent collaboré avec Noureev. Il s'agit d'une des rares tombes non orthodoxes du cimetière russe. Les biens et la collection d'art de l'appartement de Noureev, 23 quai Voltaire à Paris (où une plaque lui rend hommage), sont dispersés lors d'une vente aux enchères historique. Sa villa de Capri est léguée à sa sœur après un long procès.
Le 6 janvier 1993 à l'occasion de la mort de Rudolf Noureev, la présentatrice du journal télévisé de France 3, Christine Ockrent, fait l'annonce : « Du fauve, il avait le regard brûlant et les mouvements aussi. Puissant et frémissant, le prince tatar, le seigneur de la danse, qui a fui les communistes, Rudolf Noureev est mort à Paris. Il n'avait que 54 ans. » . Au cours de la même émission Pierre Bergé, directeur de l'Opéra national de Paris à l'époque, remarque : « Il était danseur comme les autres. C'est formidable d'avoir 19 sur 20. C'est très rare d'avoir 20 sur 20. Mais, d'avoir 21 sur 20, c'est encore beaucoup plus rare. Et ça, c'était le cas de Noureev. » Rudolf Noureev est le seigneur de la danse, un danseur inclassable.
Rudolf Noureev est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1988. Le 8 octobre 1992, le ministre de la Culture de l'époque, Jack Lang, lui remet la plus haute récompense culturelle, le faisant commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres. L'école nationale chorégraphique d'Oufa (Bachkirie) porte son nom depuis 1997. Son nom est également donné au festival annuel de ballet classique de l'opéra d'Oufa, ainsi que celui de Kazan. Une salle de répétition de l'académie Vaganova est baptisée de son nom. À l'Opéra national de Paris, une soirée de danse « Hommage à Rudolf Noureev » a lieu tous les dix ans. Elles se sont déroulées les 20 janvier 2003 et 6 mars 2013. L'hommage de 2003 a débuté par le défilé du Ballet de l'Opéra de Paris, puis par un film présenté par la Cinémathèque de la danse en collaboration avec l'Institut national de l'audiovisuel.