Dumoulin Georges

Publié le par Mémoires de Guerre

Georges Dumoulin est un syndicaliste français, né le 27 novembre 1877 à Ardres (Pas-de-Calais), mort le 30 mai 1963 à Annappes (Nord).

Dumoulin GeorgesDumoulin Georges

Deuxième des 6 enfants d'un modeste ménage, il est le fils d'un père qui fut ouvrier agricole. Scolarisé dans l'enseignement primaire, il doit cependant travailler à temps partiel dès l'âge de 8 ans comme ouvrier agricole, ouvrier dans une raffinerie de sucre puis mineur à 15 ans. Il adhère au syndicat des mineurs du Pas-de-Calais en 1893, puis au Parti ouvrier français de Jules Guesde en 1900, pour lequel il milite à Harnes. Il est alors partisan de la grève générale et d'une action révolutionnaire. Il est arrêté avec l'un de ses frères, et condamné à 15 jours de prison. Fin 1902, il contribue à former un nouveau syndicat, la Fédération syndicale des mineurs du Pas-de-Calais, qui adhère à la CGT. Il collabore au Travailleur, à La Voix du peuple, au Réveil syndical, dont il est le gérant jusqu'en 1904. Après deux années de travail et d'études des idéologies socialistes et du mouvement social, il se lance à nouveau dans l'action et devient permanent syndical en 1906, comme secrétaire de la Fédération des mineurs du Pas-de-Calais, dont il est exclu en janvier 1909, du fait des dissensions internes au mouvement ouvrier, entre anarchistes et socialistes. 

Il gagne Paris, collabore à La Vie ouvrière et devient le trésorier adjoint de la CGT en 1911, puis en 1913 le secrétaire adjoint de la section des fédérations, sous la direction de Léon Jouhaux. Il mène la campagne antimilitariste de la CGT. Mobilisé de 1914 à 1917, il rompt avec Jouhaux, condamne l'union sacrée et prône le pacifisme. Après la Première Guerre mondiale, il rompt avec le syndicalisme révolutionnaire et préconise à partir de 1919 une action réformiste. Il devient aussi anticommuniste, et va le demeurer jusqu'à sa mort. Il veut une CGT indépendante. Il exerce des responsabilités au Bureau international du travail de 1924 à 1932, sous la direction du socialiste Albert Thomas. Membre de la SFIO, il milite pour ce parti, est rédacteur à son quotidien Le Populaire et membre de son conseil d'administration, collabore à La Revue socialiste, donne des conférences, publie des brochures. Secrétaire de mairie à Denain, il se présente à deux reprises aux élections législatives, sous l'étiquette SFIO, en 1932 notamment dans la 3e circonscription de Valenciennes, sans succès. Il est aussi candidat aux sénatoriales de 1932, sur la liste de la SFIO.

Il devient le secrétaire général de l'Union départementale CGT du Nord lors de la réunification syndicale en février 1936. Il doit gérer le mouvement de grèves de 1936 dans le Nord, contre un patronat intransigeant. Il collabore à la revue de René Belin Syndicats à partir de sa fondation en octobre 1936, et partage sa ligne pacifiste ( jusqu'en août 1939 ) et anticommuniste, hostile à la tentative de prise en mai de la CGT par le Parti communiste; il dénonce une « colonisation » du syndicat par les militants du PCF. Au grand dam des communistes, il signe un manifeste demandant la vérité sur les Procès de Moscou et préface l'ouvrage du mineur cégétiste Kléber Legeay, Un mineur français chez les mineurs russes (1937). Avec d'autres animateurs de Syndicats, il est en 1940 vice-président du comité syndical français d'aide à la Finlande, alors attaquée par l'URSS. Au sein de la SFIO, il est proche de la tendance incarnée par Paul Faure, tout aussi pacifiste, munichoise et anticommuniste; il collabore à son hebdomadaire, Le Pays socialiste.

Il est membre de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme ( LICA ) où il est très actif et qu'il cherche à implanter dans le Nord. Il prend position contre l’antisémitisme en 1939 dans la revue Syndicats et dans celle de la LICA, avant de rompre avec cette dernière association en février 1940, l'accusant de bellicisme. Sous l'Occupation, Dumoulin écrit dans L'Atelier, un hebdomadaire socialiste-national qui s'adonne pendant la guerre à un antisémitisme débridé et prône l’alignement du syndicalisme français sur l'Allemagne nationale-socialiste. Il adhère au Rassemblement national populaire de Marcel Déat, est membre de sa commission permanente ( la plus haute instance de ce parti collaborationniste ) et écrit dans son périodique, L'Œuvre (journal). Il anime son Centre syndicaliste de propagande tournée vers les ouvriers, et dont il est son premier secrétaire général. Il est alors un collaborationniste affirmé, dans le cadre du RNP et du Centre syndicaliste de propagande. 

Dumoulin déclara par exemple en 1942, après un voyage en Allemagne : « Trop de Français s’imaginent que le bolchevisme vainqueur s’arrêterait à nos frontières. Quelle illusion ! (…) Dans la lutte actuelle contre le bolchevisme, la France doit prendre la place qui lui est offerte et elle est digne d’elle, puisque c’est le travail ». Ses convictions ont un accent anticapitaliste, socialiste, étatiste et ouvriériste - les « ouvriers français et allemands sont pour lui les constructeurs de l’édifice européen ». Il veut un État socialiste et autoritaire, défend l’autonomie ouvrière contre le paternalisme et les corporatistes traditionalistes, déteste « toute politique intérieure réactionnaire ». Il est désigné en janvier 1941 membre du Conseil national instauré par Vichy, mais il en est radié en novembre.Il devient chargé de mission au ministère du travail et en juin 1942 inspecteur général de l'Office des comités sociaux, fondé en 1941 et qui à l'origine était une association de droit privé liée au cabinet civil du maréchal Pétain. Il est chargé par le secrétaire général du ministère du travail « d’assurer la liaison entre les responsables de l’office et le secrétariat au travail, (…) de renseigner ce ministère sur la formation et le fonctionnement des comités sociaux d’entreprises et des commissions départementales ». 

L'OCS est étatisé en 1944 par le nouveau ministre du travail Marcel Déat. Dumoulin écrit dans l’Atelier un article dans lequel il attaque les fondateurs de l'OCS qui refusaient le contrôle des pouvoirs publics. Il vante la transformation de l’OCS en « un organisme semi-public, contrôlé par la puissance publique, administré par un délégué général nommé par le ministre ». Et moque « ces Messieurs qui voulaient rester les maîtres » et refusaient de confier leur création à « un ouvrier intelligent, capable et énergique ». Dumoulin a aussi été nommé par le ministre Jean Bichelonne en décembre 1943 membre du Conseil supérieur du travail. Il fuit Paris en août 1944 puis se cache dans l’Eure, comme valet de ferme, pour échapper à l'épuration. Jusqu’au moment où il décide de se présenter devant ses juges en 1951, à 74 ans, alors qu'il avait été condamné à mort par contumace le 20 avril 1948, par la Cour de justice de la Seine. Il se constitue prisonnier le 29 octobre 1951, est mis en liberté provisoire jusqu'à son procès qui se tient en octobre 1953. 

Il y affirme: « Moi, j'ai toujours été pour le rapprochement franco-allemand. Ça peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Peut-être ai-je anticipé ? (...) Cela n'empêche pas que l'hitlérisme m'inspirait un profond dégoût. C'est une doctrine qui n'admet pas le syndicalisme, elle n'est pas dans l'esprit français. (...) Les faits que vous me rappelez, je n'ai jamais eu à en rougir. Dans une vie ardente comme la mienne, pendant cinquante ans, on peut commettre des erreurs. J'en reconnais quelques-unes. Mais ce qui est fait est fait. Je parle ici avec mon cœur ». Pour justifier d'avoir attendu plusieurs années avant de se présenter devant la justice, il déclare: « Je n'ai pas eu confiance dans les cours de justice ni dans les chambres civiques. Je ne pouvais pas faire confiance à ces jurys de partisans. J'ai combattu les communistes, non pour les empêcher d'exister, mais pour qu'ils ne s'emparent pas de la C.G.T. Ils m'en ont voulu. Lorsqu'ils m'ont tenu, même absent, dans une cour de justice il fallait bien qu'ils me condamnent au moins à mort. Cela n'empêche pas que j'en avais assez d'attendre. 

Je ne savais rien de ce qui se passait. Je travaillais dans une ferme. A soixante-dix ans j'ai repris la fourche. Mais des amis me disaient que le climat n'était pas encore favorable » ( en 1951 est votée la première loi d'amnistie ). Il est condamné par le tribunal militaire de Paris à 2 ans de prison et à 20 000 francs d’amende le 15 octobre 1953. On le trouve ensuite parmi les collaborateurs occasionnels des Études sociales et syndicales de Claude Harmel, ancien du RNP, et du très anticommuniste Centre d'archives et de documentation de Georges Albertini, l'ancien no 2 du RNP. Cet ancien franc-maçon se convertit au catholicisme et collabore aussi à la revue catholique traditionaliste et anticommuniste Itinéraires (revue).

Publications

  • Les Syndicalistes français et la guerre, préface d'André Girard, Comité central des C.S.R., 1921
  • Carnets de Route, quarante années de la vie militante, préface de René Belin, Éditions de l'avenir, Lille, 1940.

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