Raphaël Alibert

Publié le par Jérôme Cotillon

La récente publication de la version initiale du Statut des Juifs a remis sur le devant de la scène un certain Raphaël Alibert, alors Garde des Sceaux du régime de Vichy. Personnalité méconnue, sur bien des aspects, Alibert n’a intéressé jusqu’alors aucun biographe, à l’inverse de Pétain, de Laval, de Xavier Vallat, de Darquier de Pellepoix, de René Bousquet ou du Dr. Ménétrel… Or, il n’en a pas moins joué un rôle important, à défaut d’être déterminant, dans la prise de pouvoir du Maréchal Pétain, et dans l’élaboration du corpus juridique de la « Révolution nationale ». Il était temps, dès lors, que les historiens se penchent sur cette énigme du régime de Vichy, et tel a été l’objet du colloque organisé par Jérôme Cotillon au Centre d’Histoire de l’I.E.P. Paris le 10 juin 2004. La première intervention, celle du Professeur Jean-Pierre Machelon, souligne la contamination, par le virus de la politique, de la pensée juridique d’Alibert, véritable penseur du Droit administratif français. Le Droit public d’Alibert est hostile à la démocratie, au parlementarisme, au socialisme, au règne de l’argent qui corrompt. Pourtant, Alibert a beau réclamer, par son adhésion à divers groupes intellectuels, une réforme en profondeur du système politique de la IIIème République, sa carrière politique ne suscite aucun résultat électoral et l’amène à jouer davantage le rôle d’homme d’influence parmi d’autres (Gilles Le Béguec, Bernard Droz, Laurent Ferri).

Bref, il ne parvient jamais à percer, sauf lorsqu’il s’insinue dans le cénacle des conseillers du Maréchal Pétain (Bénédicte Vergez-Chaignon), ce qui ne saurait surprendre compte tenu de son adhésion, pétrie de juridisme, aux doctrines proférées par l’inévitable Charles Maurras (Frédéric Rouvillois). Pétain, cependant, se montrera au mieux indifférent, du moins ingrat, à cet ambitieux d’ailleurs détesté de bien des pontes du nouvel Etat français en 1940. Sa carrière politique prendra fin presque en même temps que celle du gouvernement Flandin, en 1941, après quelques mois à la tête du Ministère de la Justice. L’occupation de ce poste par Alibert au second semestre 1940 fait l’objet de deux intéressantes contributions de Jérôme Cotillon – qui démontre qu’Alibert et son équipe de collaborateurs ont transformé en actes législatifs une idéologie diffuse mais autoritaire et réactionnaire, au risque de saborder ses chances d’acquérir une popularité politique – et Laurent Joly, qui s’attarde sur l’implication d’Alibert dans l’élaboration de la législation répressive et raciale de l’Etat français, rappelant que contrairement à une légende tenace Alibert a été évincé de la rédaction des lois antisémites d’octobre 1940 (alors qu’il planchait sur un Statut des Juifs dès l’été 1940), au « profit » du Ministère de l’Intérieur chapeauté par Marcel Peyrouton. Ecarté par Pétain, mais parvenant quatre ans plus tard à échapper à l’épuration, Alibert, rappelle Rosemonde Sanson, ne reniera absolument rien, attestant de la faillite morale d’un maître de la règle de droit incapable de trouver sa place en politique…

Raphaël Alibert. Juriste engagé et homme d’influence de Vichy par Jérôme Cotillon
Raphaël Alibert. Juriste engagé et homme d’influence de Vichy par Jérôme Cotillon

Raphaël Alibert. Juriste engagé et homme d’influence de Vichy par Jérôme Cotillon

Fiche Technique

  • Titre : Raphaël Alibert
  • Auteur : Jérôme Cotillon (dir.)
  • Editeur : Editions Economica
  • Publication : juin 2009
  • ISBN : 978-2717856835

Publié dans Bibliothèque

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