Confédération Générale du Travail (CGT)
Organisation syndicale française née le 23 septembre 1895, au congrès de Limoges, de la réunion de 18 Bourses du travail, 28 fédérations d'industries et 126 syndicats non fédérés.
Il faut attendre le congrès de Montpellier, en septembre 1902, pour que, les fédérations professionnelles et les Bourses du travail perdant leur autonomie, la direction de la confédération ait un rôle effectif. L'orientation syndicale qu'expriment les secrétaires généraux successifs de la confédération (Victor Griffuelhes [1901-1909], Louis Niel [1909] et Léon Jouhaux [1909-1947]) est celle du syndicalisme révolutionnaire dans lequel se marquent les influences anarchistes, prédominantes au début, socialistes blanquistes et socialistes allemanistes. Anticapitaliste, antimilitariste, anticléricale, peu disposée à accepter la tutelle d'un parti socialiste critiqué pour son parlementarisme, mais favorable à un certain élitisme syndical, la CGT prône la grève qu'elle aspire à transformer en grève générale révolutionnaire qui permettra l'avènement d'une société nouvelle dans laquelle les syndicats seront des groupements de production et de répartition (charte d'Amiens d'octobre 1906). Elle apparaît ainsi aux yeux de beaucoup comme un danger pour l'ordre social et le gouvernement n'hésite pas à réprimer avec force la grève qu'elle a organisée le 1er mai 1906 en faveur de la journée de 8 heures. À la veille de 1914, la CGT prend des positions radicales envisageant, pour maintenir la paix, la grève générale révolutionnaire.
Pourtant, l'entrée en guerre de la France en août 1914, loin de provoquer une telle réaction, amène le ralliement de la CGT à l'Union sacrée et le début d'une politique favorable à l'effort de guerre et de collaboration avec l'État. Ce surprenant retournement qui fait entrer d'un seul coup la CGT dans une période réformiste de deux décennies s'explique en réalité par le fait que le réformisme, depuis longtemps majoritaire en son sein, n'occupait pas cette place dans les instances confédérales en raison d'un mode de scrutin interne privilégiant la représentation par syndicats et écartant la représentation proportionnelle. Dès 1917, séduite par le pacifisme de Woodrow Wilson, la CGT met ses espoirs dans la création d'organisations internationales capables de régir les relations du travail et du capital. Mais ce réformisme est combattu dès 1915 par une minorité qui se renforce au lendemain de la révolution russe de 1917 et qui joue un rôle important dans les grandes grèves de 1919-1920, aboutissant aux lois sur les 8 heures et les conventions collectives. La minorité s'organise dans des comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) qui menacent en 1921 l'hégémonie des réformistes. Frappés d'exclusion, les minoritaires vont former la Confédération générale du travail unitaire (CGTU) Désormais plus homogène, la CGT précise ses revendications (nationalisations, assurances sociales, congés payés) envisageant comme moyen essentiel de réalisation la voie parlementaire (d'où ses contacts avec les socialistes et les radicaux) et l'action au sein de l'Organisation internationale du travail (OIT).
En 1936, la CGT ne peut refuser le retour des unitaires de la CGTU dans un contexte de mobilisation générale antifasciste. Cet apport de syndicalistes actifs et expérimentés lui permet de diriger les grandes grèves du printemps 1936 qui se soldent par le vote de lois sociales (→ accords Matignon) et une croissance extraordinaire de ses effectifs : près de 4 millions d'adhérents en 1937, 5 millions en 1938. Bien que Léon Jouhaux soit toujours secrétaire général, il n'est pas sûr que sa tendance dite « ex-confédérée » soit encore majoritaire face aux « ex-unitaires » à la veille de la guerre. L'exclusion de ces derniers en 1939 pour refus de condamner le pacte germano-soviétique est bientôt suivie en 1940 de la dissolution par le gouvernement de Vichy des organisations syndicales. Tandis qu'une minorité de la CGT avec René Belin se rallie à Vichy, de nombreux cégétistes entrent dans la Résistance et, dès 1943, ex-unitaires et ex-confédérés se retrouvent dans la même organisation clandestine qui est représentée au sein du Conseil national de la Résistance (CNR).
À la Libération, les adhésions affluent (5 500 000 adhérents en 1946) et la CGT joue un rôle important dans l'accroissement de la production et la remise en marche de l'économie. Mais désormais les « ex-unitaires » communistes sont majoritaires, Benoît Frachon devenant secrétaire général aux côtés de Léon Jouhaux. En désaccord sur le plan Marshall et sur la forme que doit prendre l'action revendicative, les ex-confédérés se regroupent dans la tendance Force ouvrière. Les grandes grèves de 1947 dirigées par la CGT provoquent la scission : les minoritaires vont fonder la CGT-FO. Affaiblie, la CGT conserve néanmoins un potentiel d'action important qu'elle manifeste dans les grèves revendicatives et la participation à des manifestations contre le pacte de l'Atlantique Nord, la guerre de Corée, la guerre d'Algérie et par l'opposition au référendum de septembre 1958.
La CGT, dont les effectifs diminuent (2 millions d'adhérents dans les années 1960 contre 4 millions en 1948), et se trouvant isolée sur le plan syndical, n'en demeure pas moins la première organisation syndicale française. Elle sort de son isolement en 1966 en concluant un pacte d'unité d'action avec la CFDT et prend une part prépondérante aux événements de mai 1968. Approuvant la signature du programme commun en 1972, elle suit une évolution qui n'est pas sans présenter des similitudes avec celle du PCF, d'où sont issus ses secrétaires généraux (Benoît Frachon [1936-1939 ; 1944-1967], Georges Séguy [1967-1982], Henri Krasucki [1982-1992], Louis Viannet [1992-1999], Bernard Thibault [1999-2013], Thierry Lepaon [2013-2015], Philippe Martinez [2015-].
C'est ainsi qu'elle prend ses distances avec le syndicalisme de l'URSS et des autres pays communistes ainsi qu'avec la Fédération syndicale mondiale (FSM), d'où elle se retire. La crise économique l'affaiblit tandis que la disparition des régimes communistes en Europe centrale et orientale et la crise du PCF ont des répercussions en son sein. Privée de ses repères politiques traditionnels, la CGT s'efforce de bâtir une nouvelle identité qui prendrait en compte une modernité non vraiment définie et la fidélité à l'activisme traditionnel de l'organisation ainsi qu'à la défense intransigeante des salariés. Elle n'en demeure pas moins, aux élections prud'homales, la première organisation syndicale française avec 42,9 % des voix en 1979, 33,11 % en 1997 et 34 % à celles de 2008. Sa liaison avec le PCF est aujourd'hui moins forte que par le passé même si les deux organisations participent d'une même culture politique. En 2009, la CGT compte 655 000 adhérents.