Bailby Léon

Publié le par Mémoires de Guerre

Léon Bailby, né le 9 mars 1867 à Paris et mort le 19 janvier 1954 à Paris, est un journaliste et patron de presse français. 

Bailby Léon
Bailby Léon

Fils d'un rentier qui a été officier de cavalerie dans la garde impériale et attaché militaire au Caire, Léon Georges Alfred Bailby est issu d'une famille tourangelle. Il suit des études à Paris, au collège jésuite de la rue Vaugirard puis dans un autre établissement tenu par les Jésuites, l'Externat de la rue de Madrid. Il suit des études de droit et fréquente l'École libre des sciences politiques. Il s'inscrit au barreau, perd son premier procès et devient d'abord clerc de notaire chez un avoué. Il rencontre le riche patron du grand magasin Le Printemps et député Jules Jaluzot et devient son secrétaire parlementaire. Il entre comme rédacteur parlementaire au quotidien La Presse, que possède Jaluzot, et en devient en janvier 1896 son rédacteur en chef, responsable de sa ligne politique nationaliste. Bailby est antidreyfusard, membre de la Ligue de la patrie française. Il inaugure dans son journal une nouvelle rubrique d'échos, qu'il rédige lui-même à ses débuts.

Jaluzot ayant fait faillite en août 1905 à la suite d'une spéculation sur les cours du sucre, les nouveaux propriétaires du journal ne gardent pas Bailby. Dès lors, il rejoint le 30 octobre 1905, en tant que rédacteur en chef, L'Intransigeant d'Henri Rochefort, quotidien lui aussi de sensibilité nationaliste. Rochefort, qui se contente alors de livrer chaque jour son éditorial, laisse Bailby diriger le journal, transformé en quotidien du soir. Rochefort finit par se brouiller avec Bailby et quitte son journal en octobre 1907. Le journal est mis en vente en 1908; Bailby le rachète en février pour 75 000 francs, avec la création de la Société générale de publications; il en possède la majorité des parts. Ses premiers commanditaires sont le marquis Jules-Albert de Dion puis le constructeur d'avions Armand Deperdussin. Bailby porte désormais le titre de directeur du quotidien.

Il en fait un journal parisien, littéraire - en créant par exemple avec Fernand Divoire un courrier littéraire quotidien en 1909, signé « Les Treize » ou en attribuant la chronique artistique à Guillaume Apollinaire en 1910 - et politique. Son audience augmente avec la Première Guerre mondiale et le quotidien devient le plus grand journal du soir des années 1920. Il embauche en 1919 le lieutenant-colonel Jean Fabry comme rédacteur en chef. Sollicité comme d'autres dirigeants de journaux pour participer à la confection des listes de candidats du Bloc national à Paris, il pousse ce-dernier à se présenter à ces élections législatives. Bailby est lui-même en 1922 membre du comité directeur d'une coalition de partis de droite, l'éphémère Action nationale républicaine, aux côtés de parlementaires. Fin 1923, il se trouve au siège de l'Union des intérêts économiques, pour préparer les élections législatives de 1924, aux côtés d'Ernest Billiet, de dirigeants de partis de droite et de deux autres directeurs de journaux.

En 1926, il crée Match l'intran comme illustré sportif de L'Intransigeant, ancêtre de Paris Match. Il fonde deux ans plus tard un magazine de cinéma, Pour vous, et fait construire à Paris une salle de cinéma en 1930, rue Réaumur, là ou se trouve l'hôtel de l'Intransigeant inauguré en juillet 1924. Le début des années 1930 est l'apogée de sa carrière, marqué par son accession à la présidence en décembre 1930 d'un syndicat patronal, le syndicat de la presse parisienne, dont il était membre du comité depuis 1916. Il est aussi vice-président de la Fédération nationale des journaux français. Chevalier en 1920, puis officier en 1925, il est promu en octobre 1932 commandeur de la Légion d'honneur. Henri Lavedan est à chaque fois son parrain.

Malade et en proie à des problèmes de trésorerie, il doit cependant se résoudre à perdre le contrôle financier de son journal à partir de juillet 1931, au profit d'un nouveau commanditaire, le banquier, négociant et homme politique Louis Louis-Dreyfus, plus à gauche que lui. Il aurait vendu son journal pour 70 millions de francs, avec la promesse de conserver son poste et la direction effective du quotidien. Il quitte son journal en décembre 1932, refusant de subir les pressions du nouvel actionnaire. Bailby fonde alors, à 66 ans, un nouveau quotidien, Le Jour, après avoir créé la Société Publications-Élysées, au capital de 5 millions de francs; il en possède officiellement la majorité des actions, aux côtés notamment d'un industriel lyonnais, Lucien Frachon, des verreries Souchon-Neuvesel, ou du député Antonin Brocard, et préside son conseil d'administration. C'est un quotidien du matin, de droite, installé luxueusement au 91, avenue des Champs Élysées. Son premier numéro paraît le 3 octobre 1933. Y collaborent Henry Bordeaux, Xavier de Magallon, Edmond Jaloux, François Mauriac, plus irrégulièrement.

Bailby et son journal voient avec sympathie l'Italie fasciste de Mussolini, mais Bailby estime que le modèle fasciste n'est pas souhaitable en France. À l'instar des autres journaux de droite, le journal milite contre les sanctions infligées par la Société des Nations à l'Italie après l'invasion de l'Éthiopie, et donne un assez large écho au Manifeste des intellectuels français pour la défense de l'Occident et la paix en Europe. Dans ses première années, je journal est germanophobe et antinazi. L'ancien maurrassien Georges Dumézil (sous le pseudonyme de Georges Marcenay) est le chroniqueur chargé de la politique étrangère, du 3 octobre 1933 à novembre 1935. Ses articles sont à la fois anticommunistes et antiallemands, attentifs au réarmement de l'Allemagne et exhortant à la fermeté contre la menace allemande.

Les débuts sont difficiles et les rédacteurs en chef valsent: Louis Thomas, Jean Prévost, anciens de l'Intran, Jules Haag. C'est l'Affaire Stavisky et ses suites qui font le succès du journal. Le Jour s'en prend aux francs-maçons et aux politiciens corrompus; Bailby participe en 1934 à une conférence de Philippe Henriot dénonçant la franc-maçonnerie. Il embauche un temps comme secrétaire général adjoint Louis Darquier de Pellepoix et accueille son association, l’Association des Blessés et Victimes du 6 février 1934. Un autre directeur de journal de droite, Emie Buré, de L'Ordre, l'accusera plus tard d'avoir su exploiter l'affaire Stavisky, ainsi que la peur du communisme: « Après le bobard antistaviskyen, le bobard antimoscoutaire ». Bailby et son journal sont évidemment hostiles au Front populaire. En 1937, il participe activement à la campagne de presse attaquant le colonel de La Rocque, après l'avoir soutenu. La Rocque est alors accusé par ses adversaires d'avoir été financé au temps des Croix de feu par les fonds secrets des gouvernements d'André Tardieu et Pierre Laval. C'est que La Rocque a racheté cette année-là Le Petit journal, un quotidien du matin concurrent du Jour.

En mars 1938, Bailby rachète pour 1,4 million de francs l'ancien journal d'Henri de Kérillis, L'Écho de Paris. Il négociait pourtant avec Kerillis un rapprochement entre son journal et le nouveau quotidien de Kerillis, l'Epoque. Il polémique avec ce-dernier, l'accusant de vouloir se rapprocher des communistes qu'il abhorre et d'effrayer l'opinion publique avec le danger allemand, à un moment où la droite devient pacifiste et moins ferme à l'égard d'Hitler, par anticommunisme. Kerillis, en retour, l'accuse en avril 1938, entre autres amabilités, d'avoir ouvert son journal au proallemand sinon pronazi Alphonse de Chateaubriant, d'être un « agent allemand (...) empoisonneur de la conscience nationale, (...) dictateur de la calomnie », de ne pas avoir fait son devoir militaire en 1914 et d'être un « mercanti de presse ( qui a fait ) fortune quand les autres se battaient pour leur pays grâce aux communiqués de guerre de l'après-midi dont les journaux du soir avaient le monopole ». Après cette lettre, il relève cependant des articles de Bailby plus fermes à l'égard de l'Allemagne nazie et qui vont dans son sens. 

Mais aussi des articles de Bailby hostiles à ses prises de position. Lucien Rebatet, alors d'Action française, évoquera un Bailby en « plein désarroi » durant la crise de Munich. Selon Rebatet, Bailby est à cette époque « considéré selon de biens futiles et fragiles apparences comme un de nos proches voisins politiques ». Il a ainsi pris la parole lors du meeting organisé par l'Action française en juillet 1937 pour célébrer la sortie de prison de Charles Maurras; il a vanté le combat du dirigeant royaliste et dénigré Léon Blum. Rebatet pousse Maurras à convaincre Bailby de rejoindre le camp des pacifistes contre le camp « belliciste » où figurent Kerillis et les communistes. Il vend Le Jour-L'Echo de Paris en septembre 1939 à l'industriel Jacques Lemaigre Dubreuil. Bailby demeure un temps à son poste de directeur avant d'attaquer en justice le nouveau propriétaire. En septembre 1940, à 73 ans, Léon Bailby fonde en zone libre, à Nice, un hebdomadaire, L'Alerte, il y soutient le gouvernement de Vichy et sa politique. Alors que Le Jour a dénoncé le racisme d'Hitler avant la guerre, L'Alerte fustige les francs-maçons et les juifs. Un journal collaborationniste de Paris le critique pour avoir écrit que les Français n'ont aucune confiance dans les journaux de la zone occupée. Ayant été décoré de l'ordre de la Francisque, il est après guerre membre du comité d'honneur de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain. Ainsi que président d'honneur de l'Association professionnelle de la presse républicaine et de la Caisse générale des retraites de la presse française.

Œuvres de bienfaisance, vie mondaine et vie privée

Il fonde en 1903 le gala annuel des pupilles, une fête de charité. Elle procure des vacances à de jeunes et pauvres Parisiens. Bailby a offert 3 semaines de vacances aux colonies scolaires des pupilles de l'Intransigeant dans son domaine des Alpes-Maritimes, dans la seconde moitié des années 1920. Il est surtout connu pour avoir lancé le bal des petits lits blancs. C'est en 1918 qu'il a fondé avec l'épouse d'Henri Lavedan, qui la préside, l'œuvre des petits lits blancs, destinée à venir en aide aux enfants atteints de la tuberculose osseuse. Pour financer cette œuvre, il crée en 1921 un gala de charité luxueux, le bal des petits lits blancs, qui devient rapidement l'une des attractions phares de la vie mondaine. Le gala a lieu tous les ans (sauf en 1933) à Paris, d'abord en hiver au Théâtre des Champs-Élysées puis à l'Opéra Garnier à partir de 1924, en juin 1935 dans le parc du Cercle de l'Union interalliée, et ensuite en été sur la Côte d'Azur à partir de 1936, notamment au casino Palm beach de Cannes. 

C'est lui qui organise les festivités: dîner, spectacles, avec les artistes en vogue, tels Fernandel, Arletty ou Mistinguett, tombola et bal. Les artistes se produisent gratuitement, mais Bailby fait état dans ses souvenirs des prétentions « indécentes » de Tino Rossi. Son gala attire des personnalités de l'aristocratie, française et européenne, du monde des affaires, de la diplomatie, du monde artistique, de la politique. Des présidents de la République sont venus présider le gala parisien. Interrompu durant la Seconde Guerre mondiale, il est relancé en 1947. Bailby le préside jusqu'en 1953, mais ce n'est plus lui qui l'organise. Il remet en 1952 avec la présidente de l'œuvre, la baronne Seillière, 2 millions de francs pris sur les bénéfices du gala à la fédération nationale des syndicats et des associations professionnelles de journalistes.

Il demeure à Paris au 20, rue de Navarin, puis au 17, rue de l'Université, dans une partie de l'Hôtel Bochart de Saron. Il y donne des réceptions et des dîners. Selon Pierre Assouline, il vend son hôtel à Gaston Gallimard qui le convoitait depuis longtemps, en 1944, « quelques jours avant la Libération » et « pour une bouchée de pain », alors qu'il est « aux abois depuis peu ». D'abord propriétaire de la villa Beauregard à Dinard, il la vend et se fait construire à partir de 1925 une villa à Biot (Alpes-Maritimes), le domaine des Aspres. Après l'avoir promis en 1929, il lègue son domaine en 1937 à la caisse de retraites de la presse. Il est alors estimé entre 5 et 6 millions de francs. Sa donation doit prendre effet au lendemain de sa mort. Il renonce en fait à son usufruit en 1947.

Il aurait été homosexuel. Il aurait eu une longue liaison avec l'esthète et critique littéraire Albert Flament, avec qui il participe à la vie mondaine et artistique parisienne dès les années 1890. Léon Daudet l'appelle « la petite Bailby » dans l'Action française au cours des années 1920. C'est dans les années 1930 et 1940 qu'il est le plus moqué. D'abord par des artistes de gauche, tels René Crevel, qui l'a connu - il le caricature dans son roman Les pieds dans le plat (1933), sous les traits d'un personnage qu'il appelle le « prince des journalistes »  - ou Jacques Prévert, dans son poème-pamphlet de 1936 La crosse en l'air (« madame Léon Bailby monsieur Antinoüs »). Le quotidien socialiste Le Populaire le moque également: « Avec une malignité de vieille coquette, M. Léon Bailby s'est amusé comme une petite folle (...) ». 

Ce sont parfois juste des allusions, comme dans ce communiqué de l'Union Fédérale des Associations Françaises d'Anciens Combattants après que Bailby a dénoncé les gaspillages du ministère des pensions, ou bien dans des quotidiens de gauche. Son homosexualité est aussi brocardée par des personnalités de droite et d'extrême droite. À l'occasion d'une polémique en 1938, Henri de Kerillis oppose sa paternité à Bailby, « vieillard [ il a alors 71 ans ] sans autre famille que l'entourage changeant des petits jeunes gens préposés à ses plaisirs ». Le fasciste et collaborationniste, Lucien Rebatet, qui l'a connu, le taxe de « vieille tante mondaine » dans Les Décombres (1942).

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