Jean-Thomas Ungerer, dit Tomi Ungerer, né le 28 novembre 1931 à Strasbourg et mort le 9 février 2019 à Cork en Irlande, est un peintre, dessinateur, illustrateur et auteur alsacien, de nationalité française. Tomi Ungerer, considéré comme un des plus brillants dessinateurs de sa génération, a mené à partir de 1957 une carrière internationale dans de nombreux domaines des arts graphiques. Parmi ses nombreux livres pour enfants, plusieurs dont Les Trois Brigands et Jean de la Lune ont connu un succès international. Ses affiches contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale dont Black Power/White Power sont célèbres. L'artiste est avant tout un fin observateur de la société de son temps. Il a livré une satire virulente de certains aspects de la société américaine, dans l'esprit de Daumier et de Grosz. Créateur multiforme, il s'est également intéressé à la sculpture et a écrit de nombreux textes, dont plusieurs autobiographiques. Un musée lui est consacré à Strasbourg sa ville natale.
Issu d’une famille protestante qui compte des bouchers (originaires de Öhringen, installés en Alsace en 1674) et des pasteurs, Tomi Ungerer est le fils de Théodore Ungerer et d’Alice Essler. Son arrière-grand-père Auguste Théodore, son grand-père Alfred (1861-1933) et son père Théodore (1894-1935) travaillent dans l'horlogerie monumentale. L'entreprise d'horlogerie Ungerer active de 1858 à 1989 a notamment entretenu la troisième horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg. Tomi Ungerer est âgé de trois ans quand son père décède. Ce dernier était ingénieur, fabricant d'horloges astronomiques, artiste et historien ; Tomi lui rend hommage dans De père en fils (2002) : « J’ai eu le sentiment qu'il m'avait transmis tous ses talents en mourant »3. La famille quitte Strasbourg et part s’installer à Wintzenheim, dans le quartier du Logelbach au 12 rue Haussmann – une plaque signalant le lieu où il a habité a été posée le 19 février 2005 –, dont les paysages calmes et romantiques inspireront l’auteur. C’est en Alsace que son œuvre plonge ses racines, malgré son tempérament de globe-trotter.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l'Alsace est annexée par l’Allemagne. La maison et l’usine familiale sont réquisitionnées par les Allemands et, comme tous les Alsaciens, Tomi Ungerer subit un endoctrinement nazi via l’école qu’il fréquente et qui est soumise à la germanisation. Les journées commencent alors par des chants nazis (qu'il a avoué quelque temps avant sa mort encore connaître par cœur, fruit de l'endoctrinement d'alors, dont on ne se défait jamais disait-il), et l'écoute des discours du Führer. Il lui est fait totale interdiction de parler français et son prénom jugé insuffisamment germanique est changé autoritairement en « Hans »4. Cette période l'a traumatisé à vie indiquait-il encore au soir de sa vie, faisant encore des cauchemars chaque nuit liée à cette période. Sa mère continue toutefois à lui parler en français malgré l'interdiction. Et quand elle est dénoncée aux autorités nazies, elle trouve un stratagème pour continuer : à l'officier de la Gestapo qui la reçoit, elle confirme parler en français avec son fils, et indique qu'elle continuera. Elle ajoute avec une feinte conviction : « il faudra bien trouver des gens pour diriger ces Français après la victoire finale. » Convaincu, l'officiel admet : « Ainsi parle une vraie fille du Führer. » Et ainsi l'enseignement en français du jeune Tomi put continuer.
Il se dit alors « Français à la maison, Alsacien dans la rue, et Allemand à l'école. » C'est là qu'il commence à dessiner son environnement, comme pour exorciser son quotidien. Après la libération de l'Alsace, Tomi Ungerer est à nouveau français, mais il a beaucoup de mal à s’adapter à cette nouvelle situation. On lui interdit cette fois, et comble de l'ironie, de parler alsacien6. Nouveau traumatisme pour lui. Il en dit avec amertume en 2009 : « La liberté c’est avant tout le droit de l’individu à sa propre identité. L’égalité c’est l’harmonie entre les différences qui se complètent. La fraternité se crée dans le respect de l'identité des autres. Pour le jacobinisme centraliste français avec son idéal de citoyens identiques issus d’un moule scolaire, ceci est anathème ! Pour faire de nous Alsaciens, une région de Kougelhopfs et de Dumkopfs docilisés, la France de l'après-guerre a commis un assassinat culturel. Par le biais de l'enseignement, elle s’est acharnée à nous déraciner de nos origines qui sont germaniques. Même s’il est préférable que nous soyons les Allemands de la France plutôt que les Français de l'Allemagne, nous n’en sommes pas moins stigmatisés, nous sommes les Ploucs am Rhein, jadis tout simplement des sales boches ! ».
Ces événements doublement douloureux pour lui le marqueront d'une sensibilité particulière, qui se traduira dans ses œuvres tout au long de sa longue carrière artistique. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tomi pratique le scoutisme chez les Éclaireurs Unionistes de Colmar, où il reçoit le totem de « Fourmi boute-en-train » : « Lorsque j’étais chez les scouts, mon totem, c'était une fourmi. Imaginez ces fourmis courant dans tous les sens, toujours en train de travailler. Je ne pouvais pas passer ma vie à ne rien faire. Un vrai boute-en-train, c’est-à-dire un meneur… une fourmi qui montrait le chemin aux autres, qui entraînait les autres dans sa fourmilière. » En 1946, il explore la France à vélo. En 1951, après son échec au baccalauréat, au lycée Bartholdi, il voyage par des moyens de fortune jusqu'en Laponie et au Cap Nord. En 1952, Tomi Ungerer s'engage dans le corps des méharistes en Algérie. Il est réformé en 1953. Il s'inscrit alors aux Arts décoratifs à Strasbourg mais est renvoyé au bout d’une année pour indiscipline. Il travaille alors comme étalagiste et publicitaire pour des petites entreprises. Entre 1954 et 1955, il effectue de nombreux voyages dans toute l'Europe, toujours par des moyens de fortune (en auto-stop ou en s’engageant comme marin sur des cargos), notamment en Islande, en Norvège, en Grèce et en Yougoslavie.
En 1956, Tomi Ungerer part une première fois pour New York, où il débarque avec un carton de dessins et 60 $ en poche. Après avoir obtenu sa Green Card, il s'y installe définitivement en 1957. C'est alors le succès immédiat : il travaille pour les journaux et magazines les plus prestigieux (New-York Times, Village Voice, Life etc.). Sa rencontre avec Ursula Nordstrom des éditions Harper & Row est déterminante pour sa carrière dans le domaine des livres pour enfants. Ce sont ses activités de dessinateur publicitaire et notamment d’affichiste qui lui apportent la notoriété. Il se fait aussi connaître comme dessinateur politique par ses affiches contre la guerre du Viêt Nam et la ségrégation raciale et comme dessinateur satirique par sa critique de la société américaine.
Après un divorce, il se remarie en 1971 avec Yvonne Wright et s’installe en Nouvelle-Écosse au Canada9. Cette région sauvage les séduit malgré un voisinage digne du Far-West. Tomi Ungerer raconte leur expérience dans un récit illustré, "Far Out isn't Far Enough", paru en 1983.
En 1976, Tomi et Yvonne Ungerer s’installent définitivement dans la région de Cork en Irlande, pays dont la famille de son épouse est originaire, et où vont naître leurs trois enfants.
Tomi Ungerer est membre du comité de patronage du think tank strasbourgeois Forum Carolus, créé et dirigé par Henri de Grossouvre, car pour lui, comme il aime à le répéter, « pour la première fois depuis des siècles, Strasbourg et l’Alsace sont au bon endroit au bon moment ». En 1975, il fait une première donation aux Musées de la ville de Strasbourg d'œuvres personnelles et de jouets issus de sa collection. Cette donation est suivie de plusieurs autres. La collection compte aujourd'hui 14 000 dessins et 1500 jouets. À partir des années 1980, il s’investit énormément pour l’amélioration des relations franco-allemandes et dans la préservation de l’identité, du particularisme et du bilinguisme en Alsace.
En 1988, pour le bimillénaire de Strasbourg, il réalise la « Fontaine de Janus », installée à côté de l’Opéra national du Rhin. Une de ses sœurs décède le 20 janvier 1992 dans la catastrophe aérienne du mont Sainte-Odile. Il fonde alors l’association Entraide de la Catastrophe des Hauteurs du Sainte-Odile (ECHO). En 1998, il obtient le prix Hans Christian Andersen, mention illustrateur, la plus haute distinction pour un auteur de livres d'enfants. En 2008, il est le premier lauréat du Prix de l'Académie de Berlin. Son œuvre compte 30 000 à 40 000 dessins. Elle s'étend aux domaines de la littérature d'enfance et de jeunesse, de la publicité, du dessin de satire sociale et politique, des alsatiques et de l’érotisme.
En 2014, la commune de Juvisy-sur-Orge, en Essonne, baptise une école élémentaire du nom de l'auteur. Père de quatre enfants, Phoebe, Aria, Pascal et Lukas, Tomi Ungerer meurt le 9 février 2019 à Cork (Irlande), chez sa fille Aria. Ses obsèques sont célébrées le 12 février en l'église Saint-Brendan de Bantry en Irlande. Une cérémonie œcuménique d’À Dieu est organisée à la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg le 15 février. Présidée par Mgr Luc Ravel, la prédication est donnée par le pasteur Christian Krieger et par le chanoine Michel Wackenheim archiprêtre de la cathédrale, en français, allemand et alsacien. Roland Ries, maire de Strasbourg, prononce l’hommage de la ville et, selon les dernières volontés de Tomi Ungerer, un chant yiddish, « Mein Ruheplatz », chanté par Astrid Ruff ouvre la célébration, puis Roger Siffer interprète trois chansons : « Ich hatt’einen Kameraden », « O Strassburg » et « Die Gedanken sind frei ». La cérémonie qui s’achève sur la Prière scoute, réunit plus de 1 000 personnes. Selon ses dernières volontés, ses cendres sont partagées. Une moitié repose en Alsace, l’autre est inhumée en Irlande. Le square du Tivoli, situé à proximité de sa maison natale à Strasbourg, est pressenti pour prendre le nom de « Place Tomi-Ungerer ». Une statue de l’artiste pourrait y être installée. La promotion 2019-2024 de Sciences Po Strasbourg choisit de porter le nom de Tomi Ungerer, de même que la promotion 2021-2022 des élèves conservateurs de bibliothèques de l'Institut national d'études territoriales (INET), également situé à Strasbourg.
Le Musée Tomi-Ungerer – Centre international de l'illustration est situé à la Villa Greiner, avenue de la Marseillaise à Strasbourg. Ce musée conserve la collection Tomi Ungerer, qui provient de plusieurs donations effectuées par l’artiste à sa ville natale depuis 1975 et qui comprend quatorze mille dessins originaux, des estampes, un fonds documentaire, une bibliothèque. Mille cinq cents jouets et jeux provenant de la collection personnelle de Tomi Ungerer font également partie de la collection du musée. Il a ouvert ses portes en novembre 2007 et présente le fonds au rythme de trois expositions par an.
L'entraide - illustration sur timbre-poste français
Trémolo, - traduit de l'allemand Tremolo -
Le Nuage bleu