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Code de Nuremberg

Le « code de Nuremberg » est une liste de dix critères contenue dans le jugement du «procès des médecins» de Nuremberg (1946-1947). Ces critères indiquent les conditions que doivent satisfaire les expérimentations pratiquées sur l'être humain pour être considérées comme « acceptables ». 

Karl Brandt

Karl Brandt

C'est sur ces critères que le tribunal condamna les 16 accusés sur 23, convaincus d'avoir pratiqué ou participé à l'organisation d'expériences médicales illicites dans des conditions atroces, notamment sur les prisonniers des camps de concentration. La liste des critères de licéité des expérimentations médicales, tirée de la section « Expériences acceptables » du jugement, circula rapidement en anglais sous le nom de « Nuremberg Code ». Le « code de Nuremberg » n'est nullement le point de départ de la réflexion éthique et juridique sur l'expérimentation humaine : il récapitule des principes connus et acceptés très antérieurement au jugement, depuis au moins le début du XXe siècle ; le tribunal n'a pas jugé sur des règles qui auraient été inventées spécialement pour le procès (ce qui aurait été contraire à tous les principes du droit pénal). 

Le « code de Nuremberg » eut peu d'effet direct sur les pratiques d'expérimentation après la guerre : elles furent plus sensibles à la déclaration d'Helsinki de 1964 et plus encore à sa révision en 1975, lors du Congrès de Tokyo (qui disposait que les recherches sur les sujets humains qui ne respecteraient pas la Déclaration ne devraient plus être publiées). Mais le « code de Nuremberg » reste incontestablement le texte séminal d'un nouvel ordre normatif international en matière de recherche sur l'être humain, que les textes internationaux ultérieurs n'ont cessé de consolider. Le « procès des médecins » ne doit pas être confondu avec le procès des dignitaires nazis qui se tint en 1945-1946 devant le Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg. Le « procès des médecins » eut lieu devant un tribunal militaire américain (et non pas international), mais qui agissait dans le cadre de dispositions internationales et pour le compte des forces alliées. C'est pourquoi les jugements du Tribunal militaire américain (TMA) sont, comme ceux du TMI, des jurisprudences internationales.

La liste des critères définissant les expériences médicales acceptables a été établie par le Tribunal de Nuremberg à partir du rapport de deux experts de l’accusation : le Dr Leo Alexander (qui revendiqua ultérieurement la paternité du « code ») était attaché aux services du procureur (il colligea une grande partie des témoignages et des preuves contre les accusés) ; le Pr Andrew Ivy, désigné en raison de ses compétences en matière de recherche par l’Association médicale américaine. Ces expertises avaient été requises par le tribunal qui constatait que le serment d’Hippocrate ne constituait pas une base normative suffisante pour établir le caractère criminel ou non des expérimentations nazies.

La défense s’était efforcée avec succès de mettre en doute sa validité universelle, de même qu’elle déstabilisait l’accusation en produisant les publications d’expérimentations pratiquées par les nations alliées, qu’elle tentait d’assimiler aux expériences incriminées. Travaillant séparément, les deux experts sont amenés par les procureurs de la poursuite à produire des rapports convergents sur les conditions dans lesquelles les expérimentations humaines étaient admises depuis la fin du XIXe siècle par la morale médicale. Les scandales qui émaillèrent l’histoire de l’expérimentation médicale indiquent qu’il était parfaitement compris au début du XXe siècle que le consentement des sujets d’expérience était la condition première à remplir. La traduction moderne de référence du « code de Nuremberg », faite depuis le texte du jugement, est la suivante pour les 10 articles :

  • Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition ; et qu’elle doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes de ce que cela implique, de façon à lui permettre de prendre une décision éclairée. Ce dernier point demande que, avant d’accepter une décision positive par le sujet d’expérience, il lui soit fait connaître : la nature, la durée, et le but de l’expérience ; les méthodes et moyens par lesquels elle sera conduite ; tous les désagréments et risques qui peuvent être raisonnablement envisagés ; et les conséquences pour sa santé ou sa personne, qui pourraient possiblement advenir du fait de sa participation à l’expérience. L’obligation et la responsabilité d’apprécier la qualité du consentement incombent à chaque personne qui prend l’initiative de, dirige ou travaille à, l’expérience. Il s’agit d’une obligation et d’une responsabilité personnelles qui ne peuvent pas être déléguées impunément.
  • L’expérience doit être telle qu’elle produise des résultats avantageux pour le bien de la société, impossibles à obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude, et pas aléatoires ou superflus par nature.
  • L’expérience doit être construite et fondée de façon telle sur les résultats de l’expérimentation animale et de la connaissance de l’histoire naturelle de la maladie ou autre problème à l’étude, que les résultats attendus justifient la réalisation de l’expérience.
  • L’expérience doit être conduite de façon telle que soient évitées toute souffrance et toute atteinte, physiques et mentales, non nécessaires.
  • Aucune expérience ne doit être conduite lorsqu’il y a une raison a priori de croire que la mort ou des blessures invalidantes surviendront ; sauf, peut-être, dans ces expériences où les médecins expérimentateurs servent aussi de sujets.
  • Le niveau des risques devant être pris ne doit jamais excéder celui de l’importance humanitaire du problème que doit résoudre l’expérience.
  • Les dispositions doivent être prises et les moyens fournis pour protéger le sujet d’expérience contre les éventualités, même ténues, de blessure, infirmité ou décès.
  • Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes scientifiquement qualifiées. Le plus haut degré de compétence professionnelle doit être exigé tout au long de l’expérience, de tous ceux qui la dirigent ou y participent.
  • Dans le déroulement de l’expérience, le sujet humain doit être libre de mettre un terme à l’expérience s’il a atteint l’état physique ou mental où la continuation de l’expérience lui semble impossible.
  • Dans le déroulement de l’expérience, le scientifique qui en a la charge doit être prêt à l’interrompre à tout moment, s’il a été conduit à croire — dans l’exercice de la bonne foi, de la compétence du plus haut niveau et du jugement prudent qui sont requis de lui — qu’une continuation de l’expérience pourrait entraîner des blessures, l’invalidité ou la mort pour le sujet d’expérience.

Aux États-Unis, le « code de Nuremberg » glissa sur une communauté médicale qui ne se sentait pas concernée. « Le point de vue dominant était que [les accusés] étaient d’abord et avant tout des nazis ; par définition, rien de ce qu’il firent et aucun code établi en réponse à cela n’étaient pertinents pour les États-Unis », indique l’historien D. Rothman. « C’était un bon code pour les barbares, mais un code inutile pour les médecins normaux », résume J. Katz. Le « code de Nuremberg », de ce fait, n’empêcha pas des recherches sur l’être humain qui enfreignaient parfois gravement les principes (étude de Tuskegee sur la syphilis, par exemple).

Les versions antérieures en français du « code de Nuremberg » proviennent de deux sources : le texte du Dr François Bayle, un observateur français au « procès des médecins », issu de la synthèse du procès publiée en 1950 ; un texte d’origine inconnue (probablement une autorité déontologique nationale), publié en 1984 en annexe de l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur la recherche sur l’être humain et repris par le rapport du Conseil d’État préparatoire à la loi de 1988 sur les recherches biomédicales. La traduction de Bayle donne la partie du jugement de Nuremberg qui ne s’appelle pas encore « code de Nuremberg ». Cette version, qui fit longtemps référence, contient de nombreuses inexactitudes et approximations.

Elle est le fait d’un médecin – Bayle était un psychiatre de la Marine – peu au fait des questions et de la terminologie juridiques. Bayle a tenté de corriger des formulations qui paraissent abruptes du point de vue d’un déontologue français : ainsi, l’expression « human subject » est traduite non par « sujet humain », mais par « sujet qui sert à l’expérience » ; le bien de la « société » (que doit poursuivre l’expérience) est transformé en bien de « l’humanité ». La traduction de Bayle a été corrigée sur ces points dans la version publiée par C. Ambroselli dans son « Que sais-je ? » sur l’Ethique médicale. Le texte du CCNE, publié sans source, est une adaptation déontologique simplifiée du « code de Nuremberg », destinée aux médecins expérimentateurs. Le « sujet humain » est remplacé par « le malade ». Le « code de Nuremberg » a été très régulièrement pris pour un texte déontologique ou éthique. Il s’agit, en réalité, d’un texte juridique : le procès des médecins n’était pas un congrès d’éthique, mais un procès pénal international.

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